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EAN : 9791097417376
90 pages
Viviane Hamy (09/05/2019)
4.29/5   56 notes
Résumé :
Comment vivre – ou survivre – dans un lotissement en ruine, où règne partout l’odeur de la pisse ? Comment être une petite fille épanouie alors que votre beau-père glisse un doigt sous votre culotte, le soir ? Quelle femme peut-on devenir quand on perçoit sa mère comme une personne faible, dont on a honte, et qui a choisi de fermer les yeux sur les actes de son mari ?

En racontant son enfance, l’auteur établit un lien entre celle qu’elle fut jadis – ... >Voir plus
Que lire après Ce qui est monstrueux est normalVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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« En littérature, tout se lit, tout se vit, tout se dessine. La laideur d'une famille qui traverse les lieux sales d'un pays qui ne veut pas le voir, c'est aussi ce que nous pouvons en faire, c'est aussi ce qu'elle sait en faire, depuis qu'elle a neuf ans, en les écrivant : la littérature. Alors on ferme les yeux et on redevient l'enfant. »

L'illustration de la couverture est très juste : une fillette hurlant dans un porte-voix. Ce récit autobiographique a beau être court, il n'en reste pas moins un long cri, celui d'une adulte qui se souvient avoir été l'enfant, d'une adulte qui aurait pu sombrer après avoir été l'enfant mais qui s'est relevé.

Les mots de Céline Lapertot savent se faire silex pour décrire la rue du Pont-Rouge, une de ses zones que personne ne nomme, que personne ne regarde «  parce que ça en tient pas debout, ça ne tient pas la route, ces murs en carton et ces allées qui puent la pisse de char, ces immeubles branlants aux vitres cassées ». du silex pour décrire la misère sociale mais aussi affective que subit l'enfant auprès d'une mère terrassée par la précarité et d'un beau-père violent. Mais ce qui est très fort dans l'écriture sèche et très travaillée de Céline Lapertot, c'est qu'elle à l'art de sublimer les blessures sans chercher à atteindre une quelconque esthétique fascinée par le sordide et l'abject. Jamais le lecteur ne sent voyeur et s'il est mal à l'aise, c'est parce que ce que subit l'enfant qu'a été l'auteur est inacceptable et relève d'une enfance que personne ne peut imaginer s'il a grandi dans une enfance cocon. Elle parvient à transmettre le goût des murs sales, des assiettes vides, des larmes et du sang sans pathos ni atermoiement.

Les mots de Céline Lapertot savent aussi se faire lumière lorsqu'ils rendent hommage au pouvoir salvateur de la littérature et de l'écriture. Parce qu' « il n'y a qu'à travers les mots qu'on peut s'octroyer le droit de balancer des coups de poings dans la gueule ». La violence du souvenir ne s'efface jamais sous les mots mais permet d'aller au-delà. Car l'enfant s'est révélé à l'école à coup de lectures frénétiques, puis sous le regard bienveillant d'éducateurs de la DDASS. Ecrire ou crever. L'enfant est devenu professeur.

Un récit intime sans fard d'un parcours de résilience, d'une grande honnêteté, un récit marquant, porté par une écriture forte à la hauteur de l'ambition de son auteure.
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C'est un peu comme si Céline Lapertot vous invitait à une projection privée, en super 8. Elle projette les images de sa vie et au début, c'est mignon, nostalgique, un peu laborieux, une ritournelle, et puis les premières fausses notes arrivent quand son beau-père apparaît. Avec lui, surgissent l'alcool, la précarité, le malaise, et bientôt l'impensable… le récit change de registre, sans entracte pour se préparer au choc qui va suivre. Son malheur saisit à la gorge au détour d'une description anodine, sans crier gare. L'auteure utilise la fiction pour tenir le monstre à distance. La littérature sert aussi à ça : à se protéger des bassesses de la vie. Les pages 42 à 49 sont extraordinaires de lucidité et d'intensité. Pour évoquer l'abus dont elle est victime, Céline Lapertot suggère là où d'autres (ex : Angot) auraient choisi de surexposer les faits. Elle ne cherche pas à montrer pour démontrer. Mais elle n'élude jamais la douleur, l'ambiguïté de ses sentiments, cette quête d'amour qui ne peut s'accommoder du viol « … parce que l'enfant réclame de la tendresse et qu'à la place, on lui donne du sexe ». C'est d'ailleurs une question récurrente dans le livre : comment la littérature permet-elle d'exorciser l'horreur d'une existence passée (les mots contre les maux) ? Doit-on y associer les lecteurs (p50-51) ? Passée l'évocation de son martyr, commence un autre livre (tout aussi passionnant) dans lequel l'auteure affirme que la DDASS l'a sauvée, que sa famille d'adoption lui a redonné le goût de la vie, que l'amour est étranger à l'ADN (sa mère biologique et son silence coupable…) et qu'à ce titre, l'administration fait souvent des conneries. Céline Lapertot aurait pu mal finir mais son innocence brisée lui a donné, paradoxalement, « le trésor des rois (…) une capacité infinie de rebondissement ». Voilà l'exemple (si rare !) d'un récit autobiographique qui vaut la peine d'être lu : le récit bouleversant d'une renaissance.
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J'ai lu les trois précédents romans de Céline Lapertot que j'ai découvert avec Ne préfère pas le sang à l'eau, une révélation pour moi, un coup de poing, une prise de conscience. J'ai lu ensuite Des femmes qui dansent sous les bombes et Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre dans lesquels j'avais retrouvé la « patte » le « style » de l'auteure, une manière bien à elle, souvent une rage, une colère qu'elle traduit en force, une force de mots.

Quand j'ai appris la sortie de son dernier opus, une autobiographie de son enfance, inutile de vous dire que je n'avais qu'une envie ….. le lire. Evidemment il m'a fallu attendre qu'il soit disponible à la bibliothèque mais c'était bon signe….. Je n'étais pas la seule à l'apprécier !

Je me doutais que derrière cette écriture fiévreuse, se cachaient des blessures. Ce n'était pas possible autrement pour moi. Ici, l'auteure se raconte, en prenant de la distance, en parlant de « l'enfant », de cette enfant qu'elle a été, mais il faudrait plus dire « crie » dans ce « livre blanc », tout ce qui l'a détruit mais aussi reconstruit. Ce beau-père, ce « presque-père » qui ne respecte rien, l'indifférence d'une mère, le non-amour familial et puis la renaissance à 13 ans, la découverte d'un territoire inconnu : l'amour d'une famille.

Elle évoque ce qu'il y a de plus intime en elle, tellement enfoui, refoulé et qui remonte à la manière de « mauvaises madeleines de Proust » ici ou là, certains souvenirs se tapissant pour ressurgir et faire émerger ce que la mémoire avait choisi d'oublier :

"La mémoire refoule ce qu'elle n'est pas encore prête à porter. Il faut être fort, dans cet endroit si précis de la cage thoracique où l'on cache ce qui nous brise, il faut être vaillant, pour pratiquer cette maïeutique du souvenir qui nous laisse tout bête au milieu de la salle des professeurs, tandis que retentit la sonnerie. Il faut être fort pour entreprendre ce jeu d'échecs avec nos cerveau sur un terrain qu'il connaît mieux que nous ; la mémoire sélective. (p21)"

Quel chemin parcouru fait d'humiliations, d'abandon, de gestes déplacés, de silences et puis la lumière à travers une famille, une « vraie » mère, sans autre lien que l'amour donné et reçu, la guérison à travers l'éducation et l'écriture mais aussi ce besoin devenu viscéral de transmettre, d'enseigner, ce qui l'a sauvée.

C'est une lecture à double portée : dénoncer dans un premier temps les misères de tous ordres, les violences, les abus et les traces laissés sur les corps et dans les esprits, énoncer les faits sans dramaturgie simplement dans ce qu'ils ont de terrible, puis démontrer que le chemin que certains croient inéluctable peut changer, grâce à des rencontres et dans son cas ce fut la lecture, les auteurs, l'école qui lui ont permis de trouver la voie à suivre. Elle prouve si besoin était que la lecture et la littérature peuvent sauver des vies….

Oui, je la rassure, je reconnais son écriture, je sais qu'elle met dans ses romans tellement d'elle-même. Il n'y a pas assez de mots assez forts pour parler d'une enfance malheureuse alors il faut y ajouter parfois la colère et dans le cas présent une colère froide, en n'évoquant que le strict nécessaire, déjà tellement insoutenable, pour les porter plus haut, plus loin. C'est comme toujours, court, net, précis, direct mais avec une richesse de vocabulaire, une analyse des situations et des sentiments d'une profonde justesse.

La littérature salvatrice mais aussi dans son cas l'écriture, deux remèdes que l'auteure a fait siennes pour survivre mais aussi pour les offrir en partage dans l'enseignement mais aussi dans ses romans.

"… un jour, je me devrai tout à moi-même. Ecrire, c'est aussi cela. Se devoir à soi-même, échapper à toute forme de dépendance, abolir les médiocrités de la vie quotidienne pour quelques petites heures où nous marchons sur la Lune. (p70)"

Je suis admirative du courage qu'il lui a fallu pour évoquer les faits, se mettre à nu, mais avec dignité, un constat de la misère ordinaire mais avec la volonté de montrer également qu'il est possible de rebondir, d'en faire presque, je dis bien presque, une force.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Céline Lapertot a un indéniable talent d'écriture.
Elle manie parfaitement bien les mots et les tournures de phrases
J'avais beaucoup aimé « Ne préfère pas le sang à l'eau » et je récidive avec celui-ci.
Et pourtant, le sujet est difficile !
Elle raconte, en disant « l'enfant », son enfance difficile, disons plutôt monstrueuse.
Mais sans s'en plaindre vraiment.
C'est un constat, c'était comme ça.
Et la manière de raconter est d'une grande originalité.
S'y mêle la fonction salvatrice d' l'écriture.
Je suis admirative de la manière dont elle s'en est sortie, pas indemne certainement, mais grandie de cette enfance bafouée.
Qui pourrait être indemne ?
Beaucoup de pudeur, de délicatesse pour décrire l'indicible.
Non, tout ce qui est monstrueux n'est pas normal.
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Un livre terrible qui relate l'enfance de l'écrivaine dans un milieu plus que défavorable entre une mère inexistante et un beau-père pédophile. Céline Lapertot raconte, d'une plume sobre, l' inénarrable tout en expliquant comment l'écriture et le placement en foyer puis en famille d'accueil l'ont sauvée. Une lecture forte.
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critiques presse (2)
LeMonde
28 mai 2019
Un texte de silex, sec et tranchant, racontant « la laideur d’une famille qui traverse les lieux sales d’un pays qui ne veut pas les voir ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
20 mai 2019
Dès les premières pages, la douceur d'une écriture insouciante nous berce, et l'on succombe à ces 90 pages. Court, puissant, une vraie claque.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
L’enfant devenue grande a souvent mal au ventre. Des kystes gros comme des œufs de caille sur les ovaires. Il n’y a pas de hasard dans la vie, elle a trop lu Racine et Pascal pour croire encore que les aléas de l’existence ne sont qu’un dé que l’on jette en bas de l’escalier. Le ventre, c’est par là que tout passe, la vie, comme la petite mort qu’on t’inflige à coup de caresses que tu n’as même pas demandées.
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C'est une ville qui ressemble à toutes les autres, en France. Avec ses habitants qui marchent en titubant sur les trottoirs ; ses fumeurs qui crachent leurs tripes ; ses hommes qui partent au travail tôt le matin, sans que les passants se doutent de ce qu'ils ont fait de leurs mains la nuit passée, de ce qu'ils ont fait de leur sexe cette même nuit ; ses femmes qui courbent la tête et qui végètent dans leur robe de chambre une partie de la matinée, le bol de café rempli à ras bord et le cendrier qui déborde de mégots de cigarettes, ces femmes qui ont bien entendu quelques bruits en provenance de la chambre pendant qu'elles étaient encore sur le canapé, à se persuader que cela provenait de la télé ; ses enfants qui partent à l'école en évacuant déjà les brumes de la nuit passée, puisque les adultes ne truvent rien à y redire, puisque le quotidien se construit de ces jours d'école et de ces nuits dont il ne faut rien dire.
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C’était un homme qui enterrait les morts, et l’enfant ne sait pas que cela a un nom, et que les adultes, eux, disent fossoyeur. Mais il lui arrivait aussi d’enterrer les vivants, sous les litres d’alcool dont les adultes aiment un peu trop contaminer leur sang. C’était un homme qui faisait mourir les enfants de son amour pour les bières. Ce fait n’est pas forcément un drame, ce n’est pas un marqueur tragique dans une existence vouée à l’échec, tout dépend de ce que nous souhaitons en faire, quand on est écrivain. La meilleure des ivresses, pour l’enfant du Pont-Rouge, c’est s’oublier dans l’écriture d’un roman.
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La naissance d'un écrivain.C'est là, au coeur de cette collectivité, que les mots ont pris un sens, que la poésie s'est faite Terre, que l'enfant s'est dit, le plus sérieusement du monde, "J'écris ou je crève".
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Il n'y a pas de libération pour celle qui sait devoir pardonner l'impardonnable si elle ne veut pas être condamnée à vivre seule. L'enfant a entendu et lu, tellement souvent, des femmes fortes clamer à la cantonade que quand on veut on peut, et qu'il n'y a qu'à partir. Il n'y a rien de plus faux, rien de plus fourbe que ces propos péremptoires si ignorants du trou béant qui gît dans le cœur de ces êtres qui se persuadent au fond d'elles-mêmes ne rien devoir mériter, si ce n'est les quelques vagues merdes en poudre que nous vomit le quotidien
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Videos de Céline Lapertot (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Céline Lapertot
26 févr. 2023 Rencontre en ligne Un endroit où aller du 13/02/2023 avec Céline Lapertot pour son roman "Les chemins d’exil et de lumière" paru aux éditions Viviane Hamy.
Elle est interviewée par Nathalie Couderc.
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