J'ai eu la chance, il y a quelques années, d'avoir la possibilité d'observer les chimpanzés dans la forêt de Kibale et les gorilles dans la réserve de Bwindi, en Ouganda, puis de l'autre côté de la frontière au Rwanda. Ce fut une expérience inoubliable. Surtout pour les gorilles en Ouganda. Les chimpanzés, restant plus facilement perchés en haut des arbres et difficilement observables. Mais, se retrouver « accueillis » dans une famille de gorilles, dans leur territoire, les mamans s'occupant de leurs petits, faisant confiance aux guides qui nous accompagnaient, était quasiment comme d'être accueillis dans une famille « humaine ». Ce regard, dont parle de Waals, regard presque humain, qui nous renvoie à notre propre condition de faire partie d'une espèce voisine de la leur a quelque chose d'extrêmement troublant et impose un certain respect.
Je comprends d'autant mieux ce que cherche à établir Franz de Waals en essayant de prouver que nous n'avons pas le monopole de la morale, qui, certainement, pré-existait à nos religions et en était la base. Commençant son livre par une explication du célèbre tableau de Jérome Bosch « Le jardin des délices », il essaie de voir en quoi la religion chrétienne a imposé sa conception du bien et du mal, que met en scène le peintre, en prenant toutefois, quelques licences. le rationalisme issu de la Renaissance commençait en effet, à faire son oeuvre. Mais, la religion, selon de Waals, n'est que la conséquence ou l'aboutissement de la morale, qui semblait exister bien avant Sapiens, enfouie au fin fond de notre processus évolutif pour permettre une meilleure entente entre mammifères, aidant, en cela, la cohésion des groupes à venir. Les bonobos, eux aussi agissent sous l'emprise d'une certaine morale, et tout n'est pas permis dans le groupe. Il y a des choses qui ne se font pas, comme dans les groupes humains.
A l'aide de très nombreux exemples puisés au fils de ses multiples expériences, l'auteur nous démontre, ni plus ni moins, que les bonobos et chimpanzés ont la même façon de réagir, dans beaucoup de domaines, que nous, les humains. le texte est clair, agrémenté de dessins de l'auteur et de photos à l'appui.
Ce genre d'ouvrage me confortera toujours dans le fait que les animaux n'ont absolument rien à nous envier. Comment faire comprendre aux « irréductibles » qui mettent l'humain au-dessus de tout, que nous vivons sur la même planète, partageons les mêmes ressources et que le fait d'avoir inventé l'ordinateur et d'avoir été sur la lune ne nous autorise absolument pas à se sentir supérieurs. Eux (les animaux), au moins, ne détruisent pas la planète !
C'est un ouvrage salutaire, accessible, que je recommande à tous ceux que le sujet intéresse.
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Acheté pour la couverture, par sympathie pour nos "ancêtres" les bêtes de poils, primates ou même poissons. Ouvert par curiosité, envie de répondre à une question qui me taraude ces derniers temps : comment peut-on, sous prétexte de se nourrir, traiter avec violence et mépris d'autres êtres vivants ? Comment l'animal est-il devenu un produit de consommation, d'expériences, un "meuble" ? Bref, petite crise de conscience, j'avais le goût d'en savoir plus.
Je n'ai pas été déçue car de Walls ré-affirme, observations scientifiques à l'appui, notre profonde ressemblance avec les autres mammifères, il voit sous un jour nouveau l'apparition de la morales chez les primates (bonobos, chimpanzés), reprend, encore une fois, la théorie de l'évolution en l'éclairant sous cet angle de la morale et de l'empathie. Selon lui, les humains n'ont pas, par l'intermédiaire de la religion, l'exclusivité de la distinction entre bien et mal. Par de nombreux exemples puisés dans le monde animal, l'auteur nous démontre que l'empathie, la gratitude, le sentiment de justice, le lien social, l'appartenance à un clan et même la conscience de la mort sont communément présents chez les autres espèces. de Walls ne condamne pas la spiritualité, il semble presque défendre sa nécessité, mais il considère qu'elle est juste l'affirmation d'un état d'esprit, d'une naturelle propension à faire le bien pour maintenir la vie dans sa durée et pour être heureux.
J'ai appris beaucoup de choses dans ce livre un brin trop scientifique pour moi et pourtant l'écriture est mise à la portée de chacun. J'aurais aimé bien sûr tout comprendre. Or, les thèses reprises et soutenues ou réfutées de multiples scientifiques et le débat entre les différentes théories de l'évolution m'ont parus légèrement complexes. J'avoue être restée un peu hermétique à ses grandes discussions basées surtout sur la science et la démonstration. C'était malgré tout intéressant de les connaitre.
Il s'agit, à mes yeux, d'un texte très utile et éminemment positif sur la nature humaine. Un texte à mettre entre les mains de ceux qui voient l'animal comme un vulgaire morceau de viande, un trophée de chasse ou un pantin de zoo... Personnellement, je crains de ne pas pouvoir nous considérer (nous humains avec ou sans dieux) comme naturellement bons, altruistes et empathiques. Ce que nous faisons subir à d'autres humains et aux autres espèces ne va pas dans le sens de cette belle théorie. Si la morale est innée en nous, elle est bien enfouie et mieux vaut faire partie du bon clan puisqu'il semblerait que nous éprouvions surtout ces nobles sentiments pour ceux qui nous ressemblent.
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Pour battre en brèche, les théories tant de la morale venue "d'en haut " que le mince vernis de civilisation recouvrant une nature humaine odieuse profondément égoïste et violente; le primatologue et ethologue Franz De Waal s'appuie sur ses observations directes des grands singes mais aussi sur les dernières découvertes de ses confrères biologistes concernant les animaux sociaux tels que les bonobos, les chiens ou les éléphants. Pour lui, la morale préexiste à la religion et à la civilisation qui ne font qu'encourager nos Tendances "animales " à l'empathie, l'équité et le souci de la communauté ainsi que les inévitables deux "A": aider et ne pas agresser ... Et il y réussit très bien, dans un style simple et accessible, illustré de nombreuses anecdotes émouvantes, nous démontrant que nous ne sommes pas les seuls animaux intelligents et compatissants...
L'occasion de réfléchir à la valeur de la religion (que l'auteur ne nie pas ), de s'interroger sur ce par quoi nous la remplacerions, et bien sûr l'occasion de regarder nos amies les bêtes d'un autre oeil.
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Ces observations s'inscrivent dans le champ émergent de l'empathie animale, qui traite non seulement des primates, mais aussi des canidés, des éléphants et même des rongeurs. Les chimpanzés qui consolent les affligés en les prenant dans les bras, en leur faisant des baisers, en donnent une illustration typique, et si fréquente que des milliers de cas- littéralement des milliers-sont attestés. Les mammifères sont sensibles à leurs émotions mutuelles et réagissent en voyant l'un des leurs en difficulté. Si les gens remplissent leurs maisons de carnivores à fourrure et non d'iguanes et de tortues, c'est parce que les mammifères offrent quelque chose qu'aucun reptile n'apportera jamais. Ils donnent de l'affection, ils veulent de l'affection, et ils réagissent à nos émotions comme nous réagissons aux leurs. (p.14)
Les neurosciences nous adressent deux messages fondamentaux sur l'empathie. Le premier est qu'il n'existe aucune frontière claire et nette entre émotion humaine et émotion animale. Le second est que l'empathie va de corps à corps. On enfonce une aiguille dans le bras de la femme et les centres de la douleur s'allument dans le cerveau du mari du simple fait qu'il regarde.
Qui pense sérieusement que nos ancêtres n'avaient aucune norme sociale avant d'avoir une religion ? N'aidaient-ils jamais leurs semblables en difficulté, ne protestaient-ils jamais contre une injustice ? Les humains se sont forcément préoccupés du fonctionnement de leurs communautés bien avant la naissance des religions actuelles, qui ne datent que de deux ou trois millénaires. (p.11)
James Rilling, un de mes collègues d'Emory, à conclu de certaines expériences de neuro-imagerie que nous avons "des préférences émotionnelles pour la coopération qui ne peuvent être surmontées que par des efforts de contrôle cognitif". Réfléchissons à ce constat : il signifie que notre impulsion première est de faire confiance et d'aider. Ce n'est que dans un second temps que nous évaluons l'option de ne pas le faire, et pour la retenir il nous faut des raisons.
Je ne peux imaginer aucune société humaine ou animale sans liens privilégiés de fidélité. Toute la nature est construite autour de la distinction entre membres et non-membres du groupe, parents et non-parents, amis et ennemis. Même les plantes reconnaissent la parenté génétique, puisqu'elles développent un réseau de racines plus concurrentiel quand elles sont mises en pot avec une plante étrangère et non une plante sœur. Les individus qui luttent pour le bien-être global sans distinction n'ont strictement aucun précédent dans la nature.
Le primatologue Frans de Waal dont les travaux font autorité dans le monde entier, nous explique que les animaux sont aussi capables d?éprouver de multiples émotions. Et si le rire, la peur, la colère, le désir n?étaient pas le propre de l?homme ? Il publie « La dernière étreinte » aux éditions Les Liens qui Libèrent.