"Le monde après la pluie". Un joli titre, pour une histoire des plus étranges, difficilement accessible au premier abord.
Sans doute lasse d'être martyrisée, notre bonne vieille Terre s'est révoltée, a subitement figé le Temps et anéanti la quasi totalité des êtres vivants, végétaux compris. Du jour au lendemain, plus rien, sinon d'immenses étendues fangeuses.
Huit rescapés de cette apocalypse (plus un koala, ne cherchez pas à comprendre...), pas plus informés que nous sur l'origine du cataclysme, pataugent dans la gadoue. Ambiance de fin du monde, champs de boue à perte de vue, soleil immobile, grondements de tonnerre.
Le lecteur s'englue lui aussi dans des phrases à rallonge, souvent déstructurées, qui tiennent moins du récit narratif traditionnel que de la "performance" artistique. Le vocabulaire est très riche et l'auteur, semblant parfois incapable de choisir parmi une liste inépuisable de synonymes, décide finalement de nous les livrer tous au moyen d'énumérations infinies, qui dans un premier temps m'ont un peu assommé.
Mais à la manière de ces mantras envoûtants, le style vraiment particulier d'Yves Berger, qui sait manier la langue en virtuose, a fini par me convaincre. Il donne vie à des tableaux fascinants et à des personnages tout à fait atypiques (comme un chef indien échappé d'un Wild West Show, ou un sosie quasi-muet de Louis Amstrong soufflant perpétuellement dans une trompette imaginaire... Ne cherchez pas, vous dis-je.)
Peu importe, au final, si aucune explication ne nous est fournie, et si le roman appelle plus de questions sur l'agonie du monde, le péché originel, la suspension du Temps et le voyage vers le passé qu'il n'apporte de réponses à ces différents mystères.
Bravo à Yves Berger pour son message écologiste indiscutable et percutant, et pour son joli tour de force littéraire !
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[L'Indien] disait : "Je crois à un ras-le-bol de la Terre... Là encore, toute l'histoire de mon peuple est traversée par la conscience que la Terre, si patiente qu'elle soit, si calme sous le poids des profanations et provocations incessantes dont elle est l'objet depuis des milliers d'années, si héroïque sous le nombre des blessures qu'on lui inflige - et la dévastation ne cesse de s'aggraver - la Terre, dis-je, lasse d'être maltraitée, méprisée, exploitée, en a eu assez et qu'elle a provoqué la colère qui aboutit au désastre d'aujourd'hui. En commun avec les peuples, elle a une patience infinie, mais la révolution éclate un jour."
Je dois vous dire que rien ne me passionne plus que les commencements. Dans toute aventure, qu'elle soit individuelle ou collective, le plus important et aussi le plus beau, c'est le début. Après, tout se déglingue.
Si je pouvais, je recommencerais tout et tout le temps. Il m'est arrivé de penser - et aujourd'hui encore - que le Mal, je veux dire le principe de dégénérescence, s'est manifesté avec le Temps, à la seconde, au millième de seconde où le Temps s'est mis en branle.
Elle avait un visage fait pour la paix et le bonheur qui, quand elle les éprouvait, l'éclairaient à la façon magique d'un fard.
Arcadi se disait qu'il n'avait jamais vécu l'expérience d'un silence aussi complet, aussi compact, aussi fort. Comme fait d'une matière qui serait le silence lui-même. A ce point de pureté qu'il n'entendait rien, même pas, justement, le silence.
Yves Berger
Jacques CHANCEL s'entretient avec
Yves BERGER, écrivain et directeur littéraire d'une maison d'édition : son livre : "
Le Fou d'Amérique", sa
passion pour l'Amérique du Nord du siècle dernier, ses
voyages aux Etats-Unis, comment il a écrit ce livre. Enfant, était déjà intimidé par l'Amérique, son premier
voyage en 1963, le sentiment d'
espace qu'on ressent dans ce pays, le
massacre des...