Le type, Monsieur Kida qu'on l'appelle avec bienveillance, est là dans son appartement, un verre de whisky à la main. Pas n'importe lequel, un Suntory Whisky Toki. Il faut s'avoir s'aventurer en dehors des sentiers battus qui mène au mont Fuji et au Nikka. Sans glace. Sans musique. Sans bruit. Mais ce type, pauvre type, une femme, une maîtresse, plusieurs maîtresses même. Il croit être au sommet de l'échelle et de la popularité. Et ce n'est pas sa relation avec cette jeune et belle actrice qui va faire dégonfler son ego masculin, dimensionné à son pouvoir de séduction, si je ne veux pas virer dans la vulgarité. Plus haute sera donc la chute. Il est à la tête de sa société, des whiskys très réputés. D'ailleurs, son affreuse belle-mère va lui laisser les pleins pouvoirs, l'évidence même, lui le fils prodige du père fondateur.
Alors oui, tu me diras, ce type est exécrable, imbu de sa personne, indigeste même en période de fête. Pourtant, il m'a bien fait sourire, il y a peu d'occasions de sourire dans la vie. Et je n'ai même pas honte à m'amuser de ses malheurs tant cette personne est méprisable, abjecte même. Mais derrière cet aspect presque malsain de l'homme, il y a aussi la critique acerbe de la société japonaise qui place encore dans les esprits la femme comme un objet de décoration ou de confort. le couple n'existe pas en tant que tel, il est juste question de l'homme, et des femmes qui gravitent autour de lui pour son plus grand plaisir, plaisir sexuel, plaisir culinaire. Parce qu'avant de passer à la casserole, il faut mettre le couvert.
« - Monsieur Kida, j'aime beaucoup le whisky de votre société. Mais vous n'êtes pas digne de votre excellent produit. C'est mystérieux pour moi. »
Et comme tout bon roman, celui-ci finit avec un verre de whisky. Vide le verre, à force de déguster les mots au coin du feu, imaginant l'odeur grillée des yakitoris d'une gargote bon marché, une femme vient me resservir un verre, les verres sont si petits comme les romans de
Aki Shimazaki, le pan de son kimono légèrement entrouvert, laissant apparaître la pointe d'un sein, l'ébauche d'une toison pubienne. Là où il y a du whisky, il a du sexe parce que je ne vaux pas mieux que Monsieur Kida. Alors je finis mon second verre, et ferme la dernière page de ce roman. Merci, vivement un Nikka Coffey Grain ou à défaut, un Lagavulin...