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EAN : 9791030702736
352 pages
Au Diable Vauvert (29/08/2019)
4.26/5   34 notes
Résumé :
Profonde, rythmée, transgressive, hilarante, vernaculaire, la poésie de Bukowski est à l’image de son auteur : aux antipodes de la littérature académique. Une anthologie de poèmes inédits illustrés par l’auteur, parus dans des magazines ou conservés dans des bibliothèques et collections privées.

« Une formidable anthologie. » Le Monde « Une poésie au ras de la vie, enragée, caustique. » Libération « Un cocktail éthylique de beauté et de laideur, d’én... >Voir plus
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Je reproche souvent à la poésie classique le fait que les contraintes techniques ôtent toute spontanéité aux textes et tout ressenti à ma lecture, parfois même tout sens. Je n'ai pas eu ce problème avec BUKOWSKI !


« quand un poème ne fonctionne pas, oublie-le, ne lui cours pas après, ne le
couvre pas de caresses ni de coups (…)
quand un poème ne fonctionne pas, il ne fonctionne pas, oublie-le
l'essence c'est le rythme »


On est immédiatement touchés par ces bribes de confidences familières mais humaines, dans lesquelles résonne une sincérité désarmante.


« quand on est au plus mal, il n'y rien à
faire, à part en rire, enfiler ses vêtements
une fois de plus, sortir, voir des visages, des machines,
des rues, des immeubles, le déploiement du
monde. »


Dans Tempête pour les morts et les vivants, BUKO nous offre 300 pages de poèmes en vers libres,


« des graals remplis de mots et de vin ».


Deux choses en particulier m'on plues :
. D'abord le fait que chaque poème constitue une pièce du puzzle permettant de reconstituer la vie de cet homme et de le comprendre un peu mieux,


« un des trucs les plus chanceux
qui me soient arrivé
fut d'avoir eu un père
cruel et sadique.
(…)
je devrais vraiment avoir
de la gratitude pour ce
vieil enfoiré
mort depuis si longtemps
dans la mesure où
il m'a préparé
pour tous les nombreux
enfers
en m'y menant
plus tôt
que prévu
lors de ces années
où on ne peut pas s'échapper. »


. Ensuite, le fait que je n'ai pas eu cette impression de surenchère provocatrice un peu gratuite que j'ai pu ressentir dans d'autres de ses récits ; Ses relations avec les femmes semblent chaotiques mais plus apaisées, nous permettant bel et bien de trouver dans son vocabulaire cru et charnel qui le caractérise, parfois même guerrier, une certaine poésie.


« j'ai mangé ta chatte comme une pêche
avalé le noyau
le duvet,
calé entre tes jambes
j'ai sucé mâchouillé léché
avalé tout ton être
ai senti tout ton corps se tendre et tressaillir comme
un
fusil-mitrailleur
j'ai fait de ma langue une flèche
et le jus a coulé
et j'ai avalé
pris de folie
suçant l'intégralité de tes entrailles -
ton con tout entier dans ma bouche aspiré
j'ai mordu
j'ai mordu
et avalé
et toi aussi
tu as cédé à la folie
alors je me suis retiré pour recouvrir
de baisers ton nombril
avant de glisser entre les fleurs blanches de tes jambes »


Des vers libres, pour un électron libre, c'était une évidence. Une expression aussi libre que ses pensées qui ont l'habitude d'errer et de venir nous chatouiller. C'est véritablement une tempête de mots et ressentis qui fait rage dans ce recueil, où l'auteur nous offre, avec énormément de sensibilité, un tourbillon d'émotions brutes même si elles sont la plupart du temps désabusées ou parfois déprimées


« Il m'est impossible de blesser qui que ce soit en dehors de moi ».


Rien d'étonnant pour quelqu'un qui a vécu de 1920 à 1994, plusieurs guerres et après-guerres, personnelles et nationales.


« je me souviens de cette fois dans le camp de prisonniers allemands
on s'était retrouvé avec un pédé sur les bras
ils peuvent s'avérer utiles en l'absence de femmes »…


Il y décrit un monde, son monde, le nôtre aussi, désenchanté, brisé, comme lui, auquel il ne semble pas trouver plus de sens qu'à sa propre vie.


« Je suis balloté le long des chemins et des épreuves
comme un dé
les dieux m'en font voir de toutes les couleurs
et je
dois ne pas crever
encore. »


Il cherche pourtant, le plaisir dans l'alcool, le sexe, l'écriture… le trouve-t-il ? Pas toujours, ou alors il est éphémère.


« par moment je suis traversé d'une joie sauvage et je ris, en sachant à peine
pourquoi
(…)
on est bien trop sérieux, on doit apprendre à jongler
avec nos enfers et nos paradis - la vie s'amuse avec
nous, on doit lui renvoyer la balle. »


Mais rien ne dure dans ce monde, même pas nous qui tentons pourtant de l'habiter bruyamment et de nous l'approprier, à grand coup de poing, de cris, de guerres. A moins peut-être d'être édité, pour laisser sa trace et exister, enfin, pour quelque(s)-un(s), tout lecteur soit-il.


« avoir fait tant de chemin pour
être assis seul
à nouveau »


Ne parvenant à me projeter dans aucun roman en ce moment, cet intermède composé de fragments de vie désabusés s'adaptait bien à mon état d'esprit. En réalité, j'ai ressenti une certaine sérénité dans ses paroles de vieux sage qui, arrivé à 70 ans malgré son train de vie, a su évoluer en tant qu'homme et écrivain en se regardant tel qu'il était : notamment dans sa réponse à un lecteur en fin d'ouvrage (« un lecteur m'écrit »), ou encore dans les très beaux vers de son poème intitulé « maintenant ».


« tu étais complètement paumé.
tu aurait dû te détendre
un peu plus.
tu prenais les choses trop à coeur et ils
te poussaient à bout -
trop de boisson, trop de femmes,
trop de livres.
ça n'avait pas tant d'importance. (…)
tu es suffisamment fatigué pour écouter
maintenant. »


Comme dans tout recueil, j'ai trouvé certains poèmes géniaux et j'ai été totalement indifférente à d'autres. Mais tous permettent de reconstituer le puzzle BUKO, de commencer à répondre cette énigme de la littérature qu'est finalement chaque auteur que l'on lit. Un père allemand, un père violent, une guerre qui nous enrôle, et dont on s'envole… une vie que l'on essaye d'habiter, mais que l'on ne parvient bien souvent qu'à visiter.


« il y a toujours la possibilité de continuer
avec l'aide de l'alcool de la drogue ou du sexe »


Certains vers font échos en nous, réveillent la petite étincelle qui y sommeille et parviennent à nous intéresser à l'homme derrière les maux.


« je n'écris pas pour vendre
des livres j'écris pour éviter que ma Psyché se noie 
dans les eaux farcies d'excréments de cette soi-disant Existence »


Et ça peut être
assez
beau.


« Il faut s'élever
par dessus toute cette merde,
continuer à grandir...
la destinée ne devient une putain que si l'on y
oblige.
laissons la lumière nous éclairer
souffrons en grande pompe -
le cure-dent aux lèvres, tout sourire.
on peut y arriver.
on est né fort et on mourra
fort. »


Vous voulez rencontrer Bukowski ? Commencez donc par celui-ci. Emotions garanties.


« courage, vieux garçon, tu as remporté des batailles
pires que celles-ci
descends ta bière. »
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Bois.
Serait-ce le dernier - ou premier - conseil de l'auteur ?
Vis aussi. Chie surtout.
Voilà tout est dit. Ou presque.
Tu peux tourner la page, tu connais toute la philosophie de l'auteur.
Tu peux tourner ma page, tu connais tout de ma vie. J'aborde donc une version poète de Hank. Des poésies en prose avec les thèmes de prédilections de l'auteur.

Il boit, certes. Il regarde des femmes, quelques. Il écrit surtout, sur ses écrits. Ce pourrait être des petits instantanés de sa vie. du quotidien banalement banal. Charles Bukowski va aux toilettes, chie un beau morceau, parfois même un très beau morceau d'anthologie, retourne à sa fenêtre devant une bière, ou à sa machine à écrire devant un verre de vin. Et quand il sort de chez lui, dans le froid, la pluie ou le vent, - bon ok, c'est quand même la Californie - c'est pour aller à l'hippodrome. Les courses, son autre dada, en plus de celui d'écrire des poèmes en prose ou des nouvelles à l'eau de rose – ou aspergées d'eau sauvage. Et il écoute de la musique classique. C'est également un bon point. J'ai toujours trouvé qu'il avait bon fond, ce type, malgré son air grognon et renfermé.

Je ne vais pas m'étendre sur les qualités de l'auteur, sur son humanisme et sa fragilité qui se ressentent dans ses textes, les nombreux doutes qui émanent de ses récits, ses certitudes aussi, ses penchants la queue droite. L'univers de Charles Bukowski est ainsi fait. On aime ou pas. On le lit, aux chiottes ou pas. Moi j'aime bien le lire avec un verre de bière à portée de main, je ne bois pas seul, il ne boit pas seul, nous buvons ensemble nous laissant porter par la musique, quand le lit de la voisine, une brune aux longues jambes, grince chaque nuit aux alentours de 22h48 et qui berce ainsi mes nuits de fantasmes éthyliques.

Donc si je résume la pensée du maître : « Bois et écoute Chostakovitch ».
Ou sa variante :
« Bois et écoute Wagner ».
Autre point de vue :
« Bois et écoute Sibelius ».

Alors j'écoute Sibelius en lisant ses textes, Leif Ove Andnes au piano. Des variations impromptus de Hank sur quarante ans. Assis à la terrasse d'un café, une choppe blonde, une mousse blanche, je me laisse aller à ses souvenirs, de courses ou de biture, des propos flirtant entre la poésie et la scatologie, mon regard à peine détourné de ma pinte par une paire de jambes venues s'aventurer dans mon champ de vision, ou un beau cul se balançant au rythme de ses talons hauts, de mon coeur qui cogne dans mes tympans. Je suis trop vieux pour cet afflux sanguin. Je replonge dans les maux de l'auteur, comme une « Tempête pour les Morts et les Vivants ».
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Tout jeune, Bukowski, souffrira pour la déesse littérature, trainant sa misère d'emplois minables à des échecs à se faire un nom en tant qu'auteur.

Il pense au suicide, renonce un temps à l'idée de devenir un écrivain professionnel.

Mais sa muse est une chienne venue de l'Enfer, la passion d'écrire ne l'abandonnera pas et en passant par le petit monde de l'underground, Buk, alias Chinaski se fera un nom, et rejoindra les grands auteurs américains, les Hemingway, Miller, Pound.

Dans ses poèmes en prose, retrouvés à droite et à gauche dans d'improbables publications et ici présentés pour la première fois dans un recueil, on retrouve les grandes passions de Bukowski : les femmes, la littérature, l'alcool.

Ces textes brefs rappellent les nouvelles et les romans autobiographiques de l'auteur de "Women", l'errance, la misère, les coups durs, subis et souvent provoqués…

D'ordinaire, je ne suis guère friand de poèmes -même en prose- mais je veux bien faire une exception pour le vieux Charles/ Hank, fichu vieux poivrot obsédé, tu avais tout de même un putain de talent !

Livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique, remerciements à Babelio et Au Diable Vauvert.
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Avec ce recueil jouissif, on comprend tout de suite que la poésie reste la forme littéraire la plus iconoclaste et transgressive, brisant tous les codes de la bienséance, du politiquement correct ou de l'empathie. L'auteur une légende de l'écriture underground et nihiliste, taille des croupières à tout le monde, aucunes strates de la société Américaine n'est oubliées. Accompagné de sa meilleure amie, une bonne bouteille d'alcool, Bukowski étrille avec un humour féroce et désinvolte, les femmes, les hommes, les minorités raciales ou sexuelles, les pauvres et les riches, les éditeurs sans oublier de se moquer de lui-même avec une causticité croustillante. En lisant ce recueil d'anthologie, on peut légitimement se poser la question, s'il sortait aujourd'hui, ce livre passerait-il la censure médiatique et celle de certains groupes de pression sociétaux ? A mon humble avis : non, quand on voit le nombre d'artistes revisités par une idéologie wokiste réactionnaire, avec un puritanisme d'opérette à deux vitesses, visant souvent les personnes selon une arrière-pensée politique radicale. Mais ne boudons pas notre plaisir, nous pouvons toujours lire Bukowski, n'en déplaise aux grincheux extrémistes, à qui l'auteur aurait surement dédié ce livre avec un délice satirique, caricaturant avec extase leurs intolérances dangereuses.
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Quatrième de couverture: "Une anthologie de poèmes inédits parus dans d'obscurs magazines, conservés dans des bibliothèques et collections privées". Pour la plupart sans doute des poèmes gagne-pain, commandités, comme il en parle dans certains poèmes même. Il n'en reste pas moins que tout est à prendre, rien n'est à jeter, comme dirait un autre de nos poètes. Tour-à-tour drôles, lucides, scabreux, alcoolisés, légers, mélancoliques ou tendres (oui oui), l'ensemble de ses poèmes dessinent le contour de Bukowski en tant qu'homme et artiste.
Instants anecdotiques, réflexions sur la vie, dialogues (réels? imaginés?), compte-rendus, le tout pimenté d'un peu ou beaucoup de fantaisie, c'est un recueil qui vaut le détour et qui va souvent là où on ne l'attend pas. Comme d'habitude, je regrette de devoir le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir totalement apprivoisé. Et quel beau titre!
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Il venait pour les moulins à vent, oui

quelque chose pour t’aider à tenir le coup
serait le bienvenu
tandis que les filles de ferme crient des obscénités
dans des dialectes en tout genre,
l’usine est à l’arrêt,
il y a des massacres dans les enseignes de
fast-foods,
frère Tuck l’a dans l’os,
les Etats-Unis se classent au 17e rang des nations
en termes de longévité des
individus,
et personne ne nettoie le pare-brise.

La bête sommeille à Beverly Hills,
Van Gogh est un milliardaire absent,
l’Homme de Mars bandit l’as de
pique,
Hollywood vire au soap opéra,
le cheval monte le jockey,
la putain taille une pipe au congrès,
il ne reste plus qu’une vie au chat,
le cul-de-sac est un psychiatre,
la table est mise avec des fantasmes à tête de
poisson,
le rêve s’abat comme une matraque dans les
chiottes
pour homme,
les sans-abri se font rouler,
les dés sont jetés,
le rideau est baissé,
les sièges sont vides,
le gardien s’est suicidé,
les lumières sont éteintes,
personne n’attend Godot,
quelque chose pour t’aider à tenir le coup
serait le bienvenu,
salement
follement,
maintenant
dans la forêt qui brûle
dans la mer agonisante
dans les sonnets monotones
et les soleils levants
gâchés,
il faudrait quelque chose
ici
au-delà de cette musique
pourrie,
ces décennies cisaillées,
cet endroit comme celui-là,
cette époque,
la tienne,
mutilée,
recrachée,
le dos d’un miroir, une
mamelle de porc ;
une graine sur un rocher,
froide,
même pas la mort
d’un cafard
en attendant.

*

he went for the windmills, yes

something to keep you going is needed
badly
as the milkmaids now scream obscenities
in sundry dialects,
the mill is shut down,
there are mass murders at hamburger
joints,
friar Tuck is screwed,
the United States ranks 17th of the
nations in longevity of the
individual,
and nobody wipes the windshield.

the beast sleeps in Beverly Hills,
Van Gogh is an absentee billionaire,
the Man from Mars deals the ace of
spades,
Hollywood goes soap opera,
the horse rides the jock,
the whore blows congress,
the cat is down to one life,
the dead end street is a psychiatrist,
the table is set with fish-head fantasies,
the dream strikes like a blackjack in the men’s
crapper,
the homeless are rolled,
the dice are fixed,
the curtain is down,
the seats are empty,
the watchman has suicided,
the lights are out,
nobody waits for Godot
something to keep you going is needed
badly,
madly,
right now
in the burning forest
in the dying sea
in the dull sonnets
and the wasted
sunrises,
something is needed
here
besides this rotten
music,
these shorn decades,
this place like this,
this time,
yours,
mutilated, spit
away,
a mirror’s back, a
hog’s teat;
a seed upon a rock,
cold,
not even the death of
a cockroach
now.

***
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chiottes pour hommes

prenons celui-là :
d'abord avant de poser une pêche il essuie avec
la grâce du seigneur
l'abattant des WC, il fait vraiment briller le foutu
bordel
ensuite il étale du papier toilette sur le siège,
avec le plus grand soin, faisant même pendre un bout là où ses puissants organes génitaux se tiendront, et ensuite il abaisse avec
dignité et virilité
son caleçon et son froc
et
S'assoit avant de
Chier
presque sans passion
dépliant un vieux journal dégueulasse
à ses pieds et lisant un article sur le match de basket
de la veille -
ceci voyez-vous est un Homme : fameux, et pas l'ombre d'un morpion pour ce matelot, juste une simple
très simple
pêche, après quoi il se torchera le cul
tout en discutant le bout de gras avec l'homme qui se lave les mains
au lavabo le plus proche,
et si vous vous trouvez à côté
ses petits yeux de souris se poseront sur les vôtres sans un frémissement, et alors -
calbute remis, froc remonté, boucle de ceinture, chasse d'eau,
mains propres
il se tiendra face au miroir
étudiant sa propre gloire
remettant l'ordre dans ses cheveux
à coups de peignes chaloupés, l'affaire entendue,
il collera ce
visage
à deux doigts du miroir
pour s'examiner de haut en bas, avant
satisfait
de lever le camp
prenant soin au passage de vous adresser un coup d'épaule ou bien l'insulte encombrante et cauchemardesque de son regard
vide, à la suite de quoi
porté par le tortillement de son cul narcissique à l'air ébahi
il débarrassera le plancher des chiottes pour hommes,
et je me retrouverai avec des essuie-mains comme des fleurs
des miroirs comme des océans
et je me retrouverai avec l'espoir le plus fou
qu'un jour le véritable être humain arrivera
de sorte qu'il y ait quelque chose à sauver
sorti
de toute
cette merde

["poète déf : nom masc. personne parvenant à trouver de la poésie dans des chiottes pour homes" ;-))
Syn : Bukowsky^^
J'adore :-) ]
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[...] j’étais chez le dentiste l’autre jour
et je lisais cette revue médicale
et ils disaient
tout ce que t’as à faire
c’est vivre jusqu’à l’année 2020 après J.-C. et ensuite
si t’as assez de fric
une fois que ton corps lâche ils pourront transplanter ton cerveau dans un corps sans chair qui t’offrira
la vue et le mouvement – par exemple tu pourras faire du vélo ou n’importe quel truc de ce genre et aussi tu
n’auras pas besoin de t’enquiquiner à uriner ou déféquer ou manger – tu auras juste ce petit
réservoir de sang au sommet du crâne à recharger
environ une fois par mois – un peu comme l’essence
pour le cerveau.
Et t’en fais pas, il y aura même du sexe, ils disent,
seulement ce sera un peu différent (haha) tu pourras
la sauter jusqu’à ce qu’elle te supplie de lever le pied
(elle te quittera non plus à cause d’un manque
mais seulement d’un trop-plein)
c’est la partie transplantation désincarnée.

mais il y a une autre alternative : ils pourront
transplanter ton cerveau dans un corps vivant
dont le cerveau aura été retiré de manière à ce qu’il y ait de la place pour le tien.
seulement le coût de cette opération sera plus
prohibitif
sachant qu’ils devront localiser un corps
un corps vivant quelque part
disons par exemple dans un asile ou une prison ou
quelque part dans la rue – peut-être un kidnapping –
et bien que ces corps seront plus adaptés,
plus réalistes, ils ne dureront pas aussi longtemps que
le corps sans chair qui pourra durer dans les
500 ans avant qu’on doive le remplacer.
donc tout ça ne sera qu’une question de choix, selon
ce que tu souhaites, ou ce que tu peux te payer.

si tu intègres un corps vivant il faut savoir que ça ne
durera pas aussi longtemps – ils évaluent la durée à 110 ans à compter de
2020 après J.-C. – Et après ça il te faudra de nouveau trouver
un corps vivant de substitution ou bien opter pour un
de ces corps désincarnés.
globalement, dans cet article que j’ai lu chez mon dentiste,
il est sous-entendu que si tu n’es plus très riche
tu te rabats sur l’option désincarnée mais
si t’as toujours les poches bien remplies
tu repars sur une base de corps vivant.
(le dispositif des corps vivants a des avantages
dans la mesure où tu pourras leurrer la plupart des gens
dans la rue et qu’accessoirement
la vie sexuelle sera plus réaliste quoique
plus brève.) [...]

bref, Carl, j’ai continué ma lecture
et ce type racontait que
pour chaque type de transplantation du cerveau
que ce soit dans un corps vivant ou un corps désincarné
quelque chose d’autre se produirait pour les gens
assez blindés pour investir dans ces histoires de transfert :
le savoir informatisé de tous les siècles passés serait
injecté dans le cerveau – et quelle que soit la discipline que tu voudrais exercer
tu la maîtriserais sur le bout des doigts : tu serais capable de peindre comme
Rembrandt ou Picasso,
conquérir le monde comme César, tu pourrais faire tous ces trucs
que ces gars-là et d’autres dans ton genre ont réalisé
mais en mieux.
tu serais plus brillant qu’Einstein –
il y aurait très peu de choses que tu ne pourrais pas faire
et peut-être que le prochain corps à ta disposition
pourrait le permettre.

à partir de là ça donne un peu le vertige –
le type va toujours plus loin
un peu comme ces mabouls dans leurs
Maserati blindés de coke ; il tient à préciser
dans son langage technique à la limite du compréhensible que
ça n’est pas de la Science-Fiction
c’est une porte ouverte sur un monde d’horreur et d’émerveillements
qu’on n’aurait jamais osé imaginer avant et il soutient que la
dernière Guerre de l’Être humain opposera les riches
au cerveau alimenté par un ordinateur et les moins riches constituant
la Majorité
qui ne supporteront plus d’être écartés de
l’immortalité
et les riches voudront la préserver
pour toujours
et
à la fin
les riches au cerveau alimenté par ordinateur remporteront
la dernière
guerre de l’Être Humain.
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prenons celui-là :
d'abord avant de poser une pêche il essuie avec
la grâce du seigneur
l'abattant des WC, il fait vraiment briller le foutu
bordel
ensuite il étale du papier toilette sur le siège,
avec le plus grand soin, faisant même pendre un bout là où ses puissants organes génitaux se tiendront, et ensuite il abaisse avec
dignité et virilité
son caleçon et son froc
et
S'assoit avant de
Chier
presque sans passion
dépliant un vieux journal dégueulasse
à ses pieds et lisant un article sur le matche de basket
de la veille -
ceci voyez-vous est un Homme : fameux, et pas l'ombre d'un morpion pour ce matelot, juste une simple
très simple
pêche, après quoi il se torchera le cul
tout en discutant le bout de gras avec l'homme qui se lave les mains
au lavabo le plus proche,
et si vous vous trouvez à côté
ses petits yeux de souris se poseront sur les vôtres sans un frémissement, et alors -
calbute remis, froc remonté, boucle de ceinture, chasse d'eau,
mains propres
il se tiendra face au miroir
étudiant sa propre gloire
remettant l'ordre dans ses cheveux
à coups de peignes chaloupés, l'affaire entendue,
il collera ce
visage
à deux doigts du miroir
pour s'examiner de haut en bas, avant
satisfait
de lever le camp
prenant soin au passage de vous adresser un coup d'épaule ou bien l'insulte encombrante et cauchemardesque de son regard
vide, à la suite de quoi
porté par le tortillement de son cul narcissique à l'air ébahi
il débarrassera le plancher des chiottes pour hommes,
et je me retrouverai avec des essuie-mains comme des fleurs
des miroirs comme des océans
et je me retrouverai avec l'espoir le plus fou
qu'un jour le véritable être humain arrivera
de sorte qu'il y ait quelque chose à sauver
sorti
de toute
cette merde

[Chiottes pour hommes]
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... j'ai enfilé mon short jaune et pris la caisse pour aller au champ de courses. Je me suis garé et
suis rentré.

le premier que j'ai vu c'est mon biographe. je l'ai aperçu
de profil et me suis accroupi pour l'éviter. il était habillé classe,
fumait une pipe et tenait un verre à la main.
la dernière fois qu'il est venu chez moi il m'avait passé deux livres :
Scott and Ernest et The Letters of John Steinbeck.
c'est ce que je lis quand je vais chier. je bouquine toujours quand je chie
et plus le livre est mauvais meilleur est le transit intestinal.

ensuite après la première course mon médecin s'est assis derrière moi.
on aurait dit qu'il sortait juste de chirurgie sans
s'être trop nettoyé. il est resté jusqu'à la fin de
la 8e course, jactant, sifflant de la bière et s'enfilant des hot dogs.
ensuite il a commencé à parler de mon foie : "tu picoles trop bon sang je veux jeter un œil à ton foie, passe me
voir dès que possible." "très bien", j'ai dit, " mardi après-midi".

je me suis souvenu de sa standardiste, la dernière fois que j'y avais été
les toilettes avaient débordé et elle s'était mise à quatre pattes
pour éponger le sol avec sa robe relevée
bien au-dessus des cuisses. j'étais resté à côté pour me rincer l’œil,
en lui disant que les deux plus grandes inventions de l'Homme avaient été
la bombe atomique et la plomberie.

[Extrait : les lettres de John Steinbeck]
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Vidéo de Charles Bukowski
Ségolène Alunni nous parle du Docu-BD "Bukowski de liqueur et d'encre" dans sa chronique matinale dans l'émission "Le 6/9" sur LCI
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