Si jamais les amours ne sont pas compliquées, on a tendance à douter de leur authenticité, il y a quelque chose d'artificiel, de pas vraiment abouti, l'amour ça doit faire souffrir sinon ç'en est pas !
A partir de cet axiome, on peut affirmer sans se tromper que
Danièle Saint-Bois a aimé, ô combien ! Ses trois amours de jeunesse ne furent que déchirement, incertitude, désolation et tristesse. Bien sûr, il y a eu de bons moments mais avec les souvenirs qu'elle nous livre, ce n'est pas ce qui ressort en priorité.
Et on le comprend sans peine. A l'aube des années 70, dans un village reculé du Sud-Ouest de la France, si une jeune femme adulte commence à se la jouer affranchie, célibataire et (horreur suprême) garçon manqué, elle ne sera pas clouée au pilori, non (mai 68 est passé par là) mais pour sûr qu'on n'hésitera pas une seconde à lui faire sentir (en mal) sa différence et à baver sur son compte au café de la poste, sur la place du village et en tout autre lieu culminant de la culture. Mieux vaut donc rentrer dans le moule prévu à cet effet. Ainsi
Danièle Saint-Bois, la petite vingtaine, est mariée, mère au foyer de trois enfants et tout le monde trouve ça formidable, ne se demandant pas une minute si par hasard elle est heureuse de son sort, ben tiens, manquerait plus qu'elle se plaigne !
Et elle ne se plaint pas, en effet, elle n'est pas malheureuse et puis, si elle n'a jamais oublié Frankie, sa copine d'école insoumise à toute autorité que tout le monde admirait mais dont elle seule pouvait se targuer d'être amoureuse, elle a su passer à autre chose, enfouir ses sentiments et mener la vie qu'on attendait d'elle... jusqu'à l'arrivée de Mia, une lycéenne rebelle et extravertie et revoilà la narratrice amoureuse comme jamais mais qui, une fois de plus, devra se plier aux exigences de l'époque et sera tenue d'étouffer les passions irrépressibles qu'elle ressentira pour trois femmes durant son premier quart de siècle.
Malgré une écriture nerveuse et révoltée, à l'image de son sujet,
Danièle Saint-Bois nous égare trop souvent dans des digressions qui semblent lui faire perdre de vue (et à nous donc) son sujet initial, je dis "semblent" parce qu'il est possible que je me trompe : dès le départ, l'auteure nous explique que "tourner autour du pot, c'est un procédé, sinon un livre ferait juste deux pages. Pourquoi aller droit, alors qu'il est si surprenant de zigzaguer ?". Surprenant d'accord, malheureusement là, ces sorties de route incessantes (surtout au début, j'avoue que par la suite, on en subit moins), à défaut de surprendre se révèlent surtout assommantes et si j'en comprends l'intérêt du côté écrivain, ça devient vite lourd pour le lecteur.
Hormis cet agaçant petit défaut,
Trois amours de ma jeunesse est un témoignage qui, s'il raconte en substance le deuil douloureux d'amours homosexuelles contrariées, parle en fait et surtout de la difficulté d'aimer, d'aimer vraiment, au delà des genres et des préférences, de l'impossibilité de céder aux passions dévastatrices pour en arriver finalement à la désespérante conclusion Aragonienne qu'il n'y a pas d'amour heureux.
Le carcan des responsabilités et de la raison pèse sur chacun d'entre nous, la vraie Liberté serait peut-être de s'en débarrasser une bonne fois pour toute.
Un jour peut-être...