Un roman à couper le souffle, tant le rythme emporte le lecteur. Déjà, le titre est bien choisi car
la renverse est ce moment de latence entre marée montante et descendante, quand la mer retient son souffle avant de repartir.
S'inspirant d'un fait divers (cf. l'affaire Georges Tron)
Olivier Adam nous décrit très bien la toute-puissance, liée au pouvoir politique à travers cet homme séducteur qui réussit à entraîner avec lui son adjointe, jusque là mère au foyer, mais qui toujours eu envie d'être vue, reconnue, dans la lumière.
Que peut-on faire quand on est employée, menacée de licenciements si on parle, accusée de fragilité psychologique car on ne peut que se paniquer quand on doit prouver qu'on a raison, qu'on est victime. On voit la toute puissance, l'impunité des uns, face à la fragilité des autres : « selon que vous serez puissants ou misérables… ».
Ce qui est frappant dans ce livre, c'est aussi le fonctionnement des familles : les parents ne s'intéressent absolument pas à leurs enfants, à ce qu'ils peuvent entendre au collège, au lycée, ils ne sont préoccupés que par eux-mêmes, la réputation à garder, sauver la face avec un déni stupéfiant. Ils sont tellement égocentriques qu'ils ne se rendent pas compte que leur second fils, Camille a cessé de se nourrir.
Ce ne sont même pas des familles, parents et enfants cohabitent. « Nous étions pareils à des milliers de familles. Nous cohabitions. Partagions le quotidien, nous répartissant les rôles et les tâches». P 38. Chacun se concentrant sur son nombril. Antoine et son frère n'ont qu'un seul droit se taire et affirmer que leur mère n'a rien fait, alors qu'elle est la maîtresse du maire !!!
de plus, ils reçoivent des messages contradictoires, les parents leur inculquant des valeurs qu'ils ne respectent pas eux-mêmes : le respect de l'autre, la vérité alors que le mensonge et le déni règnent (ceci s'applique à la famille d'Antoine mais aussi à la famille de son copain Nicolas chez qui il passe la plupart de son temps, à la recherche d'un foyer qui semble idyllique).
Olivier Adam nous montre que dans ce climat d'humiliation soit, on reste dans le déni, comme Antoine, soit on se révolte et on s'enfuit comme son petit frère Camille. « Je vivais tel que je croyais être censé le faire »
Antoine a grandit et a construit sa vie sur ce déni et aussi en se fiant aveuglément au ressenti de la fille du maire dont il devient proche, et qui lui donne sa version des faits, son interprétation du moins. Mais peut-on se construire sans vouloir voir la vérité ? Pour qu'il y ait résilience, il faut regarder les choses en face.
La mort brutale du maire, dix ans après les faits, va faire vaciller Antoine, et après une phase de sidération, le voile se déchire et les souvenirs qui remontent vont le pousser à réfléchir car il n'était jusqu'à présent qu'en mode « Survie », incapable de construire quelque chose avec une femme et éclairent l'affaire et ses conséquences sur la vie, sur la construction…
Un bon roman, haletant car plus l'histoire avance plus on lit de façon addictive, car le rythme est renversant. Même si les héros ne sont pas attachants car leurs personnalités sont particulières, mais tellement typiques de notre époque où les repères ont explosé. Et la critique de la vie politique, des grands « psychotiques » qui nous gouvernent (ne sont-ils pas coupés de la vie réelle, tout-puissants, sûrs de leur bon droit, avec leurs réseaux et leur façon d'asseoir leur pouvoir en toute impunité …), est sans appel.
Un bémol : le langage cru, voire pornographique utilisé par l'auteur pour parler des viols et des attouchements, sans doute pour mieux en montrer la violence, mais qui ne m'a pas tellement plu…
Note : 8/10
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