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Michel Orcel (Traducteur)
EAN : 9782940055951
1408 pages
Dogana (29/11/2021)
5/5   2 notes
Résumé :
« La meilleure traduction de la Divina Commedia dont la France dispose aujourd’hui », tels sont les termes par lesquels le Corriere della Sera a accueilli cette version du grand poème de Dante achevée au printemps par Michel Orcel, lauréat du Grand Prix de poésie de l’Académie française 2020. Il fallait en effet un poète pour retrouver dans notre langue l’équivalent de la vision grandiose comme des rythmes sans cesse réinventés par le Florentin. Plus littérale qu’au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une fois n'est pas coutume faisons les choses à l'envers, ou marchons à reculons.

L'objet de ce billet n'est pas à proprement parler, une critique de la Commedia, mais plutôt une volonté mettre en lumière cette traduction de la Commedia passée complètement inaperçue, et c'est donc l'occasion pour moi de faire l'éloge de cette traduction. Qui à mon humble avis est la plus belle qu'il m'ai été de lire ces dernières années. Car pour posséder en plusieurs traductions, celle-ci fut pour moi une découverte comme une redécouverte... 

À défaut de partir de l'Enfer, de passer par le Purgatoire et de finir au Paradis, partons par un cheminement inverse. Un peu comme les ombres des devins et des prophètes qui sont condamnées à marcher à reculons et surtout ne peuvent regarder devant elles. Dure condamnation pour des âmes qui lisaient et prédisaient l'avenir lorsqu'elles étaient humaines. Ces ombres sont celles du chant XX de l'Enfer. 

Des traductions de la Commedia, il en existe des centaines, et c'est bien un paradoxe pour une oeuvre dont certains éditeurs ont fait le choix traduire uniquement l'Enfer, pour certains lecteurs dont la lecture se résume simplement à quelques passages parmi les plus connus. 
Michel Orcel écrit dans son avertissement : " le temps dira ce que vaut cette nouvelle traduction de Dante. Mais aucun auteur ne livre son travail sans y croire ; qu'on me permette donc de la publier sans prétention, mais non sans confiance". 

Alors afin que chacun puisse se faire son avis j'ai décidé de mettre en regard de cette traduction, ainsi que deux autres parmi les plus récentes : celle de Jacqueline Risset et celle de Danièle Robert. À chacun de se faire son opinion... 



PARADIS / CHANT 1

La gloire de Celui qui meut le monde 
pénètre et resplendit dans l'univers 
plus en quelques régions qu'en d'autres parts.

Au ciel qui prend le plus de sa lumière 
je fus et vis des choses non dicibles 
par celui qui descend de tout là-haut,

car s'approchant de son propre désir, 
notre intellect s'abîme si profond 
que ne saurait la mémoire le suivre.

(traduction Michel Orcel - Édition La Dogana) 

La gloire de celui qui meut toutes choses
pénètre l'univers, et resplendit 
davantage en un point, et moins ailleurs.

Dans le ciel qui prend le plus de sa lumière
je fus, et vis des choses que ne sait ni ne peut 
redire qui descend de là-haut ;

car en s'approchant de son désir
notre intellect va si profond que
la mémoire ne peut l'y suivre.

(Traduction Jacqueline Risset - Éditions Flammarion et la Pléiade) 

La gloire de Celui par qui tout est mû
pénètre l'univers, resplendissant
en chaque part et plus ou moins reçue. 

J'ai été dans le ciel qui le plus prend
de sa lumière, et j'ai vu ce que dire
ne sait ni ne peut qui de là-haut descend ; 

parce qu'en approchant de son désir,
notre intellect en lui s'immerge tant
que la mémoire ne peut rien retenir.

(traduction Danièle Robert - Éditions Actes Sud

Tout d'abord quelques mots sur l'auteur loin d'être un néophyte en matière de traduction, à fortiori lorsqu'il s'agit de littérature/poésie ou prose italienne. Il a à son actif ou plutôt palmarès devrais-je dire : Les Chants de Leopardi, Roland furieux de l'Arioste, Jérusalem libérée du Tasse. Autant de traductions pour lesquelles il a reçu des prix récompensant la qualité de son travail et enfin le Grand Prix de poésie de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre poétique. 
Alors dans ce volume, d'un magnifique mais sobre coffret qui en compte trois. Il nous emmène au Paradis avec une fluidité dans la lecture, un sobriété dans la métrique des vers, j'y reviendrai... 
A noter également une mise en page aérée, le texte italien en regard de son équivalent français, et une modération au niveau des notes. 
Car quoi de plus bloquant dans une lecture que de devoir faire des allers et retours incessants entre texte et note. Sur son Paradis, 36 pages de notes là où certaines éditions en comptent à minima 50.... 

Ce qui est plus que raisonnable quand on sait que le Paradis recèle des aspects théologiques plus présents. Michel Orcel de s'adresser au lecteur qui "pourra faire à son tour l'expérience véritablement visionnaire des ces pages où le vocabulaire de la vue et de la lumière envahit progressivement tout le tissu du poème pour s'achever en un fugitif - mais poétiquement éternel  - anéantissement en Dieu
L'auteur dédie tout en retenue, son travail au regretté Philippe Jacottet (auteur d'une magnifique traduction de l'Odyssée). 


PURGATOIRE / CHANT 1

Or pour courir sur des ondes plus belles, 
de mon génie la nef hisse les voiles, 
laissant derrière soi mer tant cruelle;

je chanterai le deuxième royaume 
où l'âme des humains se purifie 
pour mériter de s'élever au ciel.

(Traduction Michel Orcel - Éditions La Dogana)

Pour courir meilleure eau elle hisse les voiles
à présent la nacelle de mon génie
qui laisse derrière soi mer si cruelle :

et je chanterai le second royaume
où l'esprit humain se purifie
et devient plus digne de monter au ciel.

(Traduction Jacqueline Risset - Éditions Flammarion et La Pléiade) 

Alors lève ses voiles la nacelle
de mes facultés pour des flots plus heureux,
laissant derrière elle une mer si cruelle ; 

et je chanterai ce royaume deux
où l'âme se purge de ses faiblesses
et devient digne de monter aux cieux.

(Traduction Danièle Robert - Éditions Actes Sud

Le purgatoire si on le prend au sens figuré peut être un lieu ou un temps d'épreuve, voire d'expiation. Prenons le dans l'acception d'épreuve car traduire Dante est une épreuve. 
Et pour cause il y a les partisans de la terza rima cette structure rimique particulière des strophes intercalant dans un tercet une rime issue du tercet suivant. Dante fut le premier à l'utiliser. Schématiquement voici peu ou prou ce que cela donne : ABA-BCB-CDC-DED-EFE-FGF-GHG-HIH-I. 
S'ajoute à cela que le fait que la Commedia est écrite en hendécasyllabe (onze syllabes), c'est le vers cardinal de la poésie italienne qui métriquement parlant, il équivaut au décasyllabe français.

Autant dire que lorsqu'un auteur s'attaque à une montagne telle que la Commedia, c'est comme son purgatoire. L'enfer étant une descente, le purgatoire étant son contraire avec son île, le traducteur seul sur son île face à sa page, son Antépurgatoire, et puis viennent ses 7 terrasses. 
Michel Orcel a fait des choix pour sa traduction. Qu'il précise dans le préambule de son Purgatoire après qu'un (re)censeur comme il le nomme soit venu lui "donner" quelques leçons sur sa traduction... 
A noter sur ce cantique 24 pages de notes. 


ENFER / CHANT 1

A mi-chemin de notre vie mortelle, 
je me trouvai dans une sylve obscure 
où la directe voie s'était perdue.

Dire ce qu'elle était, c'est chose dure, 
cette sylve sauvage, et âpre, et forte, 
qui dans l'esprit renouvelle la peur :

amère est tant, que mort ne l'est plus guère. 
Mais pour traiter du bien que j'y trouvai, 
je parlerai de tout ce que je vis.

(traduction Michel Orcel - Édition La Dogana) 

Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.

Ah dire ce qu'elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte 
qui ranime la peur dans la pensée !

Elle est si amère que mort l'est à peine plus ;
mais pour parler du bien que j'y trouvai,
je dirai des autres choses que j'y ai vues.

(traduction Jacqueline Risset - Flammarion et La Pléiade) 

Étant à mi-chemin de notre vie,
je me trouvai dans une forêt obscure,
la route droite ayant été gauchie. 

Ah ! combien en parler est chose dure,
de cette forêt rude et âpre et drue
qui à nouveau un effroi me procure ! 

Si aigre que la mort l'est à peine plus…
Mais pour traiter du bien que j'y trouvai,
je parlerai des choses que j'ai vues.

(Traduction Danièle Robert - Éditions Actes Sud)

Ces premiers vers de l'enfer seront pour moi l'occasion de citer ce que disait le grand écrivain italien Mario Andrea Rigoni à propos de cette traduction dans un périodique italien : 
"Je crois que personne n'a autant contribué à la diffusion de la connaissance de notre littérature, et en particulier de notre poésie, dans un autre pays que la traduction française des classiques italiens de Michel Orcel. Génie polyédrique, parce que poète, romancier, essayiste et aussi éditeur, grand amoureux de l'Italie et de l'opéra, il a traduit au fil des décennies les 38 736 vers d'Orlando Furioso dell'ariosto et les 15 336 Jérusalem Liberata del Tasso, avec la particularité d'avoir toujours utilisé le décasyllabique, de plus avec le tour de force de recréer systématiquement la rime embrassée à la fin de l'octave dans laquelle les deux poèmes sont écrits: un véritable tour de force.[...] L'impossibilité évidente de maintenir la rime de Dante en français, comme le plurilinguisme linguistique et tonal du poème (du réalisme violent de l'Enfer à l'aura raréfiée du Purgatoire et à l'extase extatique du Paradis) posait des problèmes difficiles, qu'Orcel tentait de surmonter avec la recherche minutieuse d'assonances et de consonances, de certains archaïsmes lexicaux ou syntaxiques. le résultat était une traduction flexible même dans "l'obscurité" de Dante, mais toujours claire et fluide, le tout visant à recréer l'effet poétique. 

Bien sûr, des mots ou des vers individuels permettent des solutions alternatives, mais c'est l'ensemble qui forme la valeur distinctive et déterminante de la traduction, la meilleure dont dispose le public français aujourd'hui."

À tout seigneur tout honneur, je termine ce billet par une figure de style italienne, "Traduttore, traditore" cette paronomase italienne, qui est très vite sortie du langage transalpin.
Pour deux raisons sa clarté de compréhension et son aspect jeu de mots...
Mais bien au delà de cela le fait de comparer un traducteur à un traître signifie que la traduction d'un texte d'une langue dans une autre ne peut jamais respecter parfaitement le texte de l'oeuvre originale. 
Beaucoup de polyglottes préfèrent lire une oeuvre en version originale car ils veulent la découvrir telle qu'elle a été créée par l'auteur. 
Dans un cas extrême, traduire un poème en le modifiant pour garder les rimes altère singulièrement l'oeuvre du poète.

Une chose est certaine Michel Leiris a dit « Traduire, c'est avoir l'honnêteté de s'en tenir à une imperfection allusive. », avec le travail titanesque - pour ne pas dire Dantesque -  de Michel Orcel on a entre les mains une traduction d'une perfection explicite...

J'ai volontairement écrit dantesque avec une majuscule, car j'abhorre l'utilisation de l'adjectif dantesque à tout bout de champ pour définir tout et n'importe quoi ... Qui reste l'apanage de ceux qui ne doivent pas connaître l'oeuvre de Dante ou à tout le moins la Commedia.... 
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Je ne sais qui tu es, ni comme as pu 
dévaler jusqu'ici, mais de Florence 
tu me sembles venir, quand je t'entends. 

Je fus le comte Ugolin, sache-le, 
et cestui-là est Roger l'archevêque ; 
apprends pourquoi je suis son dur voisin :

alors que ma confiance était en lui, 
de par sa malveillance je fus pris
(comment ne convient dire) et mis à mort. 

Mais, cependant, cela que tu ignores, 
c'est à quel point cruel fut mon trépas : 
tu jugeras s'il ne m'a point fait tort.

Une fissure en les murs de la mue
(qui s'appelle pour moi tour de la Faim 
et où d'autres encor seront reclus),

m'avait permis de voir jà plusieurs lunes
par son pertuis, quand un bien triste rêve 
me déchira Ie voile du futur.

Cil me semblait mon maître et mon seigneur
chassant loups et louveaux de par le mont 
qui défend aux Pisans la vue de Lucques.

Avec des chienn' efflanquées, affamées, 
dressées à l'ordre, il avait devant lui 
et Gallande, et Sismonde, et Lanfranchi.

Au bout de brève course, il me sembla 
qu'étaient le père et les petits bien las : 
je vis les crocs aigus fendre leurs flancs. 

Quand je me réveillai, le lendemain, 
j'ouis mes enfants pleurer dans leur sommeil: 
ils étaient là, ils demandaient du pain.

Tu es donc bien cruel, si tu ne souffres 
en pensant aux présages de mon cœur: 
de quoi pleures-tu donc, si tu n'en pleures ? 

Ils étaient éveillés, l'heure était proche 
où l'on nous apportait notre pitance, 
mais chacun de son rêve s'inquiétait. 

J'entends en bas la clef grincer dans l'huis 
de cette horrible tour: je regardai 
mes enfants dans les yeux, sans faire un geste.

Je ne pleurai, mais je fus pétrifié :
eux pleuraient tous, et mon petit Anselme 
"Quels yeux, dit-il, mon père ! Qu'y a-t-il ?"

Je ravalai mes larm' et sus me taire, 
Ie jour durant et la nuit qui suivit,
jusqu'à tant que parut neuve lumière. 

Comme un rai de soleil s'entreglissait 
dans la dure prison, je découvris 
mon propre aspect dans ces petits visages,

et, de douleur, je me mordis les mains; 
mais eux, croyant que c'était par désir 
de me repaître, aussitôt se levèrent 

et dir' : "Ô père, il nous sera moins dur
que tu nous manges nous : cette chair-là, 
tu nous en as vêtus : reprends-la nous !" 

Je me calmai pour n'accroître leur peine, 
et deux jours nous restâmes sans parler. 
Ah, que ne t'ouvris-tu, cruelle terre !

Puis, quand nous fûm' au quatrième jour, 
Gaddo chut à mes pieds, tout de son long, 
"Père, disant, pourquoi ne me secours ?" 

Et il mourut; et, comme tu me vois,
Je vis tomber les trois l'un après l'autre 
les jours suivants ; et, dans le noir, aveugle,

de la main, je cherchais mes trois filleuls : 
deux jours après, je les clamais encore — 
et puis la faim fut plus forte que deuil. »

Quand il eut dit ces mots, les yeux baissés, 
il reprit à mâcher le triste crâne 
en le mordant, comme chien, jusqu'à l'os.

Ah, Pise ! Honteuse entre toutes les villes 
du beau pays où résonne le si, 
comme tes voisins tard' à te punir,

que viennent la Capraille et la Gorgone 
faire la digue aux bouches de l'Arno 
pour qu'en tes murs il noie toute personne !

Car si le comte Ugolin, comme on dit, 
te trahit toi, en donnant tes châteaux, 
tu n'aurais dû crucifier ses enfants.

ENFER CHANT XXXIII - Traduction Michel Orcel Éditions La Dogana 
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Après que vérité m'eut dévoilé
sur cette vie des malheureux mortels
celle-là qui mon âme emparadise,

comme feu de torchère en un miroir
allumée dans le dos d'un spectateur,
avant qu'il ne le voie ou même y songe,

s'il se retourne et regarde pour voir
si le verre dit vrai, il reconnaît
qu'il s'accorde à son chant comme une note ;

de même ma mémoire se recorde
ce que je fis plongeant dans les beaux yeux
dont pour me prendre Amour tressa la corde.

Comme je me tournais, mes propres yeux
furent frappés par ce qui, en la sphère,
paraît où qu'en son cercle l'on regarde,

je vis un point qui rayonnait d'un feu
si éclatant que l'œil qu'il incendie
doit se fermer sous sa perçante pointe ;

la moindre étoile à nos yeux minuscule
semblerait aussi grosse que la lune
si elle était posée près de ce point.

peine aussi distant que le halo
peint des lueurs de l'astre qu'il encercle
quand la vapeur qu'il porte est la plus dense,

autour du point tournait un cercle en feu
et tournait si véloce qu'il aurait
vaincu le mouvement qui ceint le monde.

Et ce cercle était ceint d'un autre cercle,
cestui d'un autre, et cil d'un quatrième,
et d'un cinquième ensuite et d'un sixième.

Le septième, au-dessus, si s'étendait
que l'arc-en-ciel, messager de Junon,
eût été trop étroit pour l'enserrer.

Et de même l'octave et le neuvième ;
et chacun se mouvait plus lentement
qu'il était plus distant du premier cercle.

Et cil ayant la flamme la plus nette
était le moins distant du foyer pur,
c'est pour cela que plus il s'en pénètre.

Ma dame, en me voyant empli de doutes
et soucieux, me dit: « De ce point-là
dépend le ciel et toute la nature.

Mire le cercle à lui le plus voisin
et sache que sa ronde est si rapide
du fait du feu d'amour dont il est point. »

Le Paradis - Nouvelle Traduction de Michel Orcel pour les Éditions La Dogana
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Quand' io intesi quell'anime offense, 
china' il viso c tanto il tenni basso, 
fin che 'l poeta mi disse: «Che pense?» 

Quand j'entendis ces âmes offensées, 
je tins si bas mon visage incliné 
que Virgile me dit: «Que penses-tu ? » 

Quando rispuosi, cominciai: «Oh lasso, 
quanti dolci pensier, quanto disio 
menò costoro al doloroso passo!» 

Je me pris à répondre: « Hélas quel deuil! 
que de tendres pensées, que de désir, 
les ont conduits à ce douloureux seuil ! »

Poi mi rivolsi a loro e parla' io, 
e cominciai: «Francesca, i tuoi martiri 
a lagrimar mi fanno tristo e pio. 

Puis, me tournant vers eux, je leur parlai, 
disant d'abord: « Francesca, tes martyres 
me font triste et piteux jusqu'à pleurer.

Ma dimmi: al tempo de' dolci sospiri,
a che e come concedette Amore,
che conosceste i dubbiosi disiri?»

Mais dis-moi : dans le temps des doux soupirs, 
à quel signe et comment Amour permit que vous sachiez vos incertains désirs ? »


L'ENFER / CHANT V - Éditions La Dogana - Traduction Michel Orcel 
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Déjà dans le visage de ma dame
mes yeux s'étaient fichés, avec mon coeur,
qui s'était délivré de tout objet.

Elle ne riait point, et m'expliqua :
«Si je riais, tu deviendrais semblable
à Sémélé, quand ell' se fit de cendre,

car ma beauté (qui, montant les degrés
de l'éternel palais, d'autant s'embrase
que plus l'on monte, ainsi que tu l'as vu),

s'elle ne se tempérait, tant resplendit,
que ton mortel pouvoir, à son éclair,
serait rameau que foudre anéantit.

Nous voici élevés au ciel septième,
qui, dessous le poitrail du lion ardent,
à sa valeur mêlé, là-bas rayonne.

Après tes yeux, fixe donc ton esprit
et fais d'eux des miroirs pour la figure
qui dans leur tain te deviendra visible. »

Qui goûterait ce qu'était la pâture
de mes yeux à l'aspect de mon élue,
quand je me transportai à d'autres soins,

saurait combien me fut cher et précieux,
en faisant la balance entre les deux,
d'obtempérer à ma céleste guide.

Le Paradis - Nouvelle Traduction de Michel Orcel pour les Éditions La Dogana
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INFERNO / Canto V

E quella a me: «Nessun maggior dolore
che ricordarsi del tempo felice
nella miseria; e ciò sa 'l tuo dottore.

Ma s' a conoscer la prima radice
del nostro amor tu hai cotanto affetto,
dirò come colui che piange e dice.

Et elle moi : « Il n'est plus grand' douleur
que de se souvenir des temps heureux
dans la misère — et ton maître le sait.

Mais si tu as tant passion de connaître
de notre amour la racine première,
je le dirai, mais le dirai pleurant.

(Traduction Michel Orcel / Éditions La Dogana)

Et elle : “Pas de plus grande douleur
que de se souvenir du temps heureux
dans le malheur ; il le sait, ton docteur.

Mais si de notre amour tu es désireux
que je te dise la germination,
c’est avec mots et pleurs que je le peux.

(Traduction Danièle Robert / Éditions Actes Sud)

Et elle : « Il n’est pas de plus grande douleur
Que de se souvenir des temps heureux
dans la misère ; et ton docteur le sait.
Mais si tu as telle envie de connaître
la racine première de notre amour,
je ferai comme qui pleure et parle à la fois.

(Traduction Jacqueline Risset / Collection La Pléiade)
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Vidéo de Dante Alighieri
Lors de l'émission de LA GRANDE LIBRAIRIE du 1er mai 2024, Gersende, libraire à l'Esperluète de Chartres, nous parle de son livre "hors norme" : SOUVIENS-TOI DES MONSTRES de Jean-Luc A. d'Asciano.
"Lire ce roman, c'est faire l'expérience d'un grand texte de littérature. D'Asciano nous emmène dans une Italie fantastique où l'on va suivre la vie de Raphaël et Gabriel. Ce sont deux frères siamois, monstrueux, avec un don magique, celui de tordre la réalité par leur chant. On y trouve du Queneau, du Rabelais, du Dante, du Stevenson, Pirates des Caraïbes. Et puis une touche de Monty Python. C'est un des textes qui m'a le plus marquée, le plus emportée et il est resté gravé au fond de mon coeur."
Merci Gersende !
Pour la petite histoire, ce roman est peut-être le seul à avoir été mentionné deux fois dans la Grande librairie, dans la partie "A livre ouvert", où des libraires parlent des textes qui les ont marqués. Il avait déjà eu cet honneur en 2018, lors de sa publication : Delphine, de la librairie AB de Lunel l'avait encensé !
Mais quoi de plus normal pour ce classique instantané, que lectrices et lecteurs se transmettent comme un secret gourmand ? Pour la petite histoire, le roman est sans doute le roman le plus lu du catalogue des forges de Vulcain car, superbement traduit en espagnol, il a connu le succès dans de nombreux pays.
Et vous, l'avez-vous lu ? Vous laisserez-vous tenter par ce texte "hors norme" ?
#littérature #roman #siamois #fantastique #unique
+ Lire la suite
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