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Anne-Laure Tissut (Traducteur)
EAN : 9782330188757
208 pages
Actes Sud (06/03/2024)
3.83/5   128 notes
Résumé :
Pour Sy Baumgartner, auteur et professeur de philosophie à l'université de Princeton, la vie n'a plus la même saveur depuis la mort de son épouse Anna, emportée par une vague à Cape Cod neuf ans plus tôt. Tandis que Baumgartner, désormais âgé de soixante-et-onze ans, continue de lutter pour vivre en son absence, le roman se déploie sinueusement en spirales de souvenirs et de réminiscences, de leur rencontre, étudiants, à New York aux quarante années de leur passion ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 128 notes
Egalement scénariste et réalisateur, Paul Auster s'est imposé comme un auteur majeur du post-modernisme. A 77 ans et atteint d'un cancer, il publie ce qu'il annonce comme probablement son dernier livre, un ouvrage dense et court, où la marée des souvenirs assaille un écrivain vieillissant, tourmenté par la perte de sa femme et par les premières défaillances de l'âge.


Dans ce récit, où est le vrai, où est le faux ? Alter ego de l'auteur, Sy Baumgartner est un éminent professeur d'université en même temps qu'un auteur respecté. Mais, à plus de soixante-dix ans, le terme du voyage se fait pressentir. Même si, et pas seulement en esprit, l'homme n'a toujours rien lâché de ses activités, oeuvrant son relâche à son dernier ouvrage, il lui faut bien reconnaître que des détails commencent à le trahir. Veuf depuis dix ans, il a de soudaines absences, se brûle avec une casserole oubliée sur le feu, tombe dans l'escalier de la cave et ne se souvient plus de ses rendez-vous. le mari de sa femme de ménage s'étant accidentellement sectionné plusieurs doigts, le « syndrome du membre fantôme » lui inspire une « métaphore de la souffrance humaine et de la perte ». Ayant perdu la moitié de lui-même, il se voit en « moignon humain », souffrant de tous ses membres manquants.


Alors, irrépressiblement et de plus en plus souvent, les souvenirs éparpillés telles les pièces d'un puzzle envahissent le présent comme dans une tentative de recomposer sa vie : son enfance, l'histoire de ses parents entre Europe et Amérique, et, toujours et surtout, son coup de foudre pour Anna – Blume, comme la narratrice de l'un des premiers romans d'Auster –, leur long mariage heureux mais sans enfant, son admiration pour celle qui, poétesse et traductrice, ne s'est jamais souciée de publier son oeuvre, restée à l'état de manuscrits épars. Tout à son deuil impossible, en même temps qu'il continue inlassablement à plier les vêtements de l'aimée disparue, il rêve, à défaut de pouvoir lui redonner chair, de la faire revivre par l'esprit en faisant connaître ses écrits. Et le miracle se produit : éblouie par le recueil de poèmes qu'il a soigneusement choisis dans les tiroirs d'Anna pour une édition posthume, surgit une étudiante et son projet de thèse, une fille brillante, intellectuellement la copie de la morte, qui pourrait bien devenir une fille spirituelle, celle par qui la mémoire se transmet au lieu de se perdre.


Mettant, comme il sait si bien le faire, son style dépouillé au service d'un enchâssement d'histoires pleines d'incidents et de détails riches de sens, Paul Auster tisse les fils d'un récit poignant, non dénué d'humour, où amour, vieillesse et deuil trouvent, dans l'exploration de la mémoire et dans sa transmission, une continuité pleine de vitalité et d'espérance. Un dernier livre qui s'achève sur une épiphanie : la littérature ne meurt jamais et, à travers elle, ses auteurs non plus.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Paul Auster a annoncé que ce roman était probablement le dernier qu'il écrivait et qu'il devait consacrer ses forces au combat contre la maladie.
Il est tentant dès lors de lire ce livre comme le testament autobiographique d'un septuagénaire , d'autant que le héros-narrateur est un écrivain septuagénaire nommé Baumgartner, nom à la consonance proche de celui de Paul Auster.
Par ailleurs, l'auteur a semé de nombreux petits cailloux qui autorisent l'identification.

Il donne à son personnage une épouse poète et écrivaine de talent ( même si elle n'est pas publiée), qui s'appelait Anna Blume avant son mariage ( référence à l'un de ses romans), et dont la mère et le grand-père étaient des Auster. Mais ces indices sont bien davantage des clins d'oeil malicieux, d'autant plus que Siri Hustvedt est toujours bien vivante.

On sait que Paul Auster affectionne et maîtrise parfaitement les jeux de piste.
Dans 4321, il avait proposé quatre avatars de l'homme qu'il aurait pu être. On peut alors imaginer que ce Baumgartner serait son cinquième avatar !

Le livre démarre en fanfare sur une série d'accidents qui relèvent du burlesque . Sy Baumgartner, 70 ans, professeur de philosophie à Princeton, se brûle la main avec une casserole. le téléphone sonne et il apprend par la fille de sa femme de ménage que son mari s'est sectionné deux doigts avec une scie. Puis, alors qu'il escorte Ed Papadopoulos, un jeune préposé aux compteurs jusqu'au sous-sol, il tombe dans les escaliers et se blesse au genou.
Paul Auster ne ménage pas son personnage et n'hésite pas à se moquer du cerveau vieillissant des personnes âgées incapables de mener à bien plusieurs tâches à la fois ( passer un coup de téléphone à sa soeur, aller chercher un livre, fermer la braguette du pantalon ...).
Le thème de la mémoire est ainsi partout décliné dans toutes ses ramifications.

Alors même qu'il est maltraité, Baumgartner apparaît comme un personnage sympathique : attentif aux autres, il console la petite fille et s'inquiète de la carrière de Papadopoulos.

Juste au moment où il semble que le roman va se transformer en une histoire sur une amitié improbable entre Sy et Ed – le vieil universitaire et le jeune employé – Auster fait disparaître le personnage et emporte Baumgartner dans le passé.
Il se souvient de la mort inattendue de son épouse Anna qui s'est noyée il y a dix ans. Il raconte l'état de sideration qui a suivi, puis sa plongée dans la lecture de ses manuscrits jusqu'à sa décision de trouver un éditeur pour publier un recueil de ses poèmes.

Il va jusqu'à faire une incursion dans le surnaturel en décrivant un appel téléphonique d'Anna qui lui raconte ce que ça fait d'être mort.
"Il n'y a pas de punition, ni de récompense divine, ni trompettes ni feux de l'enfer, pas de havre de bonheur céleste, et aucun être humain ne reviendra jamais sur terre sous la forme d'un papillon, d'un crocodile ou de la prochaine incarnation de Marilyn Monroe. "
Sous l'humour jaillit l'angoisse du" Grand Nulle-part, espace noir dans lequel rien n'est visible, espace de nullité vide et silencieux, l'oubli propre au vide. "
Une fois encore, la mémoire et l'oubli sont au coeur du questionnement philosophique de Paul Auster

C'est d'ailleurs au cours de réflexions sur la mémoire qu'il décide de retourner dans son passé lointain.
Il évoque alors son père, propriétaire d'un magasin de vêtements d'origine polonaise, et sa mère couturière. Un père qui se rêvait révolutionnaire et menait une vie bourgeoise, une mère effacée qui n'a jamais connu ses parents.
Cette recherche des origines familiales aboutit sur l'absence et sur une certaine infamie du côté des grands-parents maternels, et sur l'insertion d'un texte écrit en 2017 lors d'un voyage en Ukraine sur les traces de son grand-père paternel.
Dans ce texte, il racontait la difficulté de connaître la vérité lorsque l'histoire s'efface au profit du récit et faisait coïncider cette réflexion avec son amour de la littérature.
" En l'absence d'aucune information susceptible de confirmer ou d'infirmer l'histoire qu'il m'a racontée, je choisis de croire le poète."

Le récit familial est un passage obligé dans les romans mémoriels, et Auster s'y plie avec complaisance. Pour autant, n'oublions pas à quel point il aime jouer avec l'identité et l'illusion tout en imbriquant des histoires les unes dans les autres.
Ses personnages ont souvent partagé certaines particularités de leur créateur sans pour autant lui correspondre, et peut-être aurions nous tort de confondre réalité et fiction, de penser que Paul Auster se soit livré à un transfert autobiographique.
En fait cela importe peu lorsqu'il s'agit de littérature, l'essentiel est la vérité que nous donnent les personnages. C'est ce que déclare l'auteur, lui qui préfère le faux au vrai, qui choisit de croire aux loups du poète.

Certes ce court roman ne brille pas par son originalité et son architecture dans l'oeuvre de Paul Auster. L'intrigue est minime et le personnage du vieillard qui se remémore son passé très conventionnel
Mais ce qui le distingue repose sur la qualité de la prose et sur l'intelligence des observations, et dans la manière dont ses personnages sont incarnés avec humour et tendresse.

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Je lis Paul Auster depuis que j'ai 18 ans, cela fait un bail. J'ai lu tous ses romans, je les attends toujours avec impatience. le petit dernier n'a rien d'exceptionnel mais je l'ai savouré avec délectation.

Seymour Baumgartner est un septuagénaire qui est veuf depuis une dizaine d'années. Sa femme, Anna Blume (comme le personnage d'un autre roman), s'est tuée lors d'une baignade en mer. Il va raconter leur vie mais pas de manière chronologique. le fleuve de la mémoire peut se perdre parfois dans des détails évanescents.

On y retrouve des références austériennes comme le baseball, cela m'a donné envie de revoir « Une équipe hors du commun » (Penny Marshall, 1992) sur une ligue féminine de baseball. Anna était très douée à ce jeu réservé aux garçons à partir d'un certain âge.

L'auteur parle de la mort et du deuil. La perte de certaines personnes donne l'impression d'avoir été amputé et il associe l'absence à la sensation du « membre fantôme ».

La vie est dangereuse mais il faut la vivre, nous n'en avons qu'une. Elle nous réserve parfois des surprises.

J'ai beaucoup aimé les petites histoires dans l'histoire dont celle de Frankie Boyle.

Je n'ai pas compris la fin mais elle est ouverte et laisse la place à l'imagination.




Challenge multi-défis 2024 (31)
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Baumgartner peut être lu comme le bilan d'une existence et il est naturel que Baumgartner soit un miroir très peu dépoli de Paul Auster.
Ce roman assez court ( 200 pages) est nostalgique et poignant car il investit le long cours de la vie.
Seymour Baumgartner, 71 ans, professeur à Princeton revisite la grande histoire de sa vie qu'a été son amour pour sa femme Anna Blume ( tiens, tiens un personnage des romans de Paul Auster).
Quand commence le roman Sy Baumgartner est veuf depuis 10 ans. Sur une plage, un soir, un dernier bain a été fatal à Anna. Une vague a brisé sa nuque.
Veuf vivant dans son appartement au gré de ses souvenirs.
Ce matin là un ensemble d'incidents, et une chute accidentelle va le ramener aux souvenirs de sa vie. Et les grands souvenirs de sa vie tournent autour d'Anna et de sa famille éxilée de l'Europe de l'Est et plus particulièrement d'Ukraine.
Ce grand père maternel qui s'appelait ... Auster.
Paul Auster nous gratifie d'un roman ou le désir de vie se télescope à la mémoire , parfois incertaine des souvenirs, alors que les prémices de la vieillesse apparaissent.
Lentement le puzzle de la vie de Baumgartner se met en place entre réalité, imagination et confession.
Les doutes, les angoisses, les fantômes perdus jalonnent le chemin.
Le vrai, le faux. Baumgartner- Auster.
Peut être le dernier roman de Paul Auster.
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Cela faisait un bon moment que je voulais m'essayer à Paul Auster.
Je savais que son écriture était parfois obscure, voire difficile d'accès mais têtue comme une mule, j'ai attendu le bon moment, et, en regardant comme d'habitude les prochaines parutions qui feront flancher pour de bon ma PAL, j'ai remarqué que Auster venait de publier son nouveau livre.
Et là, l'illumination : je le veux ! "Quelle belle occasion" fais-je en moi-même.
Allez hop c'est parti.

Le texte est dense, sans discours à la voix directe mais plutôt indirect.
Baumgartner est un vieil universitaire donc écrivain, de soixante-dix ans.
Il a perdu sa femme, Anna, il y a une dizaine d'année, d'un accident, et veuf et seul, il a tout le temps qu'il faut pour penser et il dérive de-ci, de-là, et nous mêle à ses digressions, voyeurs que nous sommes, grâce à la plume de Auster.

Différents thèmes ; tout d'abord sa relation avec une amie d'Anna, Judith, plus jeune que lui, mais dont il est tombé amoureux et qu'il veut épouser. Il lui en parlera et elle l'éconduira gentiment, mais fermement.

Puis il repense à son père, qui était si fier de lui, si heureux que son garçon n'ait pas comme ambition de reprendre le magasin familial de prêt à porter pour femme.

Et puis instant de grâce, une étudiante s'intéresse à l'oeuvre de sa défunte femme pour son doctorat et il revit. Mais pour combien de temps ?

Et puis bien sûr, sa rencontre avec sa femme, Anna, histoire d'amour folle ; Auster ici décortique les premiers émois d'une nouvelle rencontre, et on en saura davantage à la fin du roman.

Justement, roman ou pas roman ?
Car il est question dans ses pensées sur sa famille paternelle d'un certain Auster.
Un coucou de l'auteur ? Mêle-t-il le faux du vrai ?

Je découvre tout juste cet écrivain si décrié, et pourtant si sensible.
Il faut une sensibilité et une empathie certaines pour ces pages noircies qui découpent une vie, sa vie en lambeaux merveilleux.
Quel cadeau que la mémoire ; c'est le message, à mon sens, que souhaite nous imprimer Auster. Il a un talent indéniable pour se mouvoir dans la cervelle et dans les méandres du coeur pour nous toucher et nous filons dans la lecture comme un cheval au grand galop, ne pouvant qu'avancer. Les pages se tournent toutes seules, et cette invitation aux voyages intérieurs sont des délices à consommer sans modération.

J'entends déjà les loups hurler : quel ennui, il ne se passe rien !
Et si, il s'en passe des choses, mais dans "l'intérieur".
Sinon, lisez un SAS, vous serez gâté en actions de tout acabit...

Je suis heureuse.
J'ai découvert Auster et j'ai aimé cette lecture.
Nous pouvons, je le crois, être accessible, ou plutôt se rendre accessible aux neurones et aux réminiscences d'un charmant septuagénaire qui s'encroûte certes dans sa vie quotidienne avec ses petites manies, mais qui nous offre grâce à Auster un plongeon dans le temps mais aussi dans le présent et surtout dans l'abysse le plus profond de notre conscience. À tous.

Alors oui, c'est une lecture qui peut sembler difficile, il faut faire des efforts, tout n'est pas mouliné tout cuit dans la bouche, mais les cadeaux sont bien là.

Je ne m'arrêterai pas ici, je souhaite continuer le voyage, les voyages.
Merci pour cette rencontre.



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critiques presse (11)
LePoint
19 mars 2024
Dans Baumgartner, roman bref et profond, l'écrivain américain dresse le bilan d'une existence, offrant a l'être aime la première place.
Lire la critique sur le site : LePoint
RevueTransfuge
19 mars 2024
Formidable roman que ce Baumgartner de Paul Auster, personnage vieillissant entre désir de vie et remémoration.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
LaTribuneDeGeneve
18 mars 2024
Entre deuil et mémoire, le dernier roman de l'auteur américain multiplie les pistes sur lui-même.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeFigaro
08 mars 2024
Dans son nouveau roman, l'écrivain américain a perdu la virtuosité de la Trilogie new-yorkaise. Reste la bonne vieille métafiction, les références littéraires et une prose qui traîne les pieds.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
08 mars 2024
La magie de la première phrase, des premiers paragraphes… Auster en est décidément un des maîtres. En quelques mots, il plonge le lecteur dans le grand bain du récit, et formule une ou plusieurs énigmes qui seront peut-être résolues à la fin du texte.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
08 mars 2024
Le grand écrivain américain livre un roman bouleversant sur la souffrance, le deuil et l’amour, où s’entremêlent souvenirs fictifs et autobiographiques.
Lire la critique sur le site : LeMonde
OuestFrance
07 mars 2024
Partant d’un écrivain veuf de 70 ans à peu près reclus, l’auteur américain parvient à bâtir un roman fourmillant d’histoires et d’idées sur le passé, le présent, la nature de l’existence et même celle de l’au-delà !
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
La solitude tue, Judith, et petit bout par petit bout, elle te ronge jusqu'à ce que ton corps entier soit dévoré. Une personne n'a pas de vie sans relation à d'autres, et si on a la chance d'avoir une relation profonde avec une autre personne, si profonde que l'autre est aussi important à tes yeux que tu ne l'es toi-même, alors la vie devient plus que possible, elle devient bonne.
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Pour le moment, tout s’est arrêté. Baumgartner a écrit la dernière phrase du dernier paragraphe du dernier chapitre des Mystères de la roue, et à présent, durant le mois qui vient environ, il doit oublier que le livre est achevé ou qu’il a même jamais entrepris de l’écrire. Baumgartner se réfère à cette période de post-composition comme l’effondrement ou Mrs Dolittle pompette, ou pour faire écho au slogan de la vieille pub Coca-Cola de son enfance, la pause fraîcheur. C’est l’étape fondamentale vers l’achèvement d’un livre, car après avoir vécu avec le livre en cours chaque jour et chaque nuit, parfois pendant quelques années, voire de nombreuses, on en est si proche quand on s’arrête d’écrire que l’on n’est plus capable de le juger. Et surtout, les mots vous sont devenus si familiers qu’ils sont morts sur la page, et les regarder maintenant vous plongerait dans des spasmes de dégoût si intenses que vous pourriez être tenté de détruire le manuscrit dans un accès de colère ou de désespoir. Dans l’intérêt de votre santé mentale, et dans celui de ce qui peut être sauvé du désastre que vous avez vous-même causé, il faut vous forcer à prendre du recul et laisser ce fichu livre tranquille jusqu’à ce qu’il soit complètement détaché de vous, au point que quand vous oserez le reprendre, vous ayez le sentiment de le découvrir pour la première fois.
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Après que Baumgartner a rêvé ce rêve, quelque chose commence à changer en lui. Il a parfaitement conscience que le téléphone déconnecté n’a pas sonné, qu’il n’a pas entendu la voix d’Anna, que les morts ne continuent pas à vivre dans un état de non-existence consciente, et pourtant, tout irréel qu’ait été le contenu du rêve, il en a fait l’expérience réelle, et les choses qu’il a vécues dans son sommeil cette nuit-là n’ont pas disparu de ses pensées comme le font la plupart des rêves. Six jours se sont écoulés depuis. C’est court, néanmoins Baumgartner a le sentiment d’avoir été précipité dans un nouvel espace intérieur, et que les circonstances de sa vie ont été modifiées. Il n’est plus prisonnier d’un caveau sans fenêtre mais se trouve quelque part à la surface du sol, toujours coincé dans une pièce, peut-être, mais au moins celle-là a une fenêtre à barreaux en haut du mur extérieur, ce qui signifie que la lumière s’y répand pendant la journée, et s’il s’allonge sur le sol et place la tête selon le bon angle, il peut regarder les nuages en l’air et en étudier le cours dans le ciel. Tel est le pouvoir de l’imagination, se dit-il. Ou, tout simplement, le pouvoir des rêves. De la même façon qu’une personne peut être transformée par les événements imaginaires narrés dans une œuvre de fiction, Baumgartner a été transformé par l’histoire qu’il s’est racontée en rêve. Et si la pièce jadis sans fenêtre en a une à présent, qui sait si un jour ne viendra pas, dans un avenir proche, où les barreaux auront disparu et où il pourra enfin, en se traînant, sortir à l’air libre.
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C’est le trope que Baumgartner cherchait depuis la mort soudaine, inattendue d’Anna dix ans plus tôt, analogie s’imposant comme la plus persuasive pour décrire ce qui lui est arrivé depuis cet après-midi chaud et venteux d’août 2008, où les dieux ont jugé bon de lui dérober sa femme dans la pleine vigueur de son âge encore jeune, et soudain, ses membres ont été arrachés de son corps, tous les quatre, bras et jambes ensemble au même moment, et si sa tête et son cœur ont été épargnés par l’assaut, c’est seulement parce que les dieux pervers et moqueurs lui ont accordé le droit douteux de continuer à vivre sans elle. À présent, il est un moignon humain, un demi-homme ayant perdu la moitié de lui-même, et, oui, les membres manquants sont toujours là, ils lui font toujours mal, au point qu’il a l’impression parfois que son corps est sur le point de prendre feu et de se consumer sur place.
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La vie est dangereuse, Marion, et tout peut nous arriver à tout moment. Vous le savez, je le sais, tout le monde le sait, et s’il y en a qui ne le savent pas, c’est qu’ils ne font pas attention, et si on ne fait pas attention, on n’est pas complètement en vie.
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