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EAN : 9782818058664
P.O.L. (04/01/2024)
2.57/5   46 notes
Résumé :
« Les machines du monde tournent grâce à des programmes informatiques qu’on appelle le code. Cette révolution technique ressemble à celle de l’électricité à la différence près qu’elle se compose de langages, de grammaires, de traductions, toutes choses qui devraient nous concerner mais dont nous ignorons tout. Je suis une femme, j’ai plus de cinquante ans, je suis écrivain et, malgré tous ces handicaps, je veux apprendre à coder. Je veux comprendre ce qui se passe s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Loin de la langue littéraire, une nouvelle élite réécrit le monde en différents langages, informatiques ceux-là, qui ne supportent pas non plus le moindre écart de virgule, mais, contrairement à elle, impactent désormais si bien le quotidien du monde que rien ne semblerait pouvoir encore fonctionner sans eux. Interpellée par cette puissance nouvelle en complet contraste avec la déshérence littéraire moderne – bientôt seules les vieilles dames liront des livres, écrivait récemment Luc Chomarat –, l'auteur est partie à la rencontre de l'univers du code, dans une enquête en territoire inconnu qui, paradoxalement, va la ramener au roman.


Décidée, à cause de son nom et parce qu'il est réputé abordable, à apprendre à coder en langage Python, la narratrice quinquagénaire, alter ego de l'auteur, se cherche des professeurs dans le monde très jeune et masculin des geeks, dos voûtés et capuches rabattues sur le mystère de leurs claviers. Mais, malgré ses efforts pour cadrer son esprit dans la logique binaire de la condition et de la négation censée transcrire en numérique tous les champs possibles du réel, cette apprentie codeuse décalée ne fait que de piètres progrès dans la maîtrise du code. de façon inattendue, ses rendez-vous avec ces jeunes gens bien décidés à impacter le futur la renvoient en fait vers le passé et le souvenir d'une autre attraction contrariée, vécue au temps de sa jeunesse auprès d'un homme qui préférait les hommes.


C'est ainsi que, partie explorer de nouveaux territoires langagiers dénués d'émotion et de poésie, l'auteur frappée par la rigueur extrême de la grammaire du code en même temps que replongée dans ses réminiscences au contact de la jeunesse, voit son récit bifurquer vers l'intimité de l'introspection et de la libido. Possiblement déconcerté, voire un tantinet frustré, par ce changement de pied inattendu, opéré sans préméditation, qui le propulse soudain dans un registre très personnel et bien peu connecté au sujet initial, le lecteur aura pour consolation l'intelligence de réflexions enrichies par cette confrontation ouverte et curieuse à la codification numérique du monde et aux impacts possibles de l'intelligence artificielle sur le langage et l'écriture au sens large.
Entre le monde construit par « le langage informatique, sa précision, sa clarté univoque » et celui, pluriel, « de la littérature qui ne tranche pas », pourquoi ne faudrait-il voir qu'opposition et obligation de choisir ? Ce roman se fait la preuve que le second peut se nourrir du premier, que la poésie peut fleurir partout et que la littérature se doit de se nourrir de la multiplicité des angles et des points de vue.


Indéniablement intelligente et talentueuse, la plume de Nathalie Azoulai suffira-t-elle à convaincre de la complémentarité entre la complexité humaine et l'efficacité de la machine en matière de littérature et d'écriture ? Il faudra pour cela au lecteur beaucoup de souplesse pour l'accompagner sans broncher dans la construction d'un récit faisant si bien le grand écart entre deux sujets - l'un intime, l'autre général - d'intérêt quand même très inégal.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Lors d'un déjeuner avec des amis, l'autrice remarque Boris, le fils de la maison, à l'écart, penché sur son ordinateur, un casque sur les oreilles. Son père explique qu'il code, code, code de jour comme de nuit. Interloquée, l'autrice va chercher à en savoir plus. Les explications fournies par internet sur le code et les langages de programmation se révèlent vite trop complexes et réservées à des initiés. Elle comprend qu'il s'agit d'un monde jeune, à majorité masculine. Elle se sent dépassée, en tant que femme d'une cinquantaine d'année, mais souhaite relever le défi. Elle va rencontrer des spécialistes du langage informatique pour en savoir plus sur l'un d'entre eux : Python, un nom qui lui plaît. Plus que le monde des ophidiens, il évoque pour elle tout un imaginaire, et surtout de belles références cinématographiques. Elle découvre, étonnée, que le langage Python a été ainsi nommé par son inventeur, Guido van Rossum, en référence aux Monty Python, acteurs emblématiques des années 1970 à l'humour surréaliste….Les découvertes vont se succéder.

Python est un roman qui m'a intéressée en raison des thèmes qu'il développe : celui de langages informatiques qui s'écrivent et disposent, tout comme les langues humaines, de syntaxe et de lexique précis, et de questions : peut-on établir des liens entre ces sortes de langages ? Et où se situe la création artistique ? Peut-on vraiment écrire un roman en ayant recours à l'intelligence artificielle ? L'autrice va s'y employer, et reconnaître très vite les limites d'un tel ouvrage. « En fait, c'est un vrai métier d'écrire, c'est comme le code », reconnaît finalement Enzo, un des jeunes codeurs qui apporte une aide précieuse à l'autrice.

La forme du roman est quelquefois déroutante : difficile de mêler l'histoire d'une autrice à la recherche d'un sujet de roman, de renseignements sur le code et les codeurs ainsi que des exemples précis de codes avec le récit de rencontres avec de jeunes spécialistes et une ébauche de roman écrit grâce à l'Intelligence Artificielle. On a quelquefois du mal à s'y retrouver. Par ailleurs, le recours excessif aux parenthèses alourdit le texte.
C'est un vrai roman, écrit par une intelligence bien humaine, qui se construit sous nos yeux, grâce à un tableau magnétique qui rassemble les divers éléments du récit. Ce tableau permet de mettre en lumière les liens qui unissent les différents personnages. C'est l'amitié qui l'emporte, bien plus puissante que l'amour à bien des égards.

Une lecture un peu exigeante, qui ouvre vers d'autres horizons, d'autres langages !
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Premier livre de Nathalie Azoulai sur lequel je mets la main, qui ne donne certainement pas envie de lire les précédents.
Pourtant, au premier abord, le concept est intéressant : l'autrice, une femme d'une cinquantaine d'années, décide d'apprendre à coder en Python sans rien connaître à l'informatique, après avoir aperçu le fils d'un de ses amis assis derrière son écran, visiblement plongé dans son code. Premier malaise : ce garçon, Boris, va être un personnage récurrent au fil du récit, objet de tous les fantasmes de l'autrice sur les programmeurs, ces mystérieux jeunes hommes qui, plongés dans le noir, façonnent le monde derrière leur écran... Merci pour le cliché.
Passons ; Nathalie veut apprendre à coder et contacte donc Xavier Niel, dont elle avait l'adresse mail personnelle (?), qui la met en contact avec la directrice de l'école 42 - rien que ça ! Problème, Nathalie veut coder en Python et à l'école 42, on fait du C. de toutes façons, elle échoue à tous les tests préliminaires ; elle se met donc plutôt en quête de professeurs particuliers. Ce sont deux jeunes femmes qui vont avoir la dure tâche de l'initier au Python, même si elle aurait préféré des hommes (pour mieux coller à son fantasme, j'imagine). Là, on pourrait se dire que ça va enfin être intéressant - va-t-elle décrire son progrès dans le langage informatique ? Va-t-elle se rendre compte que son monde de clichés est en train de s'effondrer ? Eh bien non. Nathalie fait crise existentielle sur crise existentielle lorsque sa première professeure tente de lui apprendre les bases du Python, puis avec sa seconde enseignante, elle parle plus de littérature que d'informatique (ah oui : elle mentionne Proust au moins une fois toutes les cinq pages). Puis finalement elle se retrouve à prendre un cours avec Boris, l'objet de tous ses fantasmes ; j'espère qu'il ne lira jamais ce livre, parce que même moi qui était extérieure à cette histoire j'ai été mal à l'aise pour lui, il n'a rien demandé et le voilà qui essaie d'enseigner le Python à une cinquantenaire au bord de la syncope quand elle doit taper sur un clavier et qui le regarde avec des yeux débordants de sexe.
Puis vers la moitié du livre, Nathalie Azoulai abandonne complètement son idée de base. Elle disserte sur l'importance de la littérature et de la création, part dans des délires mystiques, utilise le terme "Python" pour désigner le code en général - c'est à ce moment que tous les programmeurs ont mal. Ses personnages féminins (ses enseignantes, et même la directrice de l'école 42) sont systématiquement torpillées quand les personnages masculins sont adulés (encore une fois Boris, je suis désolée pour toi).
Elle finit par retourner à l'école 42 mais plus pour apprendre, pour mener une enquête "journalistique" - on comprend vite qu'elle veut trouver un jeune homme à se mettre sous la dent, et pas de chance, le seul qu'elle arrive à attraper est gay. Elle se dit aussi que les jeunes femmes qui sont là sont bien tombées car elles ont tout un choix de partenaires à leur disposition - parce que c'est bien connu, quand on est une femme, on fait des études pour trouver un mari ou pour coucher facilement, hein, voilà.
Bref, Nathalie Azoulai n'a jamais appris à coder en Python et moi, j'ai perdu quelques heures de ma vie.
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Un étonnant et savoureux voyage improvisé en direction des complexités et des simplicités de la ligne de code. Souvent hilarant, le choc entre littérature et programmation s'y révèle sous un jour inattendu.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/24/note-de-lecture-python-nathalie-azoulai/

Autrice consacrée, « de plus de cinquante ans », la narratrice décide tout à coup – à la surprise des ses proches, qui semblent néanmoins plus ou moins coutumiers de ses saisies obsessionnelles – de plonger dans l'univers du code – de la programmation. Si elle-même ne parvient pas totalement à rationaliser ses justifications et ses motivations (souvent particulièrement savoureuses lorsque certaines se dévoileront au fil des pages et des questionnements), la lectrice ou le lecteur y discerneront pêle-mêle (même si certains subtils fils d'Ariane se dégageront peu à peu de son tableau mural d'investigation « à la Carrie Matheson ») le besoin de comprendre un univers comme marqué socialement par l'adolescence et la post-adolescence certes, mais aussi par la vitesse, tout simplement (ce sur quoi Hartmut Rosa et Paul Virilio comme le numéro 9 de la Moitié du Fourbi auraient sans doute leur mot à dire aussi). En jouant à opposer les apparences du code et celles de la littérature – tout particulièrement lorsqu'elle ancre son propre savoir dans les siècles classiques -, elle entreprend a contrario, presque par surprise, un étonnant travail d'élucidation dans la joie et la peine, de désignation du labeur et de l'élégance qui habitent les lignes structurelles invisibles sur les écrans – et parvient à saisir, depuis sa position même jugée si improbable, certaines des essences précieuses qui habitent là. Certainement pas un voyage au bout du code, mais à coup sûr une série de transgressions inattendues de tout ce que tracent zones de confort et préjugés, dont la narratrice sort, pour le moins, transformée.

Publié en janvier 2024 chez P.O.L., « Python » est la seizième oeuvre de Nathalie Azoulai (on vous parlera certainement prochainement sur ce blog de sa septième, par exemple, « Titus n'aimait pas Bérénice »). Avec ce récit enlevé, à la première personne, elle réussit la prouesse de traiter, comme mine de rien, en toute drôlerie et légèreté apparentes, d'un sujet éminemment sérieux, celui de la place du code informatique dans nos vies, matérielles, quotidiennes ou plus fondamentales (on pourrait songer par moments au « LQI – Notre Langue Quotidienne Informatisée » de Yann Diener, si ce n'est que Nathalie Azoulai a délibérément choisi de se tenir à l'écart d'une tentation, celle de fustiger ce que l'on ne comprend pas, précisément), et de trouver sa concentration ailleurs, dans la tentative sincère d'approcher – avec les yeux, rares en la matière, de Chimène – cette autre espèce, celle des geeks et geekettes pour qui la programmation (en langage Python ou non) est une passion ou un métier, mais en tout cas une évidence. En nous conviant ainsi à l'étude d'un jeu de langage, nécessairement, comme nous le rappelait à sa manière si incisive Hugues Leroy, aussi bien dans son récent « Exercices de vide » que dans son plus ancien « Sur les vertus de la concision dans certains textes que personne ne lit » (dans les numéros 1 et 14 de la Moitié du Fourbi, encore), mais d'un jeu de langage qui peut avoir – et qui a – un impact colossal sur nos vies, Nathalie Azoulai nous offre un feu d'artifices inattendu, paradoxal et salutaire.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Une écrivaine de 50 ans, fan de littérature qu'elle n'hésite pas à placer un peu partout dans ce livre pour nous rappeler que son truc c'est la littérature, a parmi ses amis Pierre lui-même a un fils Boris qui passe son temps à coder. Suite à cela notre écrivaine se lance dans une enquête pour comprendre le phénomène. Elle prendra des cours auprès d'une jeune geek qu'elle trouve sur un site, puis s'intéresse à l'école 42, retour à Boris qui lui conseille de demander une initiation à son amie Marguaux qui a commencé par une formation littéraire mais dans l'ensemble l'enquête ne donne rien, vous aurez des noms de célèbres informaticiens qui selon elle ont donné naissance à l'informatique, on aura quelques exemples de codes, qui vous affiche quelques phrases, les conditions avec la commande Si, sinon si et les boucles avec la commande tant que. À la fin elle nous parle de son amour pour les gays avec Simon son pote de lycée et Enzo un jeune sur qui elle craque mais lui aime les garçons, elle envisage d'écrire avec Enzo grâce à chat-GPT un livre mais ils concluent que l'écriture requiert un vrai écrivain. Quant à Python c'est un langage de programmation mais bon on s'en sert aussi pour faire des pompes.
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critiques presse (4)
Bibliobs
19 février 2024
Avec la vélocité d'un geek sur son clavier, Nathalie Azoulai décrypte, enquête, réféchit. Dans ce roman cyborg, cérébral et étrangement sensuel, ses idées fusent, percutantes et fulgurantes.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
15 février 2024
Sa quête nous fait découvrir un monde à part. Tout cela manque de poésie, mais pas de mystère
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
31 janvier 2024
Ce que l’IA fait à la littérature est le sujet principal de ­Python, de Nathalie Azoulai, qui met en scène une écrivaine d’une cinquantaine d’années, dont l’obsession est d’apprendre à coder. Dans son roman précédent, La Fille parfaite, elle ­confrontait déjà les sciences et les lettres à travers deux amies, l’une brillante ­mathématicienne et l’autre ne vivant que par les livres. D’un ouvrage à l’autre, elle plaide pour la conciliation des deux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
22 janvier 2024
Dans son nouveau livre, "Python", l'autrice française Nathalie Azoulai se met en scène en train d'apprendre avec des codeurs un langage de programmation. Plongée dans un monde où la langue ne se parle pas. L'occasion de tester ce que peut ChatGPT pour la littérature.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Sur l’un des murs de mon bureau, il y a un grand tableau magnétique. Je l’ai installé après avoir vu la série Homeland, mais jusque-là, je n’y ai accroché que des pense-bêtes, des photos de mes filles, des numéros de téléphone que je n’ai jamais composés. J’enlève tout. Je cherche un portrait de Grace Hopper (avec vernis à ongles), je l’imprime et je l’accroche au centre du tableau. Juste à côté, je mets une photo de Boris, puis des images de jeunes hommes entre eux, dans la guerre, le rock, un vestiaire, une boîte, une chambrée, une salle de garde, un bar, une cité.
Je sais bien que je n’ai ni meurtre ni coupable à trouver mais j’ai un mystère à élucider. Je me prends pour Carrie Mathison (l’héroïne de Homeland), j’espère voir à force de regarder. J’adopte des poses de profileur, jambes légèrement écartées, bras croisés, tantôt concentrée tantôt distraite. Son tableau à elle est en liège et je lui envie le geste de punaiser rageusement de nouveaux éléments ; c’est plus vif que de faire glisser des aimants. Plus silencieux aussi.

Les écrivains ont déjà bien à faire comme ça pour ne pas en plus se mêler de technique et de science. Flaubert n’écrit pas sur la machine à vapeur, Proust ne cherche à comprendre ni l’électricité ni le téléphone. J’aime les métiers, j’aime les expertises (sans doute ai-je le sentiment de n’en avoir aucune). J’imagine ma grand-mère débarquer dans une usine de téléviseurs, exiger qu’on lui explique comment ça marche, et menacer de ne pas bouger tant qu’on ne le lui aura pas expliqué. Mais là, c’est différent. Ni la machine à vapeur ni le téléphone ne produisent de signes, aucune de ces inventions ne vient grossir la flotte graphique sur laquelle les humains transportent leur savoir, leur pensée, leur langage. Le code, ce sont des signes sous les signes, du langage avant, sous le langage, proto, infra, méta, comme on voudra. Une écriture qui précède l’écriture. Sous les claviers qui cliquettent, les doigts virtuoses, jaillissent une algèbre véloce, une grammaire multicolore, de vieilles polices de machine à écrire comme d’avant l’ordinateur, des signes de ponctuation, des caractères spéciaux, une langue vivante qui pourtant ne se parle pas. Une écriture qui succède à toutes les écritures au sens où elle les utilise toutes, les mélange, les combine, lettres, chiffres, tout.
On ne dirait pas comme ça mais le code fait la synthèse, c’est la troisième révolution graphique. Des révolutions, il y en a une tous les deux mille ans à peu près : la première invente l’écriture des langues (en – 3300), la deuxième celle de la monnaie frappée en – 620 (les nombres), et la troisième date de 1936, c’est le code qui traduit les lettres en nombres (même si c’est plus compliqué que ça). Tous les deux mille ans, c’est une scansion anthropologique qui balaie tout sur son passage, accroît la civilisation, la propulse en avant.
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Les écrivains écrivent, les codeurs écrivent. Selon les jours, je les vois jouer un morceau à quatre mains, harmonieux, paisible, ou disputer un match enragé. Je vois le codeur plus inspiré que l’écrivain ne le sera jamais, obsessionnel, rivé à son ouvrage, promis à une nuit de feu perpétuelle qui produira des actions utiles au reste de l’humanité. Je vois l’écrivain accepter que son texte se fasse encoder (sertir dans des chaînes de caractères puis traduire, diviser, subdiviser), que ce qu’il soigne et compose devienne sous les doigts du codeur une sorte de logorrhée, de coulée numérique sans odeur ni saveur ni beauté particulière.
On me trouve naïve, trop sensible aux images, aux clichés des films américains, ce à quoi je réponds, mais c’est vous qui ne les voyez pas ces jeunes hommes qui communiquent avec un puits sans fond, outre-monde, au-delà, dark web, outre-tombe, ou avec Dieu, comme les membres fanatiques d’une yeshiva sans fenêtres (où on ne lirait pas mais où on écrirait) qui chercheraient à refonder les écritures pour verrouiller leur dialogue muet, inverser l’ordre des choses, qui sait, que Dieu fasse enfin ce qu’on lui demande. Deus in machina.
(…)
Les gens du pont ne savent pas ce qui se passe dans la soute quand les soutiers, eux, savent bien ce qui se passe sur le pont, mais les soutiers préfèrent rester dans le noir, faire avancer le bateau et laisser les autres deviser sur le paysage. Mais alors si tout le monde est content, quel est le problème ?
Je suis une femme, j’ai plus de cinquante ans, je suis écrivain et je veux apprendre à coder. Mes proches se moquent de moi, me rappellent que je panique au moindre bug. C’est vrai. j’ai toujours peur que la machine chauffe, implose, s’éteigne, et que dans cette extinction, elle emporte ma mémoire, mes textes, qu’elle me laisse en carafe avec des souvenirs foudroyés. C’est un syndrome récent chez moi, je m’attends toujours à ce que quelque chose explose et, quand je suis en voiture, qu’un choc terrible me percute, même sur une route tranquille. Soudain, l’air, le temps se compressent, avec toute mon existence dedans. En quelques secondes, je visualise mon corps qui s’écrase, s’enroule jusqu’à s’étrangler. Par où commencer ?
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Nous nous apprêtons à déjeuner sur la terrasse de notre ami Pierre, nous sommes une dizaine de convives. C’est un beau jour de juin, ensoleillé, pas trop chaud, un jour qui donne envie de vivre longtemps. Un jour qui ressemble à celui vers lequel s’élance Clarissa, l’héroïne de Virginia Woolf, au début de Mrs Dalloway, avec juste ce qu’il faut de fraîcheur à des enfants sur une plage, comme elle dit.
Dans un coin de la terrasse, j’aperçois le fils de Pierre, Boris. Il est attablé devant un ordinateur, casque sur les oreilles. C’est un garçon vif et affable d’habitude, mais là, il nous sourit à peine, ne nous rejoint pas, ne fait même pas mine de vouloir se lever. Je me demande pourquoi il reste sur la terrasse et ne va pas s’enfermer dans une pièce de la maison s’il a tant à faire, mais peut-être qu’il reste là pour avoir juste ce qu’il lui faut de fraîcheur, comme des des enfants sur une plage.
Son père le dédouane. Il nous explique que Boris vient de se réveiller car il a passé la nuit à coder, il ne déjeunera pas avec nous. D’ailleurs, il ne déjeune jamais ces temps-ci. Il avale des barres de céréales et des pommes toute la journée devant son écran. Son clavier doit être tout collant, s’esclaffe Pierre, je n’arrête pas de lui dire d’aller courir, de bouger, mais que voulez-vous ? Il code il code il code. Pierre dit ça sans ponctuation, avec une pointe de fierté.
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Je révise ma formule, coder coder coder devient coder se tromper coder chercher coder buter coder demander coder trouver
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while True:
print("All work and no play makes Jack a dull boy.")
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Vidéo de Nathalie Azoulai
Rencontre avec Nathalie Azoulai à l'occasion de la parution de Python aux éditions P.O.L.


Nathalie Azoulai est née en région parisienne. École Normale Supérieure et agrégation de lettres. Vit et travaille à Paris. Elle a notamment publié chez P.O.L La fille parfaite (2022), Clic-clac (2019), En découdre (2019), Les spectateurs (2018) et Titus n'aimait pas Bérénice (2015, prix Médicis).
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05/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
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