Au milieu d'une conversation entre Jean-Noël Picq et Alexandre, dans un café, l'amateur d'Offenbach raconte ainsi : "Ah, tu sais, j'ai rencontré Biaggi, tu vois, et il était tout en vert. Veste verte, chemise verte, pantalon vert. Il fumait même des Gauloises vertes. Alors, je lui dis : "ça va ?" Et il me dit : "Comment, 'ça va' ? Tu ne vois pas comment je suis ? Je suis en vert et contre tout." Ben, j'ai trouvé ça pas mal, j'aimerais bien pouvoir le dire, mais tu vois je suis en noir, alors : en noir et contre tout, je ne sais pas si ça va tellement."
Dans les années 60, révolté à l'idée que le plus sadien des livres de Georges Bataille, Le Bleu du ciel, soit introuvable, non réédité, censuré, Eustache prit la décision d'en sortir une toute petite édition pirate, sans doute ronéotypée, qu'il vendait à la sauvette entre les séances de la Cinémathèque.
Eustache choisit de décrire des corps qui, plutôt que d'agir, déclament, déclament pour dire leur inertie, leur impossibilité de choisir, parlent pour épuiser une époque qu'ils méprisent ("merdique", parce qu'elle est fière de se dire sans amour) et s'emparent du postulat de la liberté de parole initié par le mouvement 68 pour tout dire, à commencer par ce qui fait chier 68. Cet écart, signifiant au mieux le dandysme eustachien, il faut le regarder non comme un discours réactionnaire bourgeois mais comme une arrogance. Celle du dernier des prolétaires, qui disait crânement en 1968 à Philippe Garrel : "Quand on n'a pas de quoi bouffer, on ne pense pas au marxisme, on pense à bouffer."
En 1978, Eustache évoquait d'ailleurs ainsi l'évolution de la fréquentation cinématographique : "Je me souviens d'avoir vu Le Journal d'un curé de campagne dans une salle pleine, et une réflexion d'un spectateur m'avait frappé : "ça nous change des films habituels, mais qu'est-ce que c'est bien !" C'est-à-dire, une fois ou deux par an, on pouvait voir un film de Bresson ou Tati, en sachant que cela n'allait pas être Robin des Bois (avec Errol Flynn), mais sans le regretter. Maintenant, ce phénomène a disparu. Le dernier film de Bresson a fait moins de 100 000 entrées. Un condamné à mort s'est échappé avait eu un certain succès public."
La Closerie des Lilas est un ancien relais de poste qui, en 1847, se transforme en guinguette aux tonnelles fleuries (de lilas principalement). Elle contribue à faire la réputation du quartier Montparnasse car elle accueille tout ce que la capitale compte de créateurs, d'artistes, d'intellectuels. Zola y entraîne son ami Cézanne et y retrouve Théophile Gautier accompagné des frères Goncourt. Fin du XIXe, l'endroit devient mythique : sur la terrasse, on croise par exemple Paul Fort en train de jouer aux échecs avec Lénine; les poètes s'y pressent (Apollinaire en tête) et les mardis de La Closerie deviennent le "rendez-vous international de la pensée". En 1922, une dispute éclate entre Tristan Tzara et André Breton et marque la fin du mouvement dadaïste à Paris : le lieu devient alors la scène de séparations et de rencontres inédites. Modigliani, Aragon, Sartre, Eluard, Beckett, Dali, Sagan, Gréco, Gainsbourg et tant d'autres s'y retrouvent, s'y succèdent. Aujourd'hui, à titre d'hommage, "leur" table est ainsi estampillée d'une plaque à leur nom.
Lecture de correspondances autour de la figure de Marie-Antoinette par Isild le Besco, commentées par Antoine de Baecque, professeur à l'Ecole normale supérieure.
Marie-Antoinette, dès son arrivée en France à 14 ans en 1770, suscite un flot ininterrompu de correspondances, souvent les plus contradictoires. S'esquisse ici l'avènement de la célébrité et s'affirme le lien désormais indissoluble entre espace privé, univers public et visions politiques, éléments essentiels d'une nouvelle modernité. Une rencontre explosive à laquelle la comédienne Isild le Besco, et l'historien Antoine de Baecque mêlent leurs voix.
Avec le soutien de la Fondation d'entreprise La Poste.
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