Oliver Bocquet - "
Turpitudes" Pocket, 2010 (ISBN : 978-2266200714)
Acheté vers 18h au kiosque de la Gare du Nord,dévoré, terminé dès 20h.
Désopilant et gravissime. En montrant le choc de la rencontre de plusieurs "mondes" à l'aide de personnages typés ayant tou(te)s eu à subir l'une des catastrophes de notre époque, l'auteur suscite des situations ahurissantes : il y avait bien longtemps que je n'avais autant ri aux larmes en lisant un livre !
Il y a là un maire en droite provenance de la Guerre d'Algérie, une épouse ayant vécu la prostitution de luxe dans la Pologne communiste (oui, oui, ça existait, et comment !), un ingénieur informatique naufragé en prof de math dépassé, son épouse artiste ratée, leur fille affolée, et par-dessus tout, Eliass, jeune paumé un peu délinquant des banlieues, devenu une balle de ping-pong entre ces gens déboussolés, bien plus délinquants que lui !
Dans son exergue, l'auteur dit qu'il cherche à comprendre "comment en est-on arrivé là ?" ; chaque chapitre ou presque commence par le fac-simile d'un entrefilet extrait de la presse locale...
xxxxxxxxxxxxxx relecture en septembre 2020 xxxxxxxxxxxx
Bocquet Olivier – "
Turpitudes" – Michel Lafon Poche, 2020 (ISBN 979-10-224-0373-3) – réédition : première édition chez Pocket en 2010 qui remporte alors le prix "thrillermania".
Ce roman était le tout premier publié par cet auteur en 2010, mais
Olivier Bocquet n'était plus pour autant un débutant, puisqu'il avait déjà derrière lui toute une carrière d'auteur de BD publiées chez Casterman, Dargaud ou Dupuis. de telle sorte que pour un premier roman, ce fut un coup de maître, même s'il passa un peu inaperçu lors de sa première parution.
Le récit s'articule en chapitres faisant entendre diverses voix : la plus réussie, souvent désopilante, restitue le "journal de Rachel Martin-Kuklinski", qui vient de fêter ses dix-sept ans en ce 10 décembre 2003 : très inquiète de n'avir pas encore perdu sa virginité, elle va peu à peu découvrir la vraie vie de ses parents, Robert Martin époux d'Eva Kuklinski.
Le narrateur reprend son statut de personnage omniscient pour nous exposer les heurts et malheurs de ce Robert Martin, maire de Fontainebleau, ancien para d'Algérie, arrondissant copieusement ses fins de mois grâce à divers trafics fort bien gérés par son indéfectible bras droit, Fischer, né en Algérie, soldat sous les ordres
De Robert.
L'épouse de Robert, Eva, mère de Rachel, nous est tout d'abord présentée indirectement par les autres personnages : insatiable bavarde, elle n'entre en scène directement qu'à la page 129, pour un babillage reprenant tous les archétypes de la psychologie "des profondeurs" distillée à longueur de pages par les magazines "féminins" pour salon de coiffure ; elle reprend la parole (pp. 215-223) pour un long soliloque décrivant ses grandes difficultés à "comprendre" sa fille Rachel ; c'est en lisant le journal intime de sa fille Rachel (pp. 265-270) qu'elle découvre la vérité sur son mari, et qu'elle révèle au lecteur sa véritable histoire, dramatique ; sa dernière intervention (pp. 310-314), magistrale, se termine par cette sentence adressée à son mari "tu n'es pas quelqu'un de bien" (p.314).
Faisant contrepoint à cette famille de notable, l'auteur nous présente Catherine et François Chardone : après avoir fait fortune grâce à une "start-up" (pp.31-32) cotée quatre cents millions d'euros, il a brusquement tout perdu au pont d'en être réduit à accepter un poste de petit prof de math dans un lycée (bien entendu, il s'agit de l'établissement fréquenté par Rachel). Catherine, qui ne l'avait épousé que pour son argent, se venge en prenant un amant. Leur fils Frédéric n'est autre que le petit ami platonique de Rachel. le pôvre François se trouve fort démuni lorsqu'il trouve - par hasard – une malette contenant quelques trois cent mille euros...
C'est dans cet imbroglio que débarque – en toute bonne foi, ou presque – le personnage principal, Elias, un de ces "jeunes de banlieue" plus si jeune, qui voulait juste cambrioler la maison du maire, et se retrouve embauché par celui-ci, mais pour des travaux pas vraiment officiels... Ayant personnellement oeuvré douze années dans le 9-3, je trouve ce personnage particulièrement bien rendu, y compris dans son parler.
Le récit comprend divers personnages secondaires, parmi lesquels il convient de mentionner la ville de Fontainebleau elle-même, que l'auteur ravale au rang de bourgade bourgeoise donc aussi pleine de
turpitudes que les principaux personnages...
Le récit est enlevé, sans temps mort, il se lit d'une traite, et se relit sans ennui tant le style est captivant.
Quelques bémols tout de même : vilipender ainsi une ville nommément désignée – que l'auteur avoue ne pas connaître – uniquement parce qu'elle passe une ville de bourgeois repus relève tout de même de la volonté de nuire délibérément, ou à tout le moins d'une collection de préjugés discutables (précision : je n'ai jamais mis les pieds à Fontainebleau). L'auteur aurait pu anonymiser les lieux.
Plus inquiétant : Wikipedia nous apprend qu'
Olivier Bocquet est bel et bien l'un de ces "mâles blancs dominants" aujourd'hui voués aux gémonies par plusieurs franges de la bien-pensance, disposant désormais du pilori médiatique.
Les milices politiques à l'oeuvre vont probablement interdire la diffusion de cet ouvrage, pour d'évidentes raisons, dont deux s'imposent d'emblée : primo, pour le NKVD des "racisés", il va de soi que ce maudit "mâle blanc dominant" n'a pas à mettre en scène un "noir de banlieue", deuxio, pour la STASI féministe, les personnages féminins reflètent la vision patriarcalo-machiste la plus indéfendable.
Les lectrices et lecteurs souhaitant se divertir avec cette prose souvent hilarante doivent donc se dépêcher de l'acquérir avant que ce livre ne soit victime de l'un de ces autodafés tant prisés par les idéologues en tout genre.