L'auteur étant a la fois historien et romancier, pas étonnant que son ouvrage soit a la fois complet, didactique et passionnant a lire. Il nous fait le portrait d'un souverain non seulement pieux -et donc pardonnant facilement a ses ennemis- mais aussi tres bien dans ses baskets car a la fois bon vivant, bon mari, bon pere, bon dans l'action et bon dans la réflexion, ennemi de tous les exces, doué d'humour et montrant une constante volonté d'assurer la paix et la sécurité de ses sujets.
La clé de la pensée de Charlemagne, selon l'auteur, est une foi religieuse sans faille lui dictant une mission au-dela du temporel consistant a civiliser les populations de son empire au-travers l'enseignement du Christ. En ce sens, le regne de Charlemagne fut une théocratie (gouvernement où le titulaire de la souveraineté est divin) éclairée dans laquelle l'empereur s'efforcait de gouverner avant tout en représentant de Dieu et avec l'exigence d'un soutien tres actif des papes et du clergé.
Nonobstant, le regne de Charlemagne eut aussi un coté sombre que l'auteur reconnait sans trop s'y appesantir. On le sait par les chroniqueurs, les massacres commis notamment en Languedoc et sur les territoires saxons n'étaient pas rares et meme parfois ordonnés par Charlemagne en vue de dissuader les révoltes armées et forcer les conversions... L'écrivain suédois
Eyvind Johnson, prix Nobel de littérature 1974, décrit admirablement a sa maniere violemment Charlemagne-phobe cette face sombre du regne dans le roman -
Le Temps de Sa Grace- (1960). Il y aurait aussi probablement un grand roman tragique a écrire sur l'extermination des Avars qui eurent le tort de ne pas s'etre soumis assez vite et peut-etre davantage encore le tort d'avoir accumulé un tres riche butin au cours de leurs razzias pluriséculaires (surtout aux dépens de Byzance) car meme un tres pieux Charlemagne ne pouvait refuser l'opportunité de mettre ainsi l'empire a l'abri du besoin, d'autant qu'il y avait un précédent illustre avec l'empereur Trajan et sa guerre de conquete (mais pas d'extermination) contre les Daces si riches en or.
Quoi qu'il en soit, pour ma part j'ai peine a partager la sympathie sans retenue de
Georges Bordonove pour un souverain qui n'hésitait pas a faire massacrer les prisonniers de guerre et des populations civiles "pour l'exemple" en se donnant bonne conscience de le faire pour l'amour du Christ et qui, des qu'il le pouvait, courait prendre du bon temps dans sa piscine, ses chasses et son harem si peu chrétien d'Aix. Il est vrai que l'Église se préoccupait bien moins alors d'enseigner (et encore moins de pratiquer) l'esprit de tolérance et de paix du Christ que d'asseoir sa domination sur les esprits par le feu et le fer.