L'Épée de Rhiannon est le premier tome du cycle «
le Livre de Mars ». Et rien qu'à vous dire cela, vous devez déjà sentir le sable rouge porté par le vent vous aveugler, entendre les beuglements de montures reptiliennes qui galopent dans le lit de fleuves asséchés et voir des êtres bizarres à quatre bras en armures hurler en se jetant sur vous l'épée à la main. Eh bien dans ce cas vous n'êtes pas éloigné de la réalité.
Leigh Brackett nous offre un roman d'action coloré et exotique catalogué par les taxinomistes du genre « science fantasy ». Matt Carse vit sur Mars, notre voisine qui a connu des éons avant son époque une grande civilisation dont les hommes de la Terre ont découvert les résidus. Archéologue et accessoirement pillard, il n'hésite pas lorsqu'on vient lui vendre la légendaire épée de Rhiannon, et comprend que son interlocuteur connaît la localisation de la tombe oubliée du dieu déchu. Les deux individus se rendent sur les lieux qui regorgent de trésors, mais une bête question de pourcentage va provoquer le drame : le vendeur précipite Matt dans une énorme sphère noire et palpitante, d'où il finit par ressortir… ailleurs ; un ailleurs plus menaçant et attrayant à la fois, situé durant l'âge d'or de Mars, où les collines sont verdoyantes et les mers argentées.
Matt Carse va devoir vite s'adapter pour survivre dans cette époque de conflits entre l'empire de Sark alliés aux inquiétants Dhuviens et les Rois de la Mer. Mais ce qu'il ignore, c'est qu'il a ramené quelque chose avec lui de la sphère noire du tombeau de Rhiannon, quelque chose de précieux et dangereux.
Ce court roman m'a envoûté dès la première page.
Leigh Brackett est capable d'esquisser en quelques phrases un décor exotique très attirant peuplé de races variées. Une approche que ne renierait pas
Jack Vance – j'ai pensé à Tschaï en lisant ce roman - hormis que
Brackett ne s'attarde pas à l'explorer : elle privilégie l'action. Elle a un talent fou pour faire détonner l'action de façon plus efficace qu'un bon film à effet spéciaux.
Les personnages sont adaptés à ce genre de littérature efficace, et suffisamment bien troussés pour les rendre intéressants et attachants : le massif et roublard Boghaz, l'arrogante et fière princesse Ywaine, la troublante Nageuse Shallah aux dons extrasensoriels, et bien sûr Matt Carse, un héros dont l'assurance et l'opiniâtreté m'ont fait penser à Conan mais aussi à Ben Hur (à cause des scènes sur la galère). Il peut lui arriver de flancher devant l'horreur qu'on lui oppose, mais sa rage reprend le dessus et lui permet de trouver des solutions.
La supercherie finale qu'il met d'ailleurs au point est l'élément sur lequel j'ai malgré tout tiqué. Il faut admettre que tout le monde marche dans la combine. Mais si l'on n'y croit pas soi-même, si l'on se dit que c'est tout de même un peu trop tiré par les cheveux, alors cela gâche une partie du plaisir.
Je dois l'avouer, j'avais peur de tomber sur un pulp de qualité moyenne voire médiocre comme il a dû s'en publier beaucoup dans les années 1950. Mais je me suis heureusement trompé.
Leigh Brackett, qui a après tout scénarisé L'Empire Contre-attaque, mérite sa réputation.