J'ai commencé à lire en parallèle La double vie de
Virginia Woolf et
Journal d'un écrivain. J'ai vite compris qu'il me fallait d'abord bénéficier de l'éclairage du premier sur une personnalité et une oeuvre exceptionn
elles.
Deux auteures parlent d'une troisième, leur aînée défunte, devenue si proche tant
Geneviève Brisac et
Agnès Desarthe ont lu et relu des romans, des essais, des lettres, des nouv
elles et le Journal de leur sujette d'études. Ces deux b
elles plumes ont débusqué des textes méconnus et exhumé une correspondance inédite.
Elles jettent plusieurs passer
elles avec le
journal (1918-1941), révèlent la filiation étroite entre les personnages de romans et des personnes existantes. Ces apports résultent de sources multiples, témoin d'un travail approfondi et d'une volonté de tordre le cou à quelques lieux communs.
J'ai pu ainsi identifier et connaître le petit monde de Virginia abondamment évoqué dans son journal. J'ai appris énormément sur la fureur d'écrire d'une femme attachée à faire coexister « les changements incessants et contradictoires de perspective », à l'image peut-être de ses variations d'humeur permanentes.
Surtout, m'est apparu le portrait intime d'une femme fragile et anti-conformiste, dépressive et exaltée, insatisfaite et talentueuse, terriblement attachante. Mieux connaître sa nature va faciliter ma lecture, à pas feutrés, d'une écriture à la fois étourdissante et fascinante. Et je peux aussi m'appuyer sur les explications lumineuses des deux fines plumes au service de l'oeuvre, agrémentées de citations judicieuses.
Ce livre bicéphale chante à l'unisson une passion commune envers un destin singulier, celui d'être une femme indépendante, - pied de nez aux convenances victoriennes moribondes -, inspiratrice du roman moderne.
Mais, ce qui m'a vraiment frappé, c'est ce sentiment bien ancré chez
Virginia Woolf, de n'être que de passage ici-bas, en transit, et donc l'impérieuse nécessité de nourrir constamment des projets, grandioses ou terre-à-terre. Projeter pour ne pas sombrer. Mettre la mort entre parenthèses. Elle connut des hauts et des bas, toujours en quête d'un moi insaisissable, mais était-elle profondément dépressive ?
Geneviève et Agnès relèvent que les trois grandes dépressions de sa vie surviennent toutes à la suite d'un choc. Virginia émergera par deux fois, butera à la troisième, en pleine guerre, persuadée que la barbarie va l'emporter. Elle tourne le dos à un futur opaque, incapable d'écrire si le futur n'existe pas. le drame de sa vie.