AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782207234037
192 pages
Denoël (26/08/1987)
4/5   6 notes
Résumé :
Louis Calaferte

L'incarnation est probablement la plongée la plus vertigineuse jamais entreprise dans ce qu'on entend par la petite enfance. Avec une détermination farouche à tout dire, tout fouiller, tout ramener au jour pour regarder en face, Calaferte s'est immergé dans ce qu'il y a de plus archaïque en l'homme : le corps de l'enfant. Peurs nocturnes, le pipi, le pipi du petit comme protestation, demande d'amour et affirmation de soi, le corps, to... >Voir plus
Que lire après L'incarnationVoir plus
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
-S'il ne faisait pas toujours qu'emmerder le monde, on pourrait manger tranquille !
Elle coupe une tranche de saucisson, qu'elle jette dans mon assiette.
-Allez, mange.
La rondelle est épaisse, ses morceaux de gras à l'aspect de laitance grisâtre inégalement répartis dans la masse compacte de la viande d'un rouge terreux qui me rappelle la cicatrice boursouflée que la femme a récemment eue au-dessus du poignet.
-Et ceux qui emmerdent le monde, voilà ce que j'en fais, moi !
Les yeux à peine levés, je vois le saucisson dans l'une des mains de l'homme, l'autre y tranchant en arrondi d'un coup ferme du couteau, la lame brillante taillant dans ce qui m'apparaît être soudain de la chair sensible souffrant en silence ce supplice dont, frissonnant, je ressens pour moi-même l'horreur, découvrant avec saisissement que l 'homme qui me fait face serait à coup sûr capable de plonger ce couteau, par exemple dans mon cou, qu'il sectionnerait ensuite d'un petit geste serré du poignet comme je viens de le lui voir faire avec ce saucisson dont je comprends alors que la couleur n'est autre que celle du sang séché.
Page 163
Commenter  J’apprécie          131
Le museau ensanglanté d'un point rouge, le cou écrasé par la mince tige d'acier transversale du piège, les quatre pattes au rose pâlissant recroquevillées, la queue pendante, la souris garde un œil ouvert, vrille noire qui a conservé son éclat.
La femme a un réflexe de recul à la découverte, sur une étagère de la cuisine, de ce cadavre qu'elle n'ose toucher.
-Y a une souris crevée ! Viens m'enlever cette saloperie !
En attendant que l'homme se dérange, je reste figé devant cette mort dont je ne comprends pas qu'elle a été provoquée ni exactement de quelle façon, car le minuscule morceau de gruyère embroché sur une pointe recourbée me paraît sans rapport avec l’insondable que représente pour moi cette immobilité de velours gris qui, selon moi, reprendra vie dès qu'on l'aura soustraite à l'assujettissement de cette mécanique barbare, mais que je ne puis imaginer mortelle ; d'autant moins peut-être que dans sa fixité brillante la pastille noire de l’œil conserve une vivacité incompatible avec, pour confuse qu'elle soit, l'idée que j'ai pu me forger de l'anéantissement par la mort.
Page 47
Commenter  J’apprécie          121
Pendant une douloureuse fessée qu'en présence de plusieurs femmes égayées un homme m'inflige après m'avoir déculotté et plié en deux sur son bras, en larmes, me débattant de toutes mes forces, il me semble que j'adoucis la punition en hurlant de sans discontinuer le mot chi qui, ainsi produit sous forme de litanies, évoque en moi l'idée de pousser mes entrailles.
Dans un irrépressible mouvement de répulsion, l'homme me laisse choir sur le sol que je heurte du nez d'où tombent quelques gouttes de sang marbrant sous mes yeux la blancheur grisâtre d'un carrelage.
Encore étourdi, j'entends l'homme scandalisé prendre à témoin les spectatrices autour de lui :
-Ah ! Le petit salaud ! Vous voyez ça ? Il m'a chié dessus !
L'odeur excrémentielle se répand en nappe flottante dont j'ai l'impression qu'elle a le velouté d'un tissus laineux et qu'elle est en même temps celle de mon sang s'égouttant de mes narines.
Page 25
Commenter  J’apprécie          102
Il est donc possible qu'on fasse entrer chez soi des inconnus qui s'y conduisent aussitôt avec autorité, qui peuvent, sans avoir à prononcer une seule parole, nous toucher où bon leur semble, nous soumettre à des contrôles inquiétants, nous déshabiller, procéder sur notre corps à on ne sait quelles manipulations bizarres, nous renfoncer dans notre lit et s'en aller comme si nous n'avions pas plus d'intérêt qu'un objet inanimé.
Page 153
Commenter  J’apprécie          124
-J'ai fait quelque chose pour toi pendant que maman te disputait...
Guidé par la main, je la suivis dans la partie de la chambre considérée comme plus particulièrement réservée à sa mère, où se trouvait la coiffeuse habillée de tissu blanc bouillonné et un fauteuil rembourré auquel elle était sentimentalement attachée, protégé par un grand châle de cachemire que, avec un air assuré, la petite souleva, révélant un tas d'excréments frais qui en occupait le centre, sa tapisserie de vieux velours doré déjà largement maculée.
Ma stupéfaction me laissa muet ; et c'est un peu comme en rêve que m'atteignit la voix de cette enfant au visage soudain auréolé d'une espèce d'ivresse sombre :
-C'est parce que je t'aime !
Page 146
Commenter  J’apprécie          61

Videos de Louis Calaferte (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Louis Calaferte
Virginie Despentes accompagnée par le groupe Zëro : Éric Aldea (guitare), Ivan Chiossone (claviers), Frank Laurino (batterie) Son : Wilo
Depuis Baise-moi en 1994, Virginie Despentes s'est imposée comme une écrivaine majeure avec notamment Les Jolies Choses (prix Flore 1998), Teen Spirit, Apocalypse bébé (prix Renaudot 2010) ou encore son essai King Kong Théorie. C'est qu'il y a chez elle une énergie d'écriture salutaire et sans concession, mais aussi une intelligence rare. L'acuité de son regard sur le monde contemporain (tantôt hilarant, tantôt glaçant de vérité), on la retrouve dans la « série » Vernon Subutex, fresque incroyable en trois tomes. Personne n'échappe à Virginie Despentes et, en même temps, elle sait très bien qu'il est jouissif de canarder à tous crins. Elle s'efforce donc de prendre à bras-le-corps, et d'aimer aussi, cette galerie de personnages ultramodernes qu'elle met en scène.
Ce soir elle vient accompagnée du groupe de rock Zëro pour payer une dette littéraire : celle qu'elle doit au mythique Requiem des innocents de Louis Calaferte.
À lire – Virginie Despentes, Vernon Subutex 3, Grasset, 2020. À écouter – Zëro, « Requiem des Innocents » (avec Virginie Despentes), 2LP Ici d'Ailleurs, 2020.
+ Lire la suite
autres livres classés : sexualitéVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (13) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3664 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}