C'est une très belle histoire, comme sait les raconter
Carole Martinez. Au début, on se demande pourquoi elle fait intervenir l'âme de la petite fille et l'âme qui erre depuis longtemps. Leurs deux récits alternent, la vieille âme complétant les dires de la fillette, ce qui peut dérouter au début du récit mais nous réservera une bien belle surprise…
Cette petite Blanche est émouvante par la force de caractère qui se cache derrière le petit corps frêle. Sa fascination pour la lecture, l'écriture la conduit à invoquer un prétexte pour que son père, le beau seigneur, tombeur de ces dames la laisse apprendre. Mais peine perdue, une fille, cela ne peut servir qu'à se marier et avoir des enfants. Elle mène donc une vie triste à côté des bâtardes qui semblent être mieux loties qu'elle, la fille légitime.
Sa mère est morte et les circonstances de sa naissance sont particulières, il y a des secrets. Pour ses douze ans, son père lui fait faire de beaux habits et elle part avec lui, accompagnée d'une escorte de soudards, dont l'un, Bouc ne songe qu'à trousser les petites filles, voire les tuer. Sa monture est trop grande pour elle, elle fait tant de chutes que son habit est plein de terre.
On l'emmène ainsi chez son futur fiancé Aymon, un bel enfant un peu simplet et c'est dans sa famille que l'on fera son éducation. Elle pourra enfin apprendre à lire et à écrire toutes les lettres de son nom qu'elle pourra ainsi broder.
Carole Martinez sait parler des femmes, de cette époque, de la dureté de leur vie, de leur prison, voire emprisonnement, mais avec des instants de grâce au milieu de la sauvagerie, sur cette terre qui penche.
Elle décrit si bien la pureté des liens qui se tissent entre Blanche et son promis, alors qu'ils galopent tous les deux, accrochés à ce beau cheval qui est aussi un personnage du livre. Elle nous parle de liberté, de l'enfant qui devient adulte, tout au long d'un récit initiatique.
Elle nous raconte la rivière, la Loue qui peut être calme et douce comme une mère, sensuelle dans ses caresses comme une femme et se transformer en furie, tuant sur son passage, s'en prenant même au petit poisson qui nage si bien…
Elle nous berce avec des chansons dont la tradition orale remonte à si longtemps : « La belle si tu voulais, nous dormirions ensemble, Dans un grand lit carré, tendu de toiles blanches, Aux quatre coins du lit, un bouquet de pervenches…
L'écriture est très belle. L'auteure sait si bien raconter, il s'agit d'un long poème en prose, dont le rythme devient de plus en plus dense, de plus en plus riche. Cela commence comme la petite musique de nuit, pour se continuer sur le mode du Boléro de Ravel…
La langue de
Carole Martinez est belle, chaque mot en est pesé, choisi, ciselé et elle décrit si bien l'importance de l'écriture pour cette petite fille.
La poésie, l'histoire, la magie, les fantômes, tout dans ce beau roman nous permet de voyager quelques siècles en arrière, où la vie n'était pas forcément plus belle qu'aujourd'hui, les humains sont tellement doués pour inventer des châtiments au nom de Dieu, des joutes, et autres maltraitances…
J'ai beaucoup aimé «
du Domaine des Murmures », et je retrouve la magie, même si la lecture est différente, car il est plus difficile d'entrer dans l'histoire….
Donc, un autre coup de coeur…
Note : 9/10
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