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EAN : 9782259306324
336 pages
Plon (03/02/2022)
4.36/5   85 notes
Résumé :
"Guetter la forêt déserte chaque matin. Et le ciel qui passe du bleu délavé au rose lavande. L'âme qui s'apaise. Avoir l'enfant contre mon ventre et ne plus penser à rien. Oublier les murs gris".

On pense toujours que ça n'arrive qu'aux autres. Mais tout peut basculer en une fraction de seconde. Un jour c'est le bonheur parfait et le lendemain tout s'écroule. Le cauchemar. Le vide. Le silence.
Marianne était heureuse avec son mari David, une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (61) Voir plus Ajouter une critique
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Enfermée pour une raison qu'elle nie, la narratrice découvre l'univers désespérant de la prison, la saleté, les cohabitions incontournables, la violence, la solitude. Puis brutalement, elle se rend compte qu'elle est enceinte. L'angoisse se mêle à l'espoir et modifie sa perception de l'enfermement, provisoire mais dans une attente interminable du procès.

La méfiance est de règle dans cet univers sans pitié mais l'amitié peut aussi devenir une valeur sûre. Ses compagnes d'infortune sont là pour l'initier, lui apprendre la prudence et la soutenir dans son parcours.

Ce roman met l'accent sur le vécu carcéral, et particulièrement la situation des femmes enceintes, qui bénéficient pour quelques semaines de conditions privilégiées. Mais l'amélioration du bien-être est aussi un compte à rebours terrible, jusqu'à la séparation inévitable de la mère et de l'enfant au bout de dix huit mois.

Marianne ne bénéficie pas de soutien familial ou amical, mais la correspondance assidue avec Adrien, fait évoluer les échanges épistolaires en lien solide, un relais éventuel pour confier son enfant.


Illustration du drame que peuvent vivre les détenues, sans préjuger de la cause de leur incarcération, le roman met en avant la douleur de la séparation inéluctable.

Premier roman émouvant.

336 pages Plon 3 février 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ma fille, née derrière les barreaux

Laurie Cohen raconte le combat d'une femme incarcérée pour meurtre alors qu'elle est enceinte. Une plongée dans l'univers carcéral accompagnée d'une touchante histoire d'amour, mais aussi un cri de révolte. Fort émouvant.

«Je m'appelle Marianne. Je suis née dans une petite région lointaine de l'Ouest américain, mais j'ai grandi dans une ferme aux alentours de Vichy, et finalement j'ai été mutée à Paris, et comme je ne supporte pas la ville, j'ai pris une maison à Gif-sur-Yvette. Mes parents adoraient la campagne française. Ils sont morts tous les deux. D'un accident de voiture.» C'est depuis sa cellule de prison que Marianne adresse cette lettre à un inconnu. La jeune femme qui vient d'être incarcérée clame son innocence, mais personne ne l'écoute. Elle doit désormais s'adapter au milieu carcéral et à ses codétenues, «une rousse et une Black aux cheveux frisés et une petite métisse avec un air enfantin.» Entre indifférence, sororité et animosité, elle cherche ses marques. Avant de s'effondrer, victime d'un malaise. le médecin va alors lui annoncer qu'elle est enceinte et qu'elle peut choisir de garder l'enfant, mais qu'il lui sera retiré au bout de 18 mois. Oubliant cette terrible échéance, elle entend conserver cette graine infime qui répand la vie dans son corps, ce coeur qui doucement se met à battre. «J'aime l'inventer. L'imaginer. Chaque jour, il grandit, évolue, se forme. Envie de croire que l'univers m'a donné ce bébé pour trouver la paix. Qu'il me l'a offert pour me rendre plus sereine, me donner la force de me battre. Tout recommencer.» Si l'on oublie une bagarre avec une codétenue qui voulait la rouer de coups et lui faire perdre le fruit de ses entrailles, c'est assez sereinement qu'elle a attendu l'échéance, entre les promenades, les soins, l'atelier et la bibliothèque où elle peut emprunter des ouvrages de puériculture, mais aussi Gatsby le Magnifique ou le joueur d'échecs de Stefan Zweig.
Transférée dans le quartier des mères, elle va donner naissance à une petite fille. «Je vois ses petits yeux cobalt et ses mains minuscules. Elle gémit doucement. J'ai tout oublié. le personnel. La prison. Ma vie de merde. Il n'y a plus qu'elle. Ce petit bout d'amour. Je glisse à son oreille :
— Je suis là, mon coeur, c'est maman.
Et sa main attrape mon pouce.»
Avec beaucoup de sensibilité et un sens aigu de la formule – La prison est un dédale existentiel. La sérénade de la condition humaine – Laurie Cohen raconte le quotidien de la mère incarcérée. Entre la peur de ne plus voir sa fille, l'insoutenable attente du procès et le dossier de demande de sortie avec bracelet électronique, on est saisi par le manque d'humanité d'une justice qui par définition est aveugle. Un premier roman parfaitement maîtrisé et qui, sans jamais tomber dans le pathos, souligne les lacunes d'un système, voire ses contradictions.


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Ce roman débute un matin de mai, avec le placement de Marianne en détention provisoire. Son choc se ressent dans la brièveté des phrases, qui ne contiennent, parfois, pas de verbe. L'univers carcéral lui est étranger. Elle encourt douze ans d'emprisonnement, mais elle clame son innocence. Alors qu'elle raconte son arrivée, des mots s'insèrent dans ce descriptif, des mots qui viennent taper son coeur, ce sont des réminiscences. Elle vivait heureuse avec son époux. David est mort et Marianne est emprisonnée. Pourtant, elle ne pense qu'à lui et elle le pleure.


Peu de temps après son incarcération, elle fait un malaise. Une prise de sang révèle qu'elle est enceinte de sept semaines. Elle n'a que quelques minutes pour répondre à cette question : « veut-elle garder l'enfant ? » Malgré sa peur, elle décide de mener sa grossesse à terme, de devenir maman. Comme l'autorise la loi, son bébé pourra rester avec elle jusqu'à ses dix-huit mois. Ce petit être innocent sera emprisonné, grandira et s'éveillera auprès d'elle, puis sera séparé de son seul repère.


Marianne s'inscrit à un programme de correspondance. En réponse à la lettre qu'elle envoie à un inconnu, elle reçoit un courrier d'un jeune homme : Adrien. Il devient sa fenêtre sur l'extérieur. Elle, elle lui confie les difficultés de la vie en détention.


Alors que Marianne attend son procès, elle ne parle qu'à mots couverts des accusations portées contre elle. Nous ne connaissons ces dernières que dans la dernière partie du roman. Malgré notre impatience, Marianne ne lâche que des bribes. Nous avons envie de croire à son innocence, car nous nous attachons à elle. J'admirais sa force, car je sentais qu'elle n'était pas armée pour le monde carcéral. Au fil du temps, elle livre des éléments sur ses actes et le mystère s'épaissit.


J'ai été bouleversée par la sensibilité avec laquelle Laurie Cohen dépeint la maternité en prison. J'ai été émue aux larmes, par les sentiments de Marianne au sujet de la séparation future d'avec son bébé. J'ai pleuré en lisant ses inquiétudes de maman. J'ai été très touchée par ses mots au sujet de l'amour maternel, qu'il soit en liberté ou en enfermement. L'auteure montre que le lien filial est universel, qu'avant d'être des inculpées, les femmes qui accouchent en prison sont des mères. Les angoisses, quand le petit est malade, le besoin de vérifier qu'il respire, les inquiétudes au sujet de son avenir, etc. tous les parents connaissent. L'auteure interpelle, également, sur le handicap pour un enfant d'être privé de l'extérieur et de vie sociale. J'ai été meurtrie par les passages au sujet des déchirements des mamans, quand leur enfant doit les quitter. Les émotions sont si bien rendues, qu'elles percutent le coeur. J'ai, plusieurs fois, éclaté en sanglots.


L'histoire de Marianne m'a poignardé le coeur, j'ai été émue par la maman et par la femme, j'ai été ébranlée par sa vie passée et par sa nouvelle existence, derrière les barreaux. Enfin, j'ai été troublée par les chefs d'accusation. Hors des murs est un immense coup de coeur.


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BRUT & POIGNANT...

Car il suffit d'une fraction de seconde pour que tout bascule. Marianne menait une vie tranquille avec son mari David, et elle est désormais enfermée dans une cellule sombre. Tout s'est écroulé, elle est devenue une assistée et ne peut plus décider de rien. Elle, qui a toujours clamé son innocence, attend que son jugement arrive enfin.
Un jour, elle découvre qu'elle est enceinte. de sept semaines déjà... Mais que faire? Épargner à ce bébé qui n'a rien demandé un début de vie entre quatre murs? Garder cet enfant qui est aussi celui de l'homme qu'elle aimait mais qui n'est plus?

Ce roman nous propose une immersion très juste et réussie dans le quotidien d'une prison pour femmes. On plonge au coeur d'un univers sans pitié et d'une grande violence. On se met à la place de Marianne..
Perdre la notion du temps, avec ces secondes qui de muent en éternité.
Tenter d'échapper à la folie alors que ses compagnons de cellule se tailladent les veines.
Vivre dans une cellule sombre, ne plus voir le ciel.
Perdre toute maîtrise de son quotidien entre ces murs qui oppressent, qu'on rêve d'abattre pour dégager l'horizon.

J'ai adoré devoir patienter une bonne partie du roman afin de découvrir le drame qui a propulsé Marianne entre ses murs... Innocence, ou culpabilité? Ce sera à vous d'en juger.
J'ai adoré m'immerger dans cette prison, dans l'unité mère enfant, c'est un sujet follement intéressant que je n'avais jamais lu.
Comment porter la vie alors qu'on est qu'un numéro d'écrou, alors qu'autour de soi certains tentent de se donner la mort? Alors que la séparation avec cet enfant est inéluctable?

Heureusement qu'il y a cette correspondance avec Adrien. Un inconnu qui se mue en ange gardien, une onde de délicatesse dans ce milieu de brutes.
Car face à la violence, un être qui grandit... Et surtout, face à la violence, un amour maternel qui surpasse tout.

Un premier roman très réussi, d'une grande justesse. Porté par un style brut et sans fiorifiures...
Je recommande !

Alors, tenté.e.s? 😇


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C'est un livre d'une puissance extrême, de ceux qui nous flanquent à terre par la justesse des mots et la sensibilité de la plume de l'auteure. Elle s'appelle Laurie Cohen, c'est son premier roman et c'est un récit magnifique, émouvant, bouleversant. On ne ressort pas indemne de cette histoire qui nous prend au plus profond des tripes.

Marianne est heureuse, une vie simple dans une maison en bordure de forêt, un mari qu'elle aime, un bonheur sans nuage dans le calme et la nature, mais un jour tout bascule, elle se retrouve en prison, accusée de meurtre. Quand elle franchit les hauts murs de l'établissement pénitentiaire elle ne sait pas qu'elle emprunte les premières marches de la descente aux enfers.

Dès les premières lignes, on sent tout de suite le poids de l'emprisonnement, la privation de liberté et la perte d'identité. Marianne devient un numéro d'écrou. Les mots de l'auteure sont si percutants que le lecteur se retrouve incarcéré lui aussi, dans cet endroit sale et insalubre, rythmé par le cri des détenus et par le bruit des portes que l'on ouvre et ferme.

J'ose à peine respirer en tournant les pages, dévastée par le malheur de cette jeune femme à laquelle je m'identifie, révoltée par les conditions de détention inhumaines. Comment va t'elle pouvoir survivre dans ce chaos ? Elle est seule et n'a plus personne dehors, qui va l'aider à surmonter l'enfermement ? quand va-t-elle être jugée ? Pourquoi c'est si long ? les questions trottent dans ma tête et j'ai tout de suite envie de protéger ce personnage auquel je suis déjà attachée.

On a cette sensation de noirceur, de froid et d'humidité, un inconfort terrible, on sent le danger qui guette à chaque geste, on suffoquerait presque, je suis en apnée jusqu'à cette petite lueur d'espoir qui arrive, Marianne est enceinte. Elle va devoir décider si elle garde ou non son bébé en pensant tout de suite qu'elle va lui offrir les murs d'une prison pour les débuts de sa vie et qu'elle ne pourra pas le garder avec elle plus de dix huit mois, il devra être placé dans une famille d'accueil en attendant qu'elle purge sa peine.

Marianne décide de garder son enfant et c'est ce bébé qui va lui donner la force de se battre, elle a désormais une raison de vivre. Elle s'est fait des amies aussi, des accidentées de la vie, ce ne sont pas de mauvaises filles, elles ont fait de mauvais choix, personne ne leur a tendu la main quand elles en avaient besoin, elles attendent comme Marianne d'être jugées. Avoir des personnes avec qui ont peut parler et partager c'est un luxe quand on est enfermé, ça aide à tenir. Puis il y a Adrien avec qui elle correspond. Une belle amitié se dessine, ils apprennent à se connaître. Marianne n'est plus seule, il y a quelqu'un à l'extérieur des murs et il y a cette petite vie qui grandit en elle.

Quand elle rejoint le quartier des mamans c'est un tout autre décor qui s'offre à elle. C'est propre, c'est gai, c'est coloré, presque luxueux. Un semblant de liberté, tout est fait pour que les bébés ne se sentent pas enfermés. Il y a même une petite cour appelée jardin avec une aire de jeux pour enfants, un bac à sable. Fini le bruit des portes qui se ferment, des surveillants qui crient. Ici les détenues vont et viennent à leur gré, ça sent le talc, la fleur d'oranger, les fraises tagada, le chocolat fondu. Sa cellule fait 15 m2, elle y est seule, il y a un berceau garni d'un mobile coloré, une commode qui fait office de table à langer, un bureau, un coin toilette, un téléviseur, un frigo miniature, une bouilloire, et surtout, une fenêtre sans barreaux qui s'ouvre en oscillo-battant. Marianne peut sentir l'air du dehors sur son visage. le changement est radical, c'est presque une petite liberté et la lectrice que je suis respire. Même si ce n'est qu'une parenthèse, c'est un peu de bonheur qui arrive.

Je n'en dirais pas plus, ça serait trop raconter et j'aimerais vous laisser découvrir la suite du récit qui est peut-être encore plus bouleversante. Parce qu'il y a de l'espoir, de l'amour, l'attachement d'une maman pour son enfant. Parce qu'il y a de merveilleux mots doux, des déchirements et une horrible sensation d'injustice. Parce qu'il y a de la colère et de l'impuissance. Par moments je pose le livre et j'ai envie de crier ! toutes les émotions sont là, elles se mélangent et nous chamboulent.

Ce livre est magistral, il prend possession de nous jusqu'au bout, on ne le lit pas, on le vit, c'est une sensation étrange. Cette lecture est un EnOrme coup de coeur, un livre que je ne risque pas d'oublier. Je lui souhaite de toucher des millions de lecteurs parce qu'il le mérite. Bravo à l'auteure pour cette maîtrise des mots, pour cette fluidité dans l'écriture, pour sa sensibilité, son humilité. Je n'ai qu'une chose à dire : LISEZ LE !
Lien : https://jaimelivresblog.word..
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
Je m'assois de nouveau sur mon lit et la fixe, tétanisée. Je réalise la responsabilité qui m'engage désormais vis-à-vis de ce petit être. Ma responsabilité de l’accompagner à chaque étape au fil des mois et des années, de prendre soin d'elle, sans l’étouffer, ni l’oublier. Les premiers mois sont les plus sensibles. Ses organes, son corps. Tout est fragile, infime.
Vais-je être à la hauteur?
Vivre en permanence dans l'angoisse? p. 175
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(Les premières pages du livre)
Quand j’ai traversé la cour de la maison d’arrêt, j’ai guetté le ciel. Ce trou de bleu entre les murs de pierre. Les barbelés tordus. Le silence. Le vent. Une brise légère qui faisait clapoter les tee-shirts suspendus à quelques fenêtres brisées. Les silhouettes perdues, derrière les barreaux, qui déambulaient, me dévisageaient. Un matin de mai. Le soleil sur mes joues. Comme pour la dernière fois.

Des barbelés militaires à lames, partout. Ça me rappelait les champs interminables et les vaches immobiles dans la brume.

Et puis, j’ai traversé ce long couloir. On m’a ordonné de me déshabiller. On m’a fouillée intégralement. De la tête aux pieds. Nue. Une femme en uniforme. Froide. Distante. Un robot. L’humiliation profonde.

La surveillante m’a demandé de lui donner mes affaires une par une pour les palper. Elle a même inspecté le fond de mes chaussures et m’a dit d’ébouriffer mes cheveux.

Ses questions banales, sans doute pour me mettre à l’aise, auxquelles j’étais incapable de répondre.

À la fin, on m’a octroyé des vêtements abandonnés, repêchés au Secours catholique. Je me sens désormais comme étrangère à moi-même.

On m’a installée dans une geôle de trois mètres carrés, à côté du greffe. J’attends. Je ne peux pas m’asseoir. J’ai les jambes molles. Ils vérifient mon titre de détention. Bientôt, on va m’attribuer un numéro d’écrou.

Détention provisoire. Un mandat de dépôt d’un an. C’est ce qui est écrit sur ma fiche. Pourtant, selon mon avocat, je pourrais écoper de douze. Douze ans alors que je suis innocente.

Les conversations alentour se brouillent. J’ai la nausée. Silhouettes nébuleuses. Coupée du monde. Je n’existe plus. Je vais me fondre à l’entité d’un groupe. Adhérer, obéir, suivre. Une énorme fourmilière. À l’abri de tous les regards.

L’agent du greffe relève mon identité : nom, prénom, date de naissance. Son collègue rédige la fiche. Un numéro d’écrou par ordre d’arrivée : 392 657. Je déteste le 7. Ils enregistrent la date et l’heure de l’écrou. Je tends mon index gauche. Une empreinte. La mémoire d’un ordinateur. Mon nom figure désormais dans le grand registre à côté du greffe. On vérifie tout : durée des mandats, fin des peines, demandes de mises en liberté…

Il faut renoncer à toutes ses affaires. Noter cinq numéros et oublier l’existence de son téléphone portable. Et se séparer de l’écharpe bleue à carreaux de Charlène, de la montre de Mathilde, du collier d’Olivier.

En échange, on me remet un euro pour appeler mon avocat, un imprimé de demande d’accès au téléphone, et un bon de cantine pour acheter quelques aliments, magazines et produits d’hygiène au sein de l’établissement.

Je répète constamment :

— Je suis innocente !

Mais on ignore mes mots.

On me demande plutôt si j’ai un régime alimentaire. Ça me rappelle quand on prend l’avion.

Dans ma notice individuelle, le magistrat ne prescrit aucun examen psychiatrique ou médical d’urgence.

Visite à l’infirmerie. Une prise de sang. Cinq tubes remplis et étiquetés.

L’odeur de la Javel afflue à mes narines. Quelqu’un a gratté le sol pour effacer les traces de saleté. Bientôt, je rejoindrai ma cellule.

Envie de fumer une clope. Embraser le bâtonnet blanc. Me poser devant une fenêtre un jour de pluie. Regarder l’eau qui décampe dans les rigoles et s’engouffre dans le fond des bouches d’égout. La pluie qui ruisselle sur les trottoirs, purge le ciel et le bitume. De temps en temps, les halos des phares qui balayent les routes et rasent les flaques d’eau. Le silence. Ça m’apaise.

Je ne sais plus pourquoi je suis là. Mal au cœur. La nausée. Oublier. Le clic de la gâchette. La balle qui perfore férocement son corps. Le sang opaque qui ruisselle dans la boue. Je cours. Sans m’arrêter. Du sang partout. Se souvenir.

J’aimerais revenir en arrière. Effleurer sa joue. L’embrasser. Mordre ses lèvres avec avidité. Humer longuement son odeur. Poser ma tête sur sa poitrine pour écouter battre son cœur. Qu’il me serre fort. À m’étouffer. Ses doigts entre mes cheveux. Un réflexe.

Je voudrais lui dire de me prendre. Sentir son corps et ce tressaillement inépuisable. Une marée bouillonnante.

J’attends de rejoindre ma cellule. Je ne sais pas combien de temps je vais passer ici. On m’a dit un an de provisoire avec prolongations possibles.

Mon avocat garantit que, dans ce genre de cas, le procès se fait souvent après deux ans.
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On a enfermé mon corps, mais pas ma pensée. Qui vagabonde, inépuisable.

Envie de hurler mon innocence au monde entier.

On ne peut pas sortir comme on veut. Alors, on attend les heures de sortie.

Parfois, on rêve de retourner en cellule, pour s’isoler, et rêver. Ne plus se confronter au regard, à la vie des autres, à l’image des murs immenses et des barbelés. La cellule devient une échappatoire.

On effectue une promenade quotidienne d’une heure à l’air libre. On en profite pour avaler plusieurs litres d’oxygène, étudier le moindre centimètre carré du ciel, les nuages, l’herbe et les quelques arbres alentour.

Des micros, des haut-parleurs, des écrans et des caméras qui vont de droite à gauche et de haut en bas encerclent la cour goudronnée. Pourtant, la tension est tellement palpable par moments qu’on peut assister à de nombreuses scènes de violence.

Alors, il faut fuir, se mettre à l’écart et rester impassible.

Quand je les regarde, j’ai l’impression d’être au milieu d’une cage de fauves. Pendant les heures de promenade, tout devient permis.

Menaces, violences, trafics de stupéfiants, jets de projectiles, racket. L’explosion de toutes les frustrations.

On est toujours en attente, comme dans un village isolé en haute montagne, du petit événement qui troublera la journée.

Toujours le lever du soleil, le crépuscule et une nouvelle routine, mais pas d’avenir.

Pas d’objectif. La seule chose qui compte, c’est tenir. Survivre.

La tempête. L’orage. Ses chaussures pleines de boue. Et les coups de feu.

J’aimerais m’envoler. Transportée. Légère. Abandonner. Oublier.

Je sais qu’autour de la prison, un peu plus loin, on peut sillonner de profondes vallées, des champs, des prairies parsemées de boutons d’or, de marguerites.

Là-bas, des perdrix construisent des nids, des faons courent entre les chênes, des canards dérivent sur les lacs, des libellules vrombissent entre les roseaux, et des écureuils se cachent dans l’écorce des arbres.

Les herbes poussent dans le sens qu’elles désirent. L’eau peut creuser des trous.

Ici, le gazon est taillé parfaitement, aussi droit que les murs qui ornent son périmètre.
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La fouille. Les portes en métal qui claquent. Le bruit des trousseaux. Un environnement déjà trop familier auquel je ne prête plus attention.
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D’autres regardent inlassablement de vieilles photographies en noir et blanc. À force de les fixer, ils se souviennent des nuances. Puis l’image s’anime au fond de leur rétine. Ils retrouvent les crissements des roues sur les rails, le vent dans les arbres, sur les blés dans les champs immenses et dorés, l’écoulement régulier de la fontaine, les pas dans la boue, le café corsé que le barman jette dans le percolateur qui écrase le grain en petite poudre, infime.
 
C’est la seule chose qu’on ne peut pas nous prendre. La pensée. Les images nous appartiennent. On dit que même ceux qui sont victimes de maladies dégénératives oublient d’abord les souvenirs récents. La mémoire retient les plus précieux.
 
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