Je viens de relire ce splendide recueil de nouvelles, et je suis ravi de l'occasion qui m'est donnée de mettre un peu en avant un auteur de l'imaginaire beaucoup trop méconnu.
Richard Cowper est le pseudonyme de John Middleton Murry Jr, ce qui, j'imagine, n'éclaire pas votre lanterne. Cet Anglais n'a pas écrit beaucoup – les quelques romans et recueils de nouvelles ont été publiés en France chez Denoël, collection Présence du Futur, et n'ont pas été réédités par Folio qui a repris le fond de PdF, shame ! On ne peut donc plus le trouver que d'occasion (argh !).
Les récits de
Cowper sont à la lisière de la fantasy et de la science-fiction. Ils mettent toujours en scène des personnages emprunts de zénitude, qui ne maîtrisent pas les évènements mais en absorbent le choc avec grâce et poésie. Poésie, imagination : les maîtres mots de son oeuvre. J'en frémis encore.
«
Les Gardiens » contient quatre nouvelles, certaines très bonnes, d'autres excellentes. Il date de 1976.
La nouvelle éponyme nous fait découvrir le secret d'un monastère de Provence que l'on se passe d'initié en initié : la connaissance de l'avenir. Mais un jour l'initié en titre ne voit plus rien, et voilà que la situation internationale se tend. Une fin de l'humanité sous les bombes bien dans le ton de l'époque, magnifique et terrible.
« La plage du paradis » tourne autour d'une mort suspecte et d'un tableau qui emploie une technologie moderne pour en accroître l'impression de réalité. Étonnant.
« le manuscrit Hertford » constitue une suite des mésaventures du héros de «
La machine à explorer le temps » de
H.G. Wells. On est un peu dans le même esprit que «
le grand livre » de
Connie Willis, mais
Cowper ira au bout de la tragédie ici.
Mais le principal intérêt du recueil demeure dans « le chant aux portes de l'aurore ». Cette nouvelle utilise l'idée de l'histoire cyclique – un peu dans l'esprit de «
Un cantique pour Leibowitz » de
Walter M. Miller. Notre civilisation a été anéantie par le Feu (une guerre nucléaire j'imagine) puis l'Inondation (réchauffement climatique, déjà en 1976). Mille ans plus tard, on retrouve une Angleterre médiévale très semblable à notre Moyen-Age. L'Église y règne en maîtresse, mais de nouveaux miracles et des prophéties parlant de l'Oiseau Blanc font leur apparition. Et l'on assiste au prêche particulier, à base de musique, et à la Passion de l'un des premiers prophètes, le jeune Tom.
Cette nouvelle eut tant de succès que
Richard Cowper enchaina avec la trilogie de Corlay, ou de « l'Oiseau Blanc de la Fraternité ». Je ne résisterai pas longtemps à l'appel de la relecture de ce cycle qui m'avait profondément touché.