C'est l'histoire de
Jean-Marie, qui en 1952 - année de parution de
la pelouse - se la coule douce à Juan-Les-Pins où il a contracté ses habitudes à la plage : Il y a sa place, son parasol, son ombre, son sable et son transat. Il attend sans optimisme l'arrivée de Denise, sa copine depuis 6 ans car le bilan de leur liaison est inexistant. L'image d'Ivanohé de
Jean-Marie s'est effritée dans la vie quotidienne lorsqu'il a eu un lumbago, mis ses pantoufles et repris trois fois de la blanquette de veau.
Aussi, lorsqu'il rencontre fortuitement Marjorie, une jeune anglaise rouge comme un homard en vacances sur la côte, Ivanohé est touché par la grâce d'un amour fou, inconditionnel, et se transforme instantanément en roi des pigeons. Sans rien savoir d'elle, ni avoir consommé charnellement cette dévorante passion, le naïf s'envole pour la ville où les habitants naissent avec un parapluie à la main : Edimbourg. L'intrigue est simple sur le thème de la garce manipulant un homme crédule ; la résolution de l'énigme est due à un policier anglais qui phosphore et constate sur un tableau noir où sont notés des numéros de téléphone, l'absence de celui de
Jean-Marie. On n'est pas franchement dans la géolocalisation, le recueil d'indices, ni même l'enquête de voisinage, et dans les années 50, l'adn, on s'en fiche... La description d'Edimbourg, bien que réalisée à grands traits, donne une idée juste de la capitale écossaise.
En dépit de ces faiblesses constatées affectueusement 70 ans après la sortie du roman, j'ai retrouvé
Frédéric Dard avec un très vif plaisir. On sent les mots dégoulinant de ses doigts sans effort et son cerveau en perpétuelle ébullition ; il a le sens du mot juste et de la métaphore marrante et malgré l'apparente facilité de ce que certains sachants-condescendants ne considèrent pas comme de la vraie littérature, on sent une maîtrise irréprochable de la langue, de la syntaxe et du vocabulaire qui lui permettent de jouer avec tous leurs codes pour mieux les dynamiter.
Frédéric Dard n'écrit pas des histoires ; les histoires jaillissent de
Frédéric Dard. L'intrigue avance à un rythme de rouleau compresseur, écrabouillant les nuances psychologiques, les détails des circonstances sans négliger quelques charmantes invraisemblances. L'épilogue est enrubanné d'un magnifique fil blanc. Mais quelle importance ! Lovely day !