En préambule, précisons que, grâce à lecteurs.com et aux éditions Rivages, c'est mon premier contact avec le commissaire Ricciardi, séduisant trentenaire affligé d'une infirmité assez étrange et un peu déconcertante, les habitués de la série me pardonneront, consistant à percevoir la dernière pensée des disparus de mort violente.
Passons rapidement sur l'intrigue, déjà résumée abondamment et très correctement, en notant que le dénouement m'a semblé un peu tiré par les cheveux (ceux qui ont lu le roman comprendront cette allusion, les autres la découvriront).
L'intérêt de cette lecture me semble ailleurs :
La description soignée de Naples en 1932, un monde aujourd'hui disparu où « les enfants s'arrêtaient bouche bée devant des perroquets empaillés et des trains à échelle réduite » lors de la rituelle promenade du Jeudi Saint.
Des gens simples, droits, fidèles en amitié, comme le chien du docteur, et courageux comme les modestes qu'ils sont.
Un commissaire dont « la souffrance des autres devenait la sienne…sa malédiction : l'impossibilité de se renfermer dans ce cocon d'égoïsme que tous recevaient à la naissance en cadeau de bienvenue » et « se répétant que l'origine de chaque crime se trouvait dans deux passions primaires : la faim et l'amour », faisant du mieux possible son travail pour rendre justice aux victimes et, comme la plupart de ses confrères de fiction contemporains ou pas, confronté à l'arrivisme cynique de supérieurs se moquant éperdument de son travail.
Le fascisme qui ne dérange vraiment que lorsqu'il frappe un ami alors que quelques instants plus tôt on vous explique gentiment que « la politique ne m'intéresse pas ».
Des fascistes bêtes donc méchants, avec un responsable un peu moins bête, donc un peu moins méchant ; un peu à l'image du fascisme italien, certes très brutal, mais qui n'osa pas aller jusqu'à l'horreur absolue du nazisme.
Une Semaine Sainte rythmée, chez ce petit peuple napolitain, par le respect des rites et la confection en Cuisine des plats traditionnels qui permettront de célébrer la Résurrection en même temps que la résolution de l'affaire et l'arrivée du printemps, mais aussi la Famille, l'Amour et la Tendresse car « nourrir ses proches en leur procurant du plaisir était un moyen d'établir un lien intime avec des générations de femmes aimantes qui avaient laissé dans leur sillage davantage de parfums et de saveurs que de paroles. »
Une touche de poésie dans laquelle l'auteur interroge la nuit, le printemps, l'amour pour mieux embrouiller le lecteur qui aurait l'impudence de vouloir résoudre l'énigme tout seul.
En résumé, un roman très cérébral, un cadre intéressant, des personnages complexes et attachants pour une lecture très savoureuse. Ca donne envie de goûter à un casatiello ou à une pastiera et de lire le premier titre de la série : «
L'hiver du Commissaire Ricciardi ». A ce propos, enquête policière et cuisine italienne, en passant de Naples à Vérone, voici que resurgit à mon esprit le fameux commissaire Tarchinini. Et si on relisait également Exbrayat ?