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EAN : 9782742725410
291 pages
Actes Sud (03/02/2000)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Après la fin de la dictature Kérékou, au début des années quatre-vingt-dix, Christian Dedet s'est rendu à plusieurs reprises au Bénin. Il y a assisté à la reviviscence de l'animisme africain et à la résurrection des grandes fêtes vaudou...
Journal intime, récit de voyage, document ethnographique, son livre est la relation de ces séjours, telle l'errance éblouie d'un écrivain convaincu que les Africains sont "la dernière poésie du monde". Christian Dedet est u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Christian Dedet, ce passionné de l'Afrique, nous emporte, dès les premières pages, dans son royaume. Il a passé quelques années à parcourir les routes et chemins du Bénin. C'est depuis la région d'Abomey, de Grand-Popo, de Porto-Novo, le lac Nokoué, le fleuve Ouémé… qu'il nous adresse ses notes, un journal remanié, revu et corrigé pour en faire un récit riche, et nous faire partager son expérience, en particulier les rituels vaudou et la religion animiste.
« Les oeuvres missionnaires ayant l'aval du Vatican y rivalisent toujours avec méthodistes et adventistes de toutes nationalités. le fait nouveau, depuis l'ère moderne, réside en des Églises d'inspiration chrétienne fondées par les Africains eux-mêmes. […] L'Église apostolique africaine se signale souvent par des sorties de haut-parleurs, en ville, à percer les tympans, par une littérature vindicative à l'égard du vaudou, distribuée aux carrefours. »
Les rituels vaudous au royaume d'Abomey, sont un sujet passionnant pour qui s'y intéresse ou s'intéresse aux phénomènes de transe. J'ai souvent ri de ses descriptions, d'autant plus qu'il le fait avec un humour, voire une certaine naïveté, un certain regard occidental, mais lucide et conscient.
« Certains de ces couvents comptent de nombreuses femmes dans leurs rangs. Matrones, pour la plupart, avec leurs cent kilos et leurs seins à proportion, pris dans un filet à grosses mailles ou basculés par-dessus la toile de lin. »
Il n'existe pas qu'un seul vaudou mais un nombre infini. Rien que dans la région d'Abomey on en dénombre autant que de villages. À chaque « couvent » sa pratique, ses dieux, ses tenues. La religion animiste est aussi matinée de religion catholique ce qui présente un avantage non négligeable ! Dans le vaudou, religion animiste (considéré tantôt comme une religion tantôt comme une secte), ce sont les dieux qui descendent dans le corps de l'impétrant pour le chevaucher, et l'avantage est terre à terre, autrement dit terrestre : les récoltes, la nourriture… ; quant aux avantages de la religion catholique, elle promet le salut de l'âme, alors pourquoi pas concilier les avantages des deux !
Maléfices, mauvais sorts, sacrifices animaux (avant, les sacrifices étaient humains) en sont le corrolaire : avec le vaudou on ne rigole pas ! (mais Christian Dedet semble souvent s'amuser !) :
« Ce personnage est le garde du corps du vaudou Agbo. Il veille à ce que nul affront ne soit perpétré envers le dieu son maître, mais également à ce qu'aucun maléfice ne soit jeté sur ceux ou celles qui dansent sur la place. Un mauvais sort – le cakato – est si vite parti… Il y a des gens si pervers, si malfaisants et qui ont un tel pouvoir, au cours de ces réunions pour pactiser avec les forces du mal. »
A propos des rituels vaudou et des transes des danseurs, si Christian Dedet a osé faire une petite comparaison avec l'hystérie de conversion décrite par Charcot, il ne semble pas en être convaincu. Bien au contraire, plus loin il vend la mèche, et nous confie son saisissement, ce constat de la puissance incroyable de certains sorciers et fétichistes, des maîtres en la matière. Car la magie opère. Celui qui assiste, de l'extérieur, ou qui vient étudier ces rituels, pourrait n'y voir que des croyances archaïques que n'importe quel ethnologue pourrait démonter. Mais si toutefois l'un d'eux était initié, il en garderait le secret. Il n'aurait pas le choix, c'est une question d'éthique, mais aussi cela pourrait se retourner en maléfice contre lui. Ces pratiques puissantes et parfois dangereuses ne s'adressent qu'à des initiés et celui qui ne l'est pas n'a pas accès à cette connaissance et n'en décrira que les aspects superficiels et visibles.
« Les professeurs de l'enseignement supérieur de Cotonou, les hauts fonctionnaires de Porto-Novo savent à quoi s'en tenir sur l'existence des sorciers. Ils leurs consacrent des thèses dont le moins qu'on puisse dire est que l'objectivité scientifique n'en exclut pas le frisson. Quant aux hommes politiques, même à l'époque où leurs discours se devaient de fustiger les “superstitions”, ils n'omettaient pas pour autant de se prémunir contre l'effet dévastateur des magies. »
Dedet est médecin, et son regard se porte bien sûr aussi sur cet aspect des choses, cet envers du décor qui ne lui échappe pas :
« L'envers du décor est une situation sanitaire effroyable. Paludisme. Dysenterie amibienne. Hépatites A et B. La pathologie la plus meurtrière est représentée par la bilharziose, cette parasitose dont l'agent se trouve dans les eaux stagnantes, pénètre dans l'organisme de l'être humain à travers la peau de la plante des pieds avant de s'attaquer au foie et aux reins où il crée des lésions irréversibles […]. Les figurines fétiches sont en nombre, aux carrefours de canaux. »
Et en toile de fond, la politique de ces dictateurs qui se sont succédé.
Un récit passionnant, à mettre dans la pile des références ethnographiques. Une très belle aventure de lecture !
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Talent ethnographique et prodigieuse culture africaine pour décrire les traditions actuelles...

Médecin de profession, célébré pour son grand roman africain "La mémoire du fleuve" en 1984, Christian Dedet publiait en 2000 ce récit-essai, fruit d'un long séjour au Bénin dans les années 1993-1995, durant lequel il se penchait sur le puissant mouvement de "revival" du vodoun et de la royauté (pas uniquement cérémoniale) d'Abomey, sous le régime Soglo, après la fin du "marxisme-léninisme" de Kérékou.

Avec un réel talent ethnographique, et une affectation de distance voire de cynisme plutôt bienvenue, l'auteur sait aussi bien entrer dans les détails du vu et du vécu, souvent bien étonnants, que dans les comparaisons et réflexions astucieuses, nourries d'une prodigieuse culture africaine.

Pour finir par quelques professions de foi sur la nature de son engagement dans ce continent : "On me demande parfois ce qui m'attire, tout près de l'équateur. Médecine ou littérature, j'avance des arguments raisonnables. Comment faire admettre à des gens bien programmés que l'on poursuit, au-delà des limites permises, un rêve adolescent ? Loin des utilités et des calculs qui nous enchaînent à milles lieues de nous-même, je m'y promène depuis vingt ans dans la jubilation d'un retour aux émotions primordiales.
Il y a tellement d'Afriques ! Elles sont si pleines de couleurs, de rumeurs, de bigarrures, de musiques envoûtantes, d'odeurs vigoureuses et superbes, de rythmes qui courent dans les hanches et dans les voix ! Afrique des anges tutélaires, soudain surgie de n'importe quelle banlieue, quand j'entends Angélique Kidjo, ce petit diamant de la chanson noire, cette sombre et profonde flamme en transe perpétuelle lancer en langue fon, comme si elle s'adressait aux foules de Cotonou : "Je suis partie depuis si longtemps que je me demande si le son des tambours possède le même pouvoir."
Afriques des grands espaces, de la savane, des forêts, de la plongée dans les masses, des épopées imprévisibles, des sociétés métissées, des anciens empires du Mali, des vaudous sages ou turbulents, des fantômes de l'hémisphère austral, des beautés somaliennes, souriantes ou impavides, des chefferies, des riyautés de sang et d'or ayant survécu aux envahisseurs et se perpétuant à la barbe du siècle... C'est ce foisonnement qui m'aura entraîné - péché capital ? - à recomposer après coup, sans grande méthode, ni fil conducteur trop astreignant, la part béninoise de mes fééries.
À moins que ce soit l'âge, lui encore, qui incite à une autre sagesse et me donne à penser que ce ne sont décidément pas les Africains qui déraisonnent ?"
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Au début, j'ai cru à un livre écrit au 19e siècle, car l'auteur a un style très “ emprunté ”, un peu inusité aujourd'hui. Mais non, nous sommes dans les années 1990, et Christian Dedet décrit une Afrique qu'il aime et qu'il défend. Touché par la sensualité, les bruits, les odeurs, les atmosphères qui l'entourent, Christian Dedet sait raconter le continent noir à partir d'un petit pays : le Bénin. Il raconte les rites vaudou, la sorcellerie africaine, bonne ou mauvaise, source d'une petite industrie, mais aussi les stigmates de
l'esclavagisme et de la traite négrière. C'est une Afrique qui jongle entre traditions et modernité. Et l'auteur n'est pas un donneur de leçon, bien au contraire.
Nous devons laisser l'Afrique aux africains, sans chercher à lui imposer ou à lui voler quoi que ce soit, sauf à savourer sa force, sa sensualité, la générosité et la gaieté de ses habitants.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
« Les professeurs de l’enseignement supérieur de Cotonou, les hauts fonctionnaires de Porto-Novo savent à quoi s’en tenir sur l’existence des sorciers. Ils leurs consacrent des thèses dont le moins qu’on puisse dire est que l’objectivité scientifique n’en exclut pas le frisson. Quant aux hommes politiques, même à l’époque où leurs discours se devaient de fustiger les “superstitions”, ils n’omettaient pas pour autant de se prémunir contre l’effet dévastateur des magies. »
[...]
« L’envers du décor est une situation sanitaire effroyable. Paludisme. Dysenterie amibienne. Hépatites A et B. La pathologie la plus meurtrière est représentée par la bilharziose, cette parasitose dont l’agent se trouve dans les eaux stagnantes, pénètre dans l’organisme de l’être humain à travers la peau de la plante des pieds avant de s’attaquer au foie et aux reins où il crée des lésions irréversibles […]. Les figurines fétiches sont en nombre, aux carrefours de canaux. »
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