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Jérôme Vérain (Éditeur scientifique)
EAN : 9782842056810
96 pages
1001 Nuits (27/08/2002)
4.42/5   6 notes
Résumé :

Le 3 septembre 1822, jour anniversaire de la disparition de sa mère, Eugène Delacroix (1798-1863) commence à tenir un journal, qu'il nourrira presque quotidiennement jusqu'à sa mort. Il y reporte ses comptes, note ses rencontres, précise ses projets de tableaux... La rédaction de ces "brimborions écrits à la volée" s'interrompt entre 1824 et 1846. Delacroix ne destine pas ses notes à la publication ; il r&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
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« Autant il était sûr d'écrire ce qu'il pensait sur une toile, autant il était préoccupé de ne pouvoir peindre sa pensée sur le papier »

À la mort de Delacroix en 1863, Charles Baudelaire écrit cette phrase sans connaître la plus grande partie du journal de Delacroix qui allait devenir l'une des oeuvres les plus importantes dans la littérature de l'histoire de l'art.

Ce journal du peintre fournit une perspective unique sur sa vie, sa pensée, son oeuvre et sur la société de son temps. Commencé en 1822, il le poursuit jusqu'en 1824, puis s'arrête avant de le reprendre en 1847 jusqu'à son décès en 1863.

Le peintre commence son « journal de jeunesse » à 24 ans, le jour du huitième anniversaire de la mort de sa mère : « Que son ombre soit présente quand je l'écrirai et que rien ne l'y fasse rougir de son fils ». Il écrit avec une liberté effrénée, ponctuée de moments d'exaltations et de tristesse.

Paris, 27 janvier 1824 - L'artiste à la douleur d'apprendre la mort de celui dont le style en peinture lui ressemblait le plus : Géricault. Après le départ de son ami, Delacroix va devenir la tête de proue du romantisme :
« J'ai reçu ce matin à mon atelier la lettre qui m'annonce la mort de mon pauvre Géricault ; je ne peux m'accoutumer à cette idée. Malgré la certitude que chacun devait avoir de le perdre bientôt, il me semblait qu'en écartant cette idée, c'était presque conjurer la mort. Elle n'a pas oublié sa proie, et demain la terre cachera le peu qui est resté de lui… (…) Pauvre Géricault, je penserai bien souvent à toi ! Je me figure que ton âme viendra quelquefois voltiger autour de mon travail… Adieu, pauvre jeune homme ! »

Paris, 7 mai 1824 - L'artiste s'explique sur ses méthodes de travail, en particulier pour ses « Scènes des massacres de Scio » montrant le massacre de grecs par les troupes ottomanes :
« Il faut remplir ; si c'est moins naturel, ce sera plus fécond et plus beau. Que tout cela se tienne ! Ô sourire d'un mourant ! Coup d'oeil maternel ! étreintes du désespoir, domaine précieux de la peinture ! Silencieuse puissance qui ne parle qu'aux yeux, et qui gagne et s'empare de toutes les facultés de l'âme ! »

En reprenant son journal en 1847, Delacroix approche de la cinquantaine. L'âge a tempéré la passion et l'énergie de ses jeunes années : « J'écris ceci au coin de mon feu, enchanté d'avoir été, avant de rentrer, acheter cet agenda, que je commence un jour heureux. »
Dans ce dernier journal, l'artiste va laisser libre cours à son imagination. Il y traite de tous les sujets : art, littérature, musique, nature, société, histoire, humanité. Il est célèbre et sort beaucoup, est reçu dans de nombreux salons mondains. Il fréquente des intellectuels et des artistes « scandaleux » comme Baudelaire, Daumier, George Sand. Ses contemporains sont souvent un sujet de moquerie pour lui.

Fécamp, 18 octobre 1849 : « J'ai appris, après déjeuner, la mort du pauvre Chopin. Chose étrange, le matin, avant de me lever, j'étais frappé de cette idée. Voilà plusieurs fois que j'éprouve de ces sortes de pressentiments. Quelle perte ! Que d'ignobles gredins remplissent la place, pendant que cette belle âme vient de s'éteindre ! »

Paris, 3 août 1855 – Sa passion pour la peinture incite Delacroix à réfléchir sur ses propres tableaux et ceux de ses contemporains. Il se rend à l'Exposition Universelle de 1855 à Paris, Courbet exposait en marge dans un pavillon en bois qualifié pavillon du réalisme :
« En sortant, je vais voir l'exposition de Courbet, qu'il a réduite à dix sous. J'y reste seul pendant près d'une heure et j'y découvre un chef-d'oeuvre dans son tableau refusé « L'atelier du peintre » ; je ne pouvais m'arracher de cette vue. On a refusé là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps ; mais ce n'est pas un gaillard à se décourager pour si peu. »

Les jours précédents son élection à l'Académie des Beaux-Arts, le 10 janvier 1857, Delacroix commença à rédiger ses réflexions sur l'art. Puisqu'il ne peut obtenir le poste de professeur aux Beaux-Arts, il va se lancer dans un vaste projet qu'il n'achèvera pas : un Dictionnaire des Beaux-Arts.

Paris, 1er janvier 1861 - le peintre a travaillé plus de dix ans à ses décors pour la chapelle des Saints-Anges à l'église parisienne Saint-Sulpice. Deux ans avant sa mort en 1863, il va inaugurer les trois immenses compositions, dont « La lutte de Jacob avec l'Ange ». Il note :
« La peinture me harcèle et me tourmente de mille manières à la vérité, comme la maîtresse la plus exigeante ; depuis quatre mois, je fuis dès le petit jour et je cours à ce travail enchanteur, comme aux pieds de la maîtresse la plus chérie ; ce qui me paraissait de loin facile à surmonter me présente d'horribles et incessantes difficultés ; mais d'où vient que ce combat éternel, au lieu de m'abattre, me relève ; au lieu de me décourager, me console et remplit mes moments, quand je l'ai quitté ? Heureuse compensation de ce que les belles années ont emporté avec elles ; noble emploi des instants de la vieillesse qui m'assiège déjà de mille côtés, mais qui me laisse pourtant encore la force de surmonter les douleurs du corps et les peines de l'âme ! »

Après toute une vie passée à écrire son journal, une simple phrase exprime ce que Delacroix y cherchait avant tout : « Travailler n'est pas seulement pour produire des ouvrages. C'est pour donner du prix au temps. »

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
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La dernière des notes qu’on ait retrouvées sur les calepins du journal de Delacroix, qui mourut le 13 août suivant.


22 juin 1863 - (Au crayon.) Le premier mérite d’un tableau est d’être une fête pour l’œil. Ce n’est pas à dire qu’il n’y faut pas de la raison : c’est comme les beaux vers ;… toute la raison du monde ne les empêche pas d’être mauvais, s’ils choquent l’oreille. On dit : avoir de l’oreille. Tous les yeux ne sont pas propres à goûter les délicatesses de la peinture. Beaucoup ont l’œil faux ou inerte ; ils voient littéralement les objets, mais l’exquis, non.

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Videos de Eugène Delacroix (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eugène Delacroix
"Le peintre et le poète : Delacroix et Baudelaire", documentaire réalisé, en 1959, par Georges Régnier, avec les musiques de Chopin et de Listz, et les voix de Michel Bouquet et de Pierre Marteville. Film rare, appuyé sur les écrits de Baudelaire, étudiant le regard du poète sur l'œuvre du peintre à partir des tableaux suivants : "Virgile aux enfers", "Autoportrait", "Mort de Sardanapale", "Massacre de Chio", "Entrée des Croisés à Constantinople", "Femmes d'Alger", "Le Doge de Venise", "La Barricade", "Le Turc", "Lutte de Jacob avec l'ange".
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