Pour apprécier une telle oeuvre littéraire, je vois plusieurs conditions :
-- aimer Rome et, si possible, y avoir passé plusieurs jours
-- aimer la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique
-- aimer l'histoire, l'Antiquité, le monde romain
-- accepter les très nombreuses digressions
De Stendhal, parfois sur des dizaines de pages
-- parvenir au bout de la préface de
Michel Crouzet (31 pages)
-- enchaîner avec 590 pages stendhaliennes
-- ne pas s'astreindre à lire la totalité des 125 pages de notes
Remplir les trois premières est déjà la garantie d'une très agréable lecture dans laquelle c'est un réel plaisir de pénétrer pour s'imprégner des visions
De Stendhal sur la ville éternelle, de son approche historique, de ses comparaisons avec la France, l'Angleterre, de sa culture superbement documentée du monde romain, de l'Italie, de toutes ses pensées et réflexions qui font la richesse de cet ouvrage.
Stendhal a passé avec des amis et des amies plusieurs mois à Rome, il s'impose donc comme un guide incomparable et il le fait à la fois en laissant aller ses pas de manière un peu aléatoire, tout en ciblant des visites bien précises. Il faut du temps pour cela ce qui permet d'éviter de se ruer à la chapelle Sixtine ou au forum sans avoir pris le temps de sillonner la ville, ce musée à ciel ouvert, pour réserver au moment venu le coup de foudre de l'entrée dans Saint-Pierre, cette gigantesque capitale de la chrétienté.
Stendhal prend le temps d'énumérer tous les sites et c'est un peu chaotique par l'ordre de ses visites. Il est quelquefois dans la même journée à Saint-Paul-hors-les-murs et à la colline du Janicule où il considère le panorama depuis San't Onofrio comme le plus beau du monde, aidé en cette appréciation par
Le Tasse qui est inhumé face à cette vision inoubliable de Rome. Il détaille chaque monument, son architecture intérieure et extérieure. Ses coups de coeur sont pour le Panthéon et le Colisée. Il ne s'attarde pas devant la fontaine de Trevi, passe des heures à Saint-Pierre et aux musées du Vatican. Ainsi, plus de vingt pages sont consacrées aux Chambres de Raphaël et quasiment autant à la Sixtine. Se faisant, il détaille les personnalités des deux géants, Raphaël et
Michel-Ange. Il cite une quinzaine d'églises dites majeures et commente les détails de quatre-vingts autres, sur des pages et des pages.
Il évoque l'histoire romaine antique, le martyre des premiers chrétiens, mais aussi celle des différentes dominations sur la ville et, pas des moindres, celle des papes. Il se trouve d'ailleurs à Rome le 10 février 1829, jour de la mort de
Léon XII, et le 31 mars de la même année pour l'élection de Pie VIII.
Stendhal raconte de nombreuses anecdotes autour notamment de la légende de la papesse Jeanne, des amours contrariées de la religieuse Francesca et même d'une affaire criminelle jugée par la Cour d'Assises de Tarbes, dans les
Hautes-Pyrénées. Et bien d'autres...
A la fin du livre, il propose une possibilité de découverte de Rome en dix journées qu'il remplit tellement que son estimation me semble devoir être multipliée par deux. D'autant que si l'on est dix jours à Rome, on aura le désir d'aller à Tivoli voir la villa d'Este et les cascades et de passer une longue fin d'après-midi dans la villa Adriana.
Alors, le mieux, si l'on peut, c'est de se rendre à Rome trois fois qui donneront envie d'y aller une quatrième, une cinquième et toujours encore sans déception possible.
Pour ma prochaine visite, j'emporterai certainement ces Promenades stendhaliennes et en relirai quelques extraits devant les panoramas des collines, les jardins du Vatican ou de la villa Médicis. Car ce livre ne peut retourner s'empoussiérer définitivement dans les rayons de mes bibliothèques, il ne peut s'oublier et, franchement, la lecture de la dernière page m'a empreint d'un regret que je n'imaginais pas en débutant la Préface.