Un bon petit recueil, avec des hauts et des bas comme toujours, mais plutôt agréable à lire dans l'ensemble. Quelques-unes de ces nouvelles traitent de dimensions parallèles et de voyages dans le temps, et ayant vu le documentaire sur lui récemment, j'ai pu faire le lien avec ce que vivait et pensait l'auteur sur pas mal de ces nouvelles, ce qui m'a apporté un plus non négligeable lors de cette lecture. Ce recueil a une composante kafkaienne assez prononcée : l'absurdité des comportements humains y est souvent poussé à l'extrême.
Le crâne : je l'ai beaucoup aimée, le recueil commence très fort en proposant cette nouvelle en premier, la boucle temporelle est bouclée et c'est un paradoxe fascinant !
Le Grand O : à la fois amusante et désespérante, ce qui est quand même très fort, il faut le dire. J'aime beaucoup les nouvelles de Dick, il a une capacité à décrire et mettre en place un monde en quelques lignes assez époustouflante. Ici c'est post-apocalyptique (comme pas mal des nouvelles de ce recueil), et les descriptions sont suffisantes pour se faire une bonne idée du mode de vie et des contraintes de cette tribu du futur.
James P. Crow : Excellente nouvelle sur un monde dominé par les robots et dans lequel un grain de sable humain vient mettre le binze ! Est-ce pour un meilleur avenir de ses contemporains, là est la question !!! Gnerk gnerk...
Service avant achat : Ici, l'auteur pousse les raisonnements publicitaires jusqu'au bout du bout de ce qu'il pourrait être possible de faire. Et je vous jure que ça donne envie de "tout péter" !!! Cependant, le petit laïus de Dick avant la nouvelle, comme quoi sa fin est ratée, est assez justifié. Mais je ne suis pas sûre que l'autre fin dont il parle aurait été plus réussie, j'ai comme un doute...
Le tour de roue : une nouvelle que je n'ai pas tellement appréciée. A cause de son fond. Il sous-entend quelque part qu'un développement humain basé sur les cultures en harmonie avec la nature et ayant une spiritualité très développée (indiens, mongols etc) serait tellement sous développée technologiquement qu'elle ignorerait ce que sont les médicaments et mépriserait la technique. du moins c'est comme ça que je l'ai entendue, j'ai peut-être tort.
Reconstitution historique : je l'ai bien appréciée, celle-là ! J'ai beaucoup aimé la psychologie du personnage principal, son besoin de rêve et d'évasion, et comment "plus dure sera la chute" quand il se rend compte que la réalité est beaucoup moins rose qu'il le pensait. C'est un nouvelle en lien direct avec les communications entre dimensions parallèles ou entre les temps futurs et anciens, sujet récurrent chez Dick.
Immunité : une nouvelle assez banale, ici, convenue et un brin décevante.
Là où il y a de l'hygiène : la plus kafkaienne du recueil, avec la stupidité de l'être humain poussée à son paroxysme... Ils se bouffent le nez en famille et s'entre-tuent pour une question d'hygiène (devenue politique), c'est complètement absurde et dramatique. Mais on s'y retrouve bien, finalement...
Expédition en surface : une nouvelle très intéressante sur la terre après une apocalypse nucléaire. Certains humains se sont réfugiés sous terre et gardant toutes les avancées technologiques et ont évolué en conséquence, d'autres ont survécu en surface en les perdant et ont évolué en conséquence. La conclusion est amusante, malgré un fond pessimiste...
Consultation externe : intéressante par le fond, qui veut que les êtres humains au pouvoir sont très éloignés des gens du commun, et en reviennent toujours aux mêmes leitmotiv névrotiques, consistant à préférer sacrifier des millions de "chair à canon" plutôt que d'admettre avoir tort en voulant la guerre, même en étant avertis par des gens venus du futur de la destruction quasi totale que ça engendrera. ça rejoint d'assez près mon dernier Bordage "l'ange de l'abîme". Glaçant, énervant, et tutti quanti.
Au service du maître : convenue et classique, on n'a pas de surprise, je pense qu'il aurait mieux valu finir sur la précédente, et mettre celle-ci vers le milieu du recueil.
Un recueil très agréable à lire, malgré quelques faiblesses de scénarios par moments.
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Encore de bien belles nouvelles d'un Dick en forme dans ce présent ouvrage. On y retrouve les thèmes qui lui sont chers, la psychose, l'angoisse, la réalité, les jeunes et séduisantes filles brunes, l'hypothétique futur noir d'une société détruite, la politique fiction, les guerres, la technologie avec ses robots humanoïdes et intelligents, avec ses gadgets comme les enregistreurs à bobines ou à bandes (ben oui, c'est certes dépassé mais largement suffisant pour un auteur né en 1928)…
Un roman de P. K. Dick est comme un bon whisky, ca fait tourner la tête, cela contente l'âme, ça vous interpelle et vous réchauffe le coeur. Mais il ne faut pas vider la bouteille d'un coup. Non ! Il faut savoir apprécier la finesse, la saveur, et la lecture et l'imaginaire du livre vous emportent, vous saisissent. C'est âpre mais fruité, intense d'une rare complexité qui révèle de nouveaux arômes à chaque dégustation… A la différence néanmoins que l'on n' obtient pas l'ivresse ou l'euphorie de l'alcool. Un bon Dick serait plutôt l'inverse, le mauvais côté de l'ivresse, celui qui rend méchant ou triste pour certains, un peu le spleen … C'est le passager noir de notre auteur bien aimé…
Bref, c'est un 5 étoiles que je donne. Ça faisait longtemps que je n'avais pas attribué une telle note , c'est un grand plaisir et c'est mérité.
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Premier recueil de nouvelles de Philip K. Dick que je lis.
Je connaissais déjà son style à travers deux de ses romans, lus il y a quelques années.
J'ai beaucoup aimé les onze nouvelles qui composent ce volume. Mention spéciale pour deux d'entre elles que je conseille vivement : "James P. Crow" et "Service avant achat".
Celles-ci me resteront en mémoire et je trouve qu'elles feraient d'excellentes bases pour des scénarios.
Même si certaines histoires ont des chutes un peu téléphonées, je pense aux nouvelles intitulées "Le Crâne" et "Le grand O", il n'en reste pas moins qu'elles sont toutes intéressantes. Il ne faut pas oublier qu'elles ont été rédigées au début des années cinquante, à une époque où les gens n'étaient pas familiers de tous les ressorts et thématiques de la science-fiction. Considérant cela, je les trouve particulièrement bien pensées et visionnaires.
Les personnages sont souvent attachants et bien construits et ce, en un nombre de pages qui n'excède jamais la trentaine. De plus, les histoires font réfléchir, c'est certain.
Bref, un recueil bien composé qui donne envie de découvrir plus de nouvelles de l'auteur.
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- Je ne peux pas continuer comme ça. Il faut faire quelque chose.
- Pour le trajet tu veux dire ? Si seulement tu trouvais du travail sur Mars, comme Bob Young ! Peut-être que s'il s'adressait à la Commission de l'Emploi en leur expliquant le stress te...
-Il ne s'agit pas que du trajet. Ils sont partout. Sans cesse à me guetter. Jour et nuit.
- Qui ça, chéri ?
- Les robots vendeurs. Dès que je pose le vaisseau. Les robots et les pubs audiovisuelles. Celles-là agissent directement sur le cerveau. Elles collent au train des gens jusqu'à ce que mort s'ensuive.
- Je sais. Sally lui tapota la main avec sympathie. Quand je vais faire les courses, ils me suivent par troupeaux entiers. Ils parlent tous en même temps. C'est vraiment terrifiant - on ne comprend pas la moitié de ce qu'ils disent.
- Il faut mettre un terme à tout ça.
- Que veux-tu dire ? bredouilla Sally.
- S'en aller loin d'eux. Ils sont en train de nous détruire.
(Dans "Service avant achat")
Explorateur inlassable de mondes schizophrènes, désorganisés et équivoques, Philip K. Dick clame tout au long de ses œuvres que la réalité n'est qu'une illusion, figée par une perception humaine imparfaite.
Les robots dirigeaient la Terre. Il en avait toujours été ainsi. C'était sur toutes les bobines d'histoire. Les humains avaient été inventés durant la Guerre Totale du Onzième Millibar. Tous les types d'armes avaient été essayés et utilisés, et les humains faisaient partie du nombre. La Guerre avait totalement détruit la société. Pendant des dizaines d'années, l'anarchie et la ruine avaient régné sans partage. La société ne s'était reformée que peu à peu, sous la tutelle patiente des robots.
(Dans "James P. Crow")
Il vit la Guerre Totale et la pluie mortelle qui était tombée du ciel, les nombreuses corolles blêmes signalant l'impact des engins meurtriers. Il vit la société humaine se dissoudre en particules radioactives, entraînant dans sa perte son savoir et sa culture.
(James P. Crow)
- L'homme que vous devez traquer est mort depuis deux siècles. Voilà tout ce qui reste de lui. Et voilà tout ce dont vous disposerez pour le retrouver.
(Dans "Le Crâne")
Depuis Jules Verne, de Philip K. Dick au groupe
Limite, la science-fiction n'a cessé d'évoluer jusque
dans ses propres définitions. Ainsi, ses différentes
déclinaisons se démarquent d'abord entre elles
pour mieux se mêler ensuite. Quand le genre mille
fois déclaré mort sort du cadre et rebat les cartes
pour mieux se réinventer…
Avec : Serge Lehman, Olivier Paquet,
Hervé de la Haye, Guilhem
Modération : Caroline de Benedetti