La date à laquelle ce texte a été écrit est incertaine, différentes hypothèses ont été posées. Comme la plupart des textes de
Diderot, il n'a pas été édité dans le circuit habituelle des librairies, mais un certain nombre de manuscrits ont circulé. C'est seulement en 1805 qu'une traduction en allemand, effectuée par
Goethe paraît, ce dernier a eu accès à un manuscrit qui avait été conservé en Russie. Mais c'est seulement en 1891 qu'une version complète et autographe est retrouvée, qui a depuis servi aux différentes éditions.
Le texte se présente comme un dialogue entre un Moi, narrateur philosophe et Jean-François Rameau, un neveu du grand compositeur Jean-Philippe et musicien lui-même, un musicien qui est loin d'avoir connu la réussite de son oncle et qui vivote plutôt en parasite. C'est une discussion à bâtons rompus, qui aborde différents sujets, ce qui donne un côté décousu au texte, le sens qu'il faut lui donner a donné lieu à des interprétations et analyses différentes.
Le sous-titre en est La satire seconde. La satire est un genre qui s'attache à dénoncer tout ce qui contrevient à la moralité commune, aux valeurs et aux usages codifiés ou non. Il s'agit d'attaquer les vices ou les ridicules des hommes, elle n'est pas dépourvue de cruauté, même si elle se donne comme objet de corriger les vices et ridicules qu'elle pourfend, elle aurait donc une visée morale. Nous avons bien la dénonciation d'un certain nombre de comportements, mais au final c'est Rameau qui les énonce, or c'est un personnage qui n'est pas très reluisant, et qui professe une morale peu orthodoxe, susceptible d'en faire l'objet d'une satire, plus qu'un satiriste « respectable ». Plus que des personnes précises, sa satire semblent cibler des comportements sociaux liés au clientélisme par exemple : ses riches protecteurs l'ont chassé car, il n'a pu s'empêcher de se moquer d'eux, en réponse à la position humiliante que la dépendance financière a créée. Faire le fou pour distraire est bien pris, mais il ne faut surtout pas dire le vrai, ce qui dérange, ce qui était à une époque le rôle du bouffon.
La morale est une question essentielle chez
Diderot, et dans ce texte c'est un personnage censé être immoral qui est au centre du récit. Il réfute notamment la morale religieuse, invoque la relativité des valeurs sur lesquelles se base la morale, qui risque elle aussi de devenir relative, donc contestable. le philosophe le réfute, mais ses raisonnements ne sont pas aussi brillants que les propos de Rameau. Mais Rameau est-il vraiment immoral ou ne réfute-t-il qu'une morale liée aux manières de voir et aux préjugés d'une époque ? Une sorte de recherche de dignité, de bien-être pour tous marque ses propos, un droit à la paresse. Et le Philosophe lui reconnaît une grande clairvoyance dans ses jugements musicaux : même s'il ne compose pas lui-même une grande musique, il est capable de la distinguer et de l'expliquer.
C'est malheureusement la partie du texte qui a le plus vieilli : les propos acerbes sur
Jean-Philippe Rameau (qui sera oublié dans 10 ans, qui lui-même ne comprend pas ses Traités sur la musique etc) font un peu sourire, surtout lorsque
Diderot donne comme modèle toute une série de musiciens, dont la majeure partie est oubliée sauf peut-être des spécialiste pointus de l'époque, et ceux qui restent dans le patrimoine commun, sont plutôt secondaires, sauf peut-être Pergolèse. Mais l'auteur semble mettre dans la bouche du neveu ses opinions et analyses sur la matière, qui étaient partagées par une partie des encyclopédistes.
C'est un texte complexe, qu'il est difficile de saisir dans toutes ses implications, mais c'est un texte brillant, amusant, plaisant à lire. Très théâtral aussi, c'est un vrai dialogue plein de vie, ce qui fait qu'il a donné lieu à des adaptations pour la scène.