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EAN : 9782374913223
161 pages
Quidam (12/05/2023)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Pendant des mois, je ne me relis pas, j’essaie juste d’avancer, de tenir. Quand je commence à accumuler un peu de matière, je me mets à flipper de perdre ces notes sans me décider à les transférer dans l’ordinateur. Ce serait comme me rendre à la mort de Koumiko ou la tuer pour de bon, alors qu’elle est encore un peu présente dans la matérialité des carnets, de mon écriture à la main et, bizarrement aussi, dans le risque de perdre ces notes. Il faut pouvoir les perd... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Ce que nous perdons le temps ne le refait pas, l'éternité le garde pour la gloire et aussi pour le feu ». Jorge Luis Borges. L'Aleph».
« Dans la vie, en dehors de la vie, je déferai ma valise, j'achèterai un petit réchaud ».
« Plus vivant que la vie », la force inégalée d'un récit qui est l'intégrité même. Lumineux, poignant, d'une sincérité totale, ce livre est irradiant, douloureux.
Un parchemin dédié à Koumiko, la Mère, sa mère. Une femme libre à l'instar de Diogène. Artiste, créatrice, sublime « forcément sublime », dont Chris Marker en 1965 a fait un film documentaire.
Anna Dubosc est sous le choc. Elle écrit comme une pluie d'étoiles. « Les gens me félicitent pour mon hommage, comme au cours d'une rencontre en librairie. Ça me fait plaisir. J'y repense toute la journée, je me repasse mon discours dans ma tête ».
La famille soudée, magnifique dans les différences de cet électrochoc. Les rappels pavloviens comme des cimes enneigées. On pleure sous ce trop-plein de virtuosité. Un hommage comme une chapelle sur la colline générationnelle.
On imagine le pouvoir de Koumiko encore présente. L'aura magnétique d'une vieille femme qui glisse doucement vers la perte de mémoire.
« Un foulard dont elle tient une extrémité dans chaque main et sur lequel est écrit en français : je rangerai la semaine prochaine. Ce qu'elle n'a fait ni la semaine ni les cinquante années suivantes ».
Coude à coude avec son compagnon et ses deux filles, sa soeur Sophie. Cercle qui s'agite, arrose les fleurs. Interpelle le passé et se refuse la finitude. Il n'est pas l'heure encore.
« J'ai senti la présence de Koumiko. C'était la première fois ».
Le récit témoigne, acquiesce la gémellité entre une mère japonaise, unique, au libre-arbitre avéré et sa fille Anna. Tant de similitudes que nos yeux se baissent sous tant de connivence. L'arrachement comme un cri dans la nuit. Anna est un oisillon tombé du nid.
« Je pleure en marchant. Je lui parle, je lui dis de revenir… Elle ne peut pas être nulle part. Il me manque un sens pour appréhender ce vide, cette immensité qui s'en fout ».
L'acte d'écrire comme la lave d'un volcan. Écoutez le balancier de la vie. Se dire qu'Anna vaincra. Mais il y a des mots encore qui cinglent comme la grêle sur un toit endormi.
« Je revois sa dégaine de grenouille, ses petits yeux tout contents, son sourire édenté. Je repense à nos tours sur la place ou le parc à côté ».
Et là les amis, les regrets comme des chapelets, mais l'amour rayonne. « Je me souviens qu'une fois sur deux ça me gonflait, et ça aussi ça me crève le coeur ».
Il n'est pas l'heure encore pour le deuil. Il faut qu'Anna souffre. Aussi fort que cette violence de mort. Ne pas laisser la plénitude d'une voix s'éteindre. Sentir l'odeur de la mère, son rire joyeux et son côté bohème colorier la vie, encore un peu.
Parole inestimable : « Je n'ai pas l'intention de surmonter. Ce serait comme trahir Koumiko, l'abandonner ».
Anna avance, se mêle à la foule. Vit et comble ses jours pour ne pas sombrer. Elle cherche les clefs, observe les ombres et ses plantes qu'elle déniche un peu partout. Complicité avec la mère. Elle qui a toujours gardé ses yeux d'enfant. La disparition qui bouscule les habitus. L'heure arrêtée au cadran de la mort. IL n'y a plus de contraintes, de charge mentale, et plus de grâce parentale. Anna est en manque. « Dans la rumeur d'une langue étrangère, je me sens protégée, hors d'atteinte ».
Écrire ainsi est une rose éternelle, plus vivante que la vie. Anna ne brusque rien. Elle devine ce qui adviendra après ce long silence et les heures sautées où elle rendait visite à Koumiko et se nourrissait au lait maternel. le symbole de l'amour.
Ce livre intime est à l'instar d'un mémoriel sans le pathos qui désagrège la beauté. Fille et mère, mère et fille et mère. « Comme un adage ou une vérité mystérieuse ».
Ici, vous allez pleurer, rire, soutenir et vivre (re).
Il faudra alors un périple au Japon : terre-mère. Une déambulation initiatique. Une aurore boréale invisible, laissez faire et tout retenir.
Admirable. Il faut lire, vaciller et étreindre. Anna, merci !
Publié par les majeures Éditions Quidam éditeur.
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Ne nous y trompons pas : sous l'allure décontractée, parfois même relâchée, de cette écriture, c'est l'effarement devant la mort qui se dessine. Une façon, d'apparence délibérément détachée, de parler de la douleur à l'exacte échelle de l'ébranlement profond éprouvé par celle qui écrit. En 2016 elle avait fait paraître « Koumiko », sur la disparition à elle-même de sa mère, la poétesse japonaise Koumiko Muraoka, née à Harbin, en Mandchourie, en 1936. Pour mémoire, en 1965 Chris Marker , voyageant au Japon, avait consacré à celle-ci, incarnation du désir de liberté radicale et du refus de la convention, un court film, « le Mystère Koumiko. » Un demi-siècle plus tard, son esprit rebelle et singulier s'était donc absenté. Sa fille avait assisté à ce déboussolement, qui s'était d'abord manifesté par la perte des gestes du quotidien. Elle était morte peu de temps après, en 2018 à l'hôpital Bichat.
Anna Dubosc avait à l'époque consigné dans un carnet ce qui apparaît aujourd'hui comme les étapes d'un lent naufrage. « Plus vivant que la vie » s'en présente en partie comme la retranscription. A commencer par la restitution systématique de la parole de la mère, depuis une apparente normalité jusqu'aux dérives les plus inattendues, dans les « phrases insensées » qu'elle s'était mise à prononcer. En guise de rempart contre l'oubli (« J'imagine le monde soudain vide d'elle. Non, impossible »). Peut-être aussi pour soi-même se tenir en alerte. Mais l'urgence fut d'abord de garder un oeil sur la mère devenue démente sans que celle-ci y discerne une contrainte attentatoire à sa chère liberté. Un exercice compliqué, puisque dans le même temps cette femme, qui avait été si sourcilleuse sur le chapitre de son indépendance, ne supportait désormais plus d'être seule. Anna Dubosc s'attache à tous les détails qui fondent la singularité d'une vie. Ceux-là mêmes qu'auparavant elle jugeait si peu dignes d'intérêt et dont elle s'apprête désormais à devenir la conservatrice. A commencer par le plus impalpable d'un être, l'odeur qui imprègne ses objets et son lieu de vie, et qui quelque temps après l'incinération de Koumiko soudain surgira d'une banale liasse de papiers. Par-delà son âpreté, l'approche lucide du lien complexe mère-fille, toujours sur le fil de la rupture et du rejet, le livre d'Anna Dubosc apparaît ainsi semé d'instants d'une grâce bouleversante.
De la littérature naît de ces fulgurances, comme de la proximité temporelle, d'une tentante portée symbolique, entre deux événements : la fin de Koumiko et, un mois plus tard, l'IVG de la narratrice enceinte d'un enfant trisomique. Pour celle-ci, plus qu'à une méditation sur la vie et la mort, c'est au constat d'une manière d'absurdité, la juxtaposition de deux faits sans rapport, mais dans lesquels il advient qu'elle tient un rôle, qu'elle s'attache prioritairement. Pour elle, à égalité, deux désastres, mais sans lien de causalité. Serait-ce forcer le sens de « Plus vivant que la vie », que d'y voir un écho contemporain d'un roman fameux paru en 1942, dont l'incipit tenait en une courte phrase, « Aujourd'hui maman est morte » ? La vie, tel un ensemble de données sans autre relation que leur présence dans l'esprit d'un être. On pense à cette autre circonstance biographique, la narratrice employée dans une école comme AESH (« accompagnant d'élève en situation de handicap »), telle une invraisemblable situation de collision avec son avortement.
C'est en fait à l'écriture d'installer une continuité dans le discontinu, de tout relier pour faire sens. L'intégralité du texte d'Anna Dubosc se construit sur cette évidence. D'une succession de fragments jaillit ainsi le livre. de bout en bout traversé par une émotion intense. La tentative, non pas de faire son deuil, jamais on n'y arrive, mais de retenir la mère et lui redonner corps, gouverne cette écriture sans recherche d'effets. Ainsi peut se lire le titre de ce livre qui s'était ouvert sur une citation, à première vue énigmatique, de Jorge Luis Borgès : « Ce que nous perdons le temps ne le refait pas, l'éternité le garde pour la gloire et aussi pour le feu. » Une invite à la réflexion en même temps qu'à la lecture de ce très remarquable « Plus vivant que la vie. »

Lien : https://jclebrun.eu/blog/
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Les présences d'un mère au-delà du deuil, du déni, tout le présent d'une vie restituée dans l'immédiateté d'une écriture apte à saisir les instants, leur fuite, leurs transitoires échos. Plus vivant que la vie revient sur la mort de Koumiko, la mort de l'autrice, la sidération qui s'en suit, la vie qui malgré tout se poursuit, surgit dans une odeur, une rencontre, une douleur aussi. Anna Dubosc à nouveau parvient, avec une apparente simplicité, avec cette évidence, ce relâchement aussi parfois, d'une prose précise, évocatrice, factuelle quasi où se perçoit le fantôme d'une mère, le spectre d'une vie qui se réinvente.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C’est un jour très spécial, confus et limpide, heureux et malheureux, transparent et opaque, fragile, tragique. Dans la vie, en dehors de la vie, je monte l’escalier. Dans la vie, en dehors de la vie, je resterai ici quelques temps. Dans la vie, en dehors de la vie, je déférai ma valise, j’achèterai un petit réchaud.
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Je pleure en marchant. Je lui parle, je lui dis de revenir. Je regarde le ciel, les arbres, les voitures, les immeubles, et encore le ciel et les arbres. Elle ne peut pas être nulle part. Il me manque un sens pour appréhender ce vide, cette immensité qui s’en fout.
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