AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,44

sur 142 notes
Jubilation, déception, espoir, désenchantement, nouveau départ, le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet, est dense, foisonnant d'idées, comme cet auteur l'a déjà démontré dans Eroica et L'invention des corps, les deux romans qui m'ont permis de découvrir un écrivain qui s'affirme au fil du temps.

Sans hésiter, comme dans L'invention des corps, il s'attaque ici à des thèmes très actuels, déterminants pour l'avenir, mais très complexes. Il choisit de se frotter à l'écologie, à l'état de notre planète que nous voyons se dégrader de jour en jour et j'ai beaucoup apprécié ce livre, édité par Actes Sud, découvert dans le cadre des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com.
Adam Thobias, scientifique de renom mais aussi romancier, a été nommé à la tête de la CICC (Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel). Même si Trump et Poutine ont refusé d'allouer des crédits pour son action, Adam prend son rôle très à coeur et n'est pas décidé à se contenter de gérer un hochet pour faire croire à l'opinion publique que de grandes décisions vont être prises.
Je le constate à nouveau, Pierre Ducrozet allie encore parfaitement le réel et le fictionnel. Alors, il présente un à un les principaux éléments du réseau Télémaque mis en place par Adam Thobias, secondé par Chloé Tavernier : le Canadien Nathan Régnier, star de la microbiologie et de la vie des plantes, Tomas Grøben, spécialiste en recherches sur Google earth, mais surtout June Demany (22 ans) qui fut élevée par Adam, Mia Casals, anthropologue, et Arthur Bailly, photographe. Parmi ces principaux personnages que j'ai croisés dans ce roman, June revêt une importance primordiale, d'abord par les tourments physiques et moraux qu'elle subit, ensuite par le rôle qu'elle joue jusqu'au terme de l'histoire. Elle est jeune et ce monde qui se prépare, c'est celui dans lequel elle va vivre.
En Amazonie, une fameuse plante – voir la superbe couverture du livre – est capable de concentrer l'énergie solaire à un niveau jamais atteint. Elle apporterait des solutions à tous les problèmes d'énergie que l'homme produit en détruisant l'équilibre naturel planétaire.
Il faut rêver pour innover mais surtout ne pas déranger les pouvoirs établis, les lobbys tout puissants et les intérêts financiers. La partie consacrée au pétrole est captivante et édifiante.
Avec cette histoire à la fois utopique et poétique, Pierre Ducrozet effleure parfois le polar mais aussi la fable tout en sachant pertinemment entrer dans l'intime, livrant des portraits attachants. J'ai bien senti aussi qu'il n'aimait pas trop Paris, un peu Berlin et Lyon où il est né, mais beaucoup Barcelone où il vit ou a vécu.
Le grand vertige, titre bien choisi, c'est celui que nous connaissons tous pour peu que nous acceptions d'ouvrir les yeux et que nous entendions ceux qui nous alertent. le changement climatique est en marche et nous en payons chaque jour le prix, même si, aujourd'hui, une pandémie absorbe l'essentiel de nos préoccupations.
Le livre ayant été écrit avant cette grave crise sanitaire, l'auteur ne pouvait pas y faire allusion mais je pense qu'elle contribue au pessimisme que j'ai éprouvé à la lecture des dernières pages.

Il ne faudrait pas que le grand vertige nous entraîne dans l'abîme. Malgré tout, Pierre Ducrozet réussit à me laisser un peu d'espoir en notre espèce humaine dont il retrace habilement et succinctement toute l'évolution, un peu avant la fin du livre.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          1182
Le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet nous interpelle doublement. Pouvons-nous encore sauver la planète, est-il encore temps et devons-nous choisir pour cela des moyens radicaux?
Adam Thobias, 65 ans, universitaire, pionnier de la pensée écologique, un génie, reçoit à Brighton, dans sa retraite, l'eurodéputé Carlos Outamendi, autour d'une tasse de thé. Trois semaines plus tard, à Bruxelles, il finit par accepter la proposition de ce dernier qui l'invite à prendre la tête de la CICC, Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel et il déclare alors : "il doit y avoir des mesures politiques, des accords internationaux à respecter, mais nous devons surtout nous réinventer".
Le projet est beau et il est tentant de faire partie d'un groupe d'éclaireurs susceptibles d'avoir une véritable influence sur le cours des choses. Pour le mener à bien, Adam fait appel à des ingénieurs, professeurs, voyageurs, botanistes, architectes, géologues, écrivains qui ont tous un jour collaboré avec lui. Ils formeront le réseau Télémaque. Nous en suivrons certains tout au long du roman, notamment Nathan Régnier, l'une des stars mondiale de la microbiologie, Tomas Grøben, Mia Casal, anthropologue, Arthur Bailly, photographe et June, cette jeune fille un peu paumée qui cherche du sens à sa vie et a connu Adam quand elle était enfant. Ils ont pour tâche entre autre de parcourir la planète, virtuellement sur Google Earth par exemple, pour Tomas, de trouver cette fameuse plante si rare qui pourrait révéler une formule porteuse d'espoir, de localiser les industries polluantes, les lieux où la nature est saccagée, de repérer où passe le gigantesque pipeline qui achemine le pétrole du Moyen-Orient vers la Chine, dans l'enfer vert birman...
En dressant un état du monde et en imaginant une réaction face au changement climatique, qui se révèle être un échec, ceci, dans les années 2017, l'auteur nous amène à réfléchir sur l'urgence écologique et à penser qu'il est peut-être déjà trop tard ... La folie des humains ne détruit-elle pas tout, même les meilleures intentions ?
Le grand vertige, c'est ce sentiment dont nous prenons conscience et que ressentent tous ces personnages auxquels on s'attache très rapidement, devant le gâchis que l'homme a engendré.
Ce roman est une saga écolo-humaniste, où réalité et fiction s'entremêlent, un roman d'aventures très rythmé avec une belle rencontre amoureuse entre Mia et June et dans lequel les enjeux géopolitiques sont plus que présents. La longue digression sur la manière dont le pétrole a complètement bouleversé le cours de l'humanité est magnifique. En contant l'histoire de cet or noir, Pierre Ducrozet dit : "Bientôt, il n'y a plus un recoin des consciences, plus une terre, une ambition qui ne soient irriguées par l'inflammable liquide."
Ce roman est découpé en quatre mouvements conçus pour être dessinés, chacun ayant une couleur et un rythme différents.
C'est un livre qui ne peut pas nous laisser insensible. Il nous ouvre les yeux sur une réalité, hélas très noire dans laquelle les politiques jouent un rôle négatif, toujours prêts à prendre des engagements, mais les laissant vite choir pour de intérêts financiers immédiats, prônant encore et toujours une croissance à tout va. Il paraît de plus en plus utopiste de penser que nous pourrons échapper à notre propre destruction. J'aimerais me tromper...
En lisant le grand vertige qui définit notre monde, un monde où le sol s'ouvre sous nos pieds, on ne peut qu'avoir une vision assez pessimiste de l'avenir même si la fin du roman laisse une petite bouffée d'espérance. Il vaut peut-être mieux ne pas abandonner !
Je ne peux que recommander cet auteur au talent incontestable dont le roman L'invention des corps m'avait particulièrement plu et qui avec le grand vertige confirme l'admiration que j'ai pour lui.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          1063
Ils sont quelques uns, une poignée, quatre ou cinq, dix, vingt, peut-être trente, guère plus.
Ils ont été recrutés par un certain Adam Thobias, qu'ils sont croisés ici ou là, à l'occasion de leurs études en Angleterre, d'un colloque, ou par d'autres voies encore. Adam est un homme extraordinaire – certains diront génial, d'autres fou – et il a été placé à la tête de la « CICC », soit la « Commission Internationale pour le Changement Climatique, et pour un nouveau contrat naturel » : tout est dans le titre.

Ils sont réunis au coeur d'une vaste entreprise, quelque chose qui pourrait peut-être sauver la planète. Adam est secondé par la sympathique Chloé Tavernier, belge de nationalité, et recrute son équipe.
Ils sont ingénieurs, chercheurs, botanistes, photographes, ou simplement conscients des dangers du changement climatique. Ils doivent observer, raconter, photographier, rendre compte de l'état de la planète, et renvoyer le tout via une application au nom prometteur : Télémaque.

On suit ainsi June, partie loin de chez elle jusqu'à Calcutta, où elle va croiser – par hasard ? – Mia, envoyée par Adam pour la recruter, qui va partir en direction de la Birmanie. Ce ne sera pas une partie de plaisir : l'aventure va tourner au drame.
Mais finalement la jeune June va s'en sortir.

On suit en parallèle, Nathan, un jeune prodige scientifique, parti à la recherche de LA plante qui pourrait tous nous sauver. Mais Nathan souffre d'un mal étrange. Une tâche dans l'oeil, qui grandit et ne disparaît pas. Effet du stress ? Somatisation ? Elle va subitement disparaître alors qu'il va faire une expérience extrême lors d'une plongée sous-marine.

On va aussi suivre un instant Arthur Bailly, le photographe. Qui se fera arrêter parce qu'il fait, sur commande de Adam Thobias, des photographies d'endroits tenu secrets.

Mia et June vont découvrir l'amour des corps. Avec Nathan, ils vont vivre d'amitié. Mais bientôt June repartira pour rejoindre une petite communauté, au pays de nulle part, qui tente d'appliquer tous les principes qu'ils ont listé sur Télémaque.

On y apprend aussi beaucoup de chose à propos du pétrole, de la façon dont il s'est déposé, pendant un temps infini, et ce que les hommes en ont fait, pendant un temps très court à l'échelle de la planète.

Polar ? Fiction ? Fable écologique ? Manifeste collapsologiste ? Dystopie ?
« le grande vertige » est un peu tout à la fois. Et vertigineux, oui, plutôt.
On pense à Richard Powers et à son roman choral « L'Arbre monde ». Ou à d'autres essais liés à la thématique de l'effondrement – Babelio en fournit d'ailleurs de bonnes listes.


J'avais beaucoup aimé « L'invention des corps », son précédent récit, avec le plaisir de découvrir un nouvel auteur, et de lire un récit mené tambour battant. le rythme ici est un peu plus ralenti, et mon intérêt un peu moindre, même si Pierre Ducrozet pose les vraies bonnes questions : y a-t-il une chance d'inverser le cours des choses ? Des hommes et des femmes de bonne volonté peuvent-ils agir et transformer le monde ? Faut-il agir pacifiquement, en informant les populations, ou bien accepter des actes de l'ordre de la désobéissance civile ?

Si le titre n'était pas déjà pris, « le grand vertige » aurait pu s'appeler « Un autre fin du monde est peut-être possible ». Mais pas sûr. Parce que la fin laisse peu d'espoir – juste une lueur.
Mais maintenant, c'est à nous de nous poser les questions que pose ce roman.
Parce que tout ce n'est plus de la fiction : le constat est bien là.
Alors à nous de jouer.
Commenter  J’apprécie          400
Une équipe de choc pour sauver la planète

Dans le droit fil de ses chroniques pour Libération, Pierre Ducrozet prend le pouls de la planète dans son nouveau roman. le grand vertige retrace le projet fou du «réseau Télémaque», bien décidé à changer le monde.

Face à la montée des revendications et aux craintes de l'opinion sur les questions environnementales, le gouvernement décide d'appuyer la création d'une «Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel». Sollicité pour en prendre la tête, Adam Thobias, qui lutte depuis des décennies pour davantage d'écologie, accepte de relever le défi, même s'il ne semble pas se faire trop d'illusions sur la concrétisation des idées qu'il soumettra aux politiques. Autour de lui, il va rassembler une équipe d'ingénieurs, de professeurs, de voyageurs, de botanistes, d'architectes, de géologues et écrivains d'où émergent quelques personnages haut-en-couleur qui Pierre Ducrozet va nous présenter successivement.
Nathan Régnier, malgré des ennuis de santé récurrents, accepte de se joindre au groupe parce qu'il «est hanté, dès ces jeunes années passées dans les massifs du Labrador, par un mystère. L'organisation en rhizomes des sols, des plantes, des champignons, de l'air, de l'ensemble du vivant et des morts est proprement sidérante, il y a là un mystère et une clef auxquels il sait déjà qu'il devra consacrer son existence».
Mia Casal rejoint fait aussi partie de l'aventure. Anthropologue «post-punk,
écoféministe néo-sorcière», elle est d'une «beauté presque effrayante, des yeux qui vous rentrent dans le crâne, harmonie sévère et mélange mystérieux de gènes qui lui a été légué par une ascendance complexe, père d'Osaka fils d'une Russe et d'un Japonais, mère Brésilienne fille d'un Allemand et d'une Carioca.»
Arrêtons-nous aussi sur June Demany, sa vie faite de familles recomposées, de petits boulots, de grandes révoltes. Un jour, elle prend un avion pour Buenos-Aires où elle a failli se perdre avant de partir pour Ushuaia. «Elle se découvre une montagne de défis: voyager seule, voyager durable, se perdre, se trouver, se ressaisir, ne pas laisser de traces.» Elle se veut libre et renonce à rejoindre l'équipe.
Jusqu'au jour où elle va croiser la route de Mia. Entre les deux jeunes femmes c'est peu de dire que le courant passe. Après une nuit torride, June va se laisser convaincre de faire partie de l'aventure.
Disons enfin un mot sur Tomas Grøben à qui on a confié la mission d'explorer la planète sans bouger de chez lui. Il passe ses journées devant Google Earth à scruter la planète dans ses moindres détails.
Et puis il y a Arthur Bailly, le photographe. « Il dit qu'il est là pour ça. Il observe tout ce qu'on ne voit pas, toutes les misères et les flux qu'on s'échange pour deux sacs, toutes les têtes qui tombent en arrière, les quartiers des vagues à l'âme et des regards absents, les mains qui se tendent et prennent, il voit ce qui s'y échange, quelques grammes d'infini, la mer noire derrière, tous les petits trafics sans nom et les rêves qu'on garde serrés dans la paume.»
Pierre Ducrozet a construit son roman en détaillant d'abord l'équipe du projet avant de passer aux missions qu'Adam Thobias leur confie, tout en restant vague sur la finalité des tâches confiées aux uns et aux autres. Une série de photos à faire pour Arthur, une plante, l'Echomocobo, dont l'étude est confiée à Nathan, l'étude du trajet d'un nouvel oléoduc qui passe en Birmanie pour Mia, accompagnée de June.
Au fur et à mesure que les choses se précisent, le récit gagne en densité. Au projet écologique un peu vague du début - enfin changer le monde - viennent se greffer les services secrets et les grandes manoeuvres géopolitiques. La dimension globale du projet commence à inquiéter, les fouineurs à devenir gênants. En retraçant la grande histoire de l'or noir, on découvre aussi combien cette matière première a charrié de convoitises, de guerres, de coups bas. le tout débouchant sur "un bordel international, état d'alerte maximum".
De la fable écologique, on bascule dans le roman noir mêlé d'espionnage, le tout agrémenté de machinations politiques pour s'assurer la mainmise sur les matières premières. Un combat de coqs qui «font avancer les choses vers leur inévitable cours, celui de la bêtise et de la destruction».
Et alors qu'Adam dévoile son vrai visage et le réel but de son «Réseau Télémaque», l'équipe découvre qu'elle a été manipulée. L'épilogue de cette géopolitique de l'écologie vous surprendra sans doute. Mais Pierre Ducrozet aura ainsi réussi haut la main son pari: vous faire réfléchir aux enjeux qui vont déterminer l'avenir de la planète et celui des générations futures.


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          361
L'accumulation des ressources a façonné l'histoire du monde : le charbon au XIXième siècle et le pétrole au XXième (une magnifique épopée racontée pages 137-154 – ça vaut « La face cachée du pétrole » d'Éric Laurent). Et au XXIième ? le lithium ! La Bolivie peut commencer à trembler (Elon Musk a dit qu'il était prêt au coup d'état, si nécessaire). Il faut présager le pire car un des grands enjeux de demain, c'est l'exploitation et le stockage de l'énergie « propre ». Pierre Ducrozet pose la question avec son roman : les hommes joindront-ils leurs forces pour garantir l'avenir du plus grand nombre ? Votre tendance à répondre oui ou non déterminera votre caractère : optimiste ou pessimiste.
Mais à la lecture du Grand Vertige, on verra le verre à moitié vide. L'appât du gain freine les ardeurs écologiques. Pourtant, le désir d'une ère nouvelle est fort : « Elle voudrait trouver une manière d'être au monde qui ne soit ni prédatrice, ni autoritaire, ni arrogante ». On retrouve le thème cher à Michel Serres (p191) et qu'il avait développé dès 1990 dans son livre « le contrat naturel » : l'homme a désormais la capacité de scier la branche sur laquelle il a niché.
Personne n'écoute, on désespère… cette envie de tout faire péter, de tout réinventer, comme au premier jour : « Sur ces bâtiments détruits ou simplement mis hors d'usage, nous pourrions bâtir quelque chose de neuf ».
Le salut pourrait venir d'une invention, d'une plante qui mange le soleil par exemple, mais pourquoi toujours souhaiter la rupture technologique alors qu'il suffirait de s'inscrire dans le mouvement du monde. Se fondre dans le décor, au lieu d'y foncer.
On pourra regretter quelques facilités dans l'intrigue, quelques largesses dans l'action (comme dans un James Bond). Une broutille au regard du plaisir de lecture procuré par ce roman. On voyage, on s'instruit, on réfléchit, et on passe un excellent moment.
Bilan : 🌹🌹
Commenter  J’apprécie          310
En ce moment, dans les livres, il me faut plus que des mots, plus qu'une histoire. Il me faut de la complexité, une recherche de sens, quelque chose qui tient de la géométrie dans l'espace plutôt que de la géométrie plane. Des dimensions multiples. Il me faut le grand vertige, la carte du monde que l'auteur semble dessiner à toute vitesse, sur un écran 3D, le voyage dans l'espace-temps entre un puits sans fond et l'infini de la voie lactée. Il porte bien son titre, ce roman qui m'a précipitée dans le vide, m'a aspirée dans la canopée, m'a perdue dans le désert, ballotée de question en question, de sentiment de colère en sensation d'impuissance. M'a parfois donné la nausée. J'en suis sortie un peu sonnée, groggy. Un poil plus désespérée qu'en y entrant. Mais très impressionnée.

Pierre Ducrozet imagine qu'en 2016, les principaux dirigeants du monde ont enfin compris l'urgence d'agir pour le climat et chargent l'un des militants les plus actifs de la pensée écologique, Adam Thobias de créer et diriger une "Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel". Pendant plusieurs mois, il réunit les meilleurs spécialistes dans leur domaine et les envoie aux quatre coins de la planète récolter informations, échantillons, témoignages, idées novatrices... Recueillir une matière phénoménale, l'analyser et imaginer les solutions durables pour changer les modes de vie, épargner les ressources. Utopie ? Pas sûr pense Nathan, persuadé que la solution viendra des plantes et du miracle permanent de la photosynthèse. Passe-temps de riche ? Bof, pourquoi ne pas profiter des voyages se dit June, vingt ans et déjà presque plus d'illusion. Ils sont plusieurs à s'impliquer, à communiquer via le réseau Télémaque et à se persuader qu'ils peuvent changer le monde. Oui, mais le monde veut-il être changé ?

Il y a des pages magnifiques dans ce livre et d'autres d'une noirceur absolue. Il y a le vert infini, nourricier et le noir du pétrole symbole de tous les maux ; le bleu des océans, source de vie et le rouge des incendies et des guerres qui ravagent la planète. Il y a la folie destructrice de l'homme, mise en évidence le temps de quelques pages d'histoire. Là où l'homme passe, le reste trépasse... "Tout le parcours de l'intelligence humaine a été de figer et de saisir depuis l'extérieur des choses, quand il s'agirait d'en faire partie". Mais il y a surtout chez Pierre Ducrozet une façon incroyable d'alterner les rythmes et les tonalités, de jouer sur tous les registres musicaux, de passer de la poésie d'une immersion dans la jungle à la furie de la course au pétrole et du capitalisme.

J'ai retrouvé dans ce roman, l'ambition d'un Richard Powers (L'Arbre-monde), la puissance du propos de Pascal Manoukian dans le Cercle des Hommes (notamment la question de la sédentarité vs le nomadisme) et le questionnement d'auteurs engagés comme Camille Brunel (La guérilla des animaux) sur les moyens à utiliser pour parvenir à ses fins. Mais il y a quelque chose de profondément désenchanté dans le grand vertige, comme si les cyniques avaient déjà gagné la partie, décourageant ainsi les meilleures volontés. A moins que l'auteur n'ait cherché à éveiller les consciences, à provoquer un sursaut ? Mais que peut la littérature, même excellente, face à la puissance des forces destructrices à l'oeuvre ? Vous savez quoi ? Lisez le grand vertige, ce sera peut-être le début du commencement d'autre chose.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          298
“Nous sommes en proie à un grand vertige : le sol sous nos pieds s'évase, le ciel au-dessus se trouble. Plus rien ne tient, tout bouge. Dès lors, à quoi nous retenir ? Ni nos valeurs ni notre passé ne nous sont plus utiles. Face à ce tremblement de toute chose, nous devons tout revoir – et faire table rase.”

Adam Thobias, l'un des personnages de ce roman ambitieux, est un activiste écologique de la première heure. Cette citation est censée être extraite d'un de ses livres-phares, "Tremblements", publié en 2009, dans lequel il exposait sa synthèse de la situation dramatique et inédite à laquelle est confrontée toute l'humanité.
Depuis, il s'est retiré de la vie publique, ayant conclu que la volonté politique de changer les choses avant qu'il ne soit trop tard n'était que faux-semblants. Un émissaire européen vient le voir dans sa retraite pour lui proposer de présider une commission que souhaite mettre en place Bruxelles, à l'intitulé ronflant de Commission Internationale sur le Changement Climatique et pour un nouveau contrat naturel. Et qui, promis-juré, sera dotée de grands moyens...

Adam Thobias se laisse convaincre de revenir en politique. Mais il créée rapidement un mystérieux groupe informel, le réseau Télémaque, constitué de personnages brillants mais atypiques... A-t'il l'intention de jouer le jeu de cette nouvelle commission, qui, il est vrai, lui donne toute latitude, ou bien de la subvertir ?

Ce roman est sans cesse en mouvement, à l'image de ses personnages qui pour la plupart étouffent et craquent dans leurs vies, qui leur paraissent si intolérablement étroites. Ils passent furtivement d'un continent à l'autre, s'aiment parfois et pourtant se séparent. le vertige, c'est aussi le lecteur qui l'éprouve devant ce ballet qui se danse autour du monde, dans ce 2017 en partie uchronique.

C'est aussi une volonté de l'auteur de tenter de saisir l'esprit de l'époque dans son entièreté, du vivant, du possible et du mort, entreprise à l'évidence difficile à tenir. Tout dans ce roman ne m'a donc pas convaincu.

Le style de Pierre Ducrozet, dont c'est le premier livre que je lis, est ici ébouriffé. Il se caractérise par des envolées très maîtrisées, suivies de passages plus factuels. Une voix très originale, indéniablement.

Ce roman m'a été adressé par les éditions Actes Sud à la suite de la dernière opération Masse Critique de Babelio, et je les en remercie vivement.
Commenter  J’apprécie          231
Roman qui nous délivre un constat réaliste et étayé de l'état de l'écosystème Terre.
Un homme reconnu et apprécié, Adam Thobias, est las des recommandations non appliquées malgré les seuils écologiques franchis et les signaux d'alarme envoyés par le système Terre. Devant l'inertie des gouvernements et des citoyens et face à l'urgence de la situation, il met au point un plan et choisit une voie extrême espérant déclencher une réaction collective.
Le style est agréable et cela donne un bon moment de lecture. Par contre, j'ai moyennement adhéré à l'intrigue qui souffre à mon goût d'un faux rythme.
Commenter  J’apprécie          200
Et si… je n'arrivais pas à mettre une note à ma dernière lecture ?
Et si… j'oscillais entre 4 et 2, car mettre 3 c'est la solution de facilité pour pas trop se mouiller, et mettre 1 ou 5 c'est argumenter de façon exhaustive le pour ou le contre ?
Et si… j'étais en panne de mots pour exprimer mes sentiments à l'égard du livre de Pierre Ducrozet ?
Et si… je ne mettais pas de note pour une fois ?
Et si… je vous parlais plutôt de Rob Hopkins et de son livre éponyme : « Et si… ? »
Le pouvoir de changer les choses en profondeur est entre nos mains ?
Pour vaincre le changement climatique, Rob Hopkins estime essentiel de reconstruire, réparer et faire s'épanouir notre imagination, individuelle comme collective.
Doux rêveur ? Un nouveau cap pour « Le bateau ivre » ?

P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non, l'oscillateur est à fond, la tête me tourne, il me l'a foutu, son grand vertige !
L'aiguille n'arrive pas à se fixer, c'est décidé, je ne mets pas de note.

Après avoir fait plusieurs tours du monde, - « Je crois que l'on voyage pour ne pas oublier ce que c'est que d'avoir un corps » -, Pierre Ducrozet entreprend d'écrire un livre en s'inspirant de la pensée du philosophe et anthropologue Bruno Latour, expliquée dans « Face à Gaïa ».
Les humains ont toujours opposé nature et culture. Pour Latour, Gaïa est « un système fragile et complexe par lequel les phénomènes vivants modifient la Terre ».
Il propose de créer une assemblée des terrestres avec des représentants de tous les êtres vivants, humains, faune, flore et minéraux, pour mieux comprendre les interactions entre les composants de la Terre et pleinement saisir l'avènement de l'anthropocène.
Ducrozet considère qu'il devient urgent, aujourd'hui, de repenser tout, les manières de vivre, de se déplacer, d'habiter le monde. Il croit à la possibilité de se réinventer et de « faire société ».
Le personnage principal de son livre, Adam Thobias, est un scientifique romancier, en quelque sorte un Bruno Latour imaginaire, qui décide de passer à l'acte et de chercher comment habiter le monde autrement. Il crée le réseau « Télémaque », celui qui se bat au loin, en référence au fils d'Ulysse.
C'est une commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel.
Essentiellement alimentée avec des fonds européens, elle va envoyer aux quatre coins du monde différentes personnalités. Parmi elles, un botaniste spécialisé en micro-biologie, un informaticien googlearthien, un anthropologue, un photographe et la fille adoptive d'Adam Thobias.
Tous ces gens devront témoigner à leur manière des dégâts climatiques pour que la commission trouve des solutions réparatrices.
S'ensuit un thriller écologique où les relations personnelles interfèrent avec les missions planétaires. Avec, à mes yeux, un cruel manque de crédibilité.
Envoyer un botaniste, un seul, pour recenser l'ensemble des espèces existantes, y a vraiment de quoi qu'il se plante !
L'abondance de protagonistes entraîne une multiplicité de points de vue variés, mais une disparité qui nuit à la cohésion de l'ensemble.
Le fil conducteur est dilué dans la masse de données, les personnages sont froids, il m'a manqué le principal, ce qui fait le charme d'un bon livre, l'émotion.
Le titre est finalement bien trouvé, ce bouquin procure un grand vertige.
Vert, tige, la solution viendrait d'une plante capable de concentrer l'énergie solaire. J'attendais des explications scientifiques cohérentes, je n'en ai pas trouvé. On m'avait promis une course poursuite, une chasse au trésor, je n'ai ressenti que désillusion et abattement.
June, le personnage clé du roman, le déclare : « Tout cela n'aura servi à rien, c'était perdu d'avance. »
Tout repenser, habiter le monde, faire société.
Je cherchais l'éclosion d'un bourgeon, j'attendais le parfum d'une fleur.
J'at-tige. Sévère. le brin d'émotion est resté en jachère.
Pendant ce temps, le Canada est à l'agonie, le Manitoba ne répond plus. On nous a encore mené en bateau.
Je viens d'apprendre que Cyril Dion vient d'en faire une adaptation cinématographique qui sortira à la rentrée. Curieux de savoir ce qu'il en aura retenu.
Et si… j'étais complètement passé à côté ?
En tout cas, pas d'unanimité dans les notes émises sur Babelio, je me conforte dans l'idée que mon non choix peut être compris, ma curiosité m'incite à lire quelques autres critiques, pour essayer d ‘apaiser « le grand vertige ».



Commenter  J’apprécie          192
Ecriture complexe, sujets complexes aussi, ceux de l'écologie et de la politique et un homme qui a su voir le danger venir depuis des décennies et qui voue sa vie à prévenir les autres du danger d'un réchauffement climatique. Cet homme n'est pas un super-héros, ni un héros, c'est un type tout ce qu'il y a de plus banal et c'est bien là sa force. Adam Thobias est sollicité pour prendre la tête d'une commission internationale sur le changement climatique, il se doute de l'entourloupe et le lecteur aussi, pourtant il fera son travail sérieusement. Ce brillant dissident s'entourera de scientifique autant que de voyageurs. J'ai adoré cette lecture, qui va dans le sens de ce que je pense (et espère) de l'urgence climatique. Cela fait des décennies qu'on nous en parle, souvent à deux doigts d'agir les politiques font volte-face quand la décision vient à se prendre.
Le roman, tiendrait presque de l'essai politico-scientifique tant l'intrigue sonne juste. le rythme est bon, calme mais suffisamment intéressant pour maintenir le lecteur les yeux sur le bouquin. L'auteur questionne le sens de notre course effrénée vers notre fin, il se démarque par l'approche qu'il a du livre. Il m'a beaucoup plu mais c'est le genre de livre que je veut partager et non garder pour moi, il voyagera donc, ayant une autre vie, recyclé par les mains d'un inconnu.
Commenter  J’apprécie          120




Lecteurs (388) Voir plus



Quiz Voir plus

L'écologiste mystère

Quel mot concerne à la fois le métro, le papier, les arbres et les galères ?

voile
branche
rame
bois

11 questions
254 lecteurs ont répondu
Thèmes : écologie , developpement durable , Consommation durable , protection de la nature , protection animale , protection de l'environnement , pédagogie , mers et océansCréer un quiz sur ce livre

{* *}