Ce n'est pas vraiment une oeuvre originale puisque, ici,
Alexandre Dumas fait un travail de compilateur, reprenant quatre récits plus ou moins célèbres de naufrages à partir de témoignages directs, de récits de témoins ; textes qu'un historien qualifierait de sources. On sait donc dès le début que certains personnages vont survivre, puisqu'ils ont pu écrire...
Mais Dumas est un grand conteur, et il arrive à mettre du suspense et de l'épique en décrivant une tempête dans toutes ses étapes, en montrant un navire brûler peu à peu et risquer de sombrer. Il nous fait frisonner aussi quand il évoque la potentialité du cannibalisme, les souffrances de la soif pour les naufragés abrités dans un canot qui subissent aussi le chaud et le froid.
Cependant, ce que j'ai trouvé le plus intéressant avec un regard d'historienne, ce sont les relations entre les naufragés - qui appartiennent à chaque fois aux grandes marines du temps, la Compagnie des Indes néerlandaises au XVI ème siècle, à la Compagnie des Indes orientales anglaise ou à la Navy, la marine de guerre britannique au XIX ème siècle - et les peuples des terres sur lesquelles ils accostent. Dans une perspective d'histoire coloniale, les descriptions doivent être contextualisées. Ainsi, d'après le récit du naufrage d'un navire français au XVIII ème siècle en Nouvelle-Zélande dans la baie des Meurtriers au nom évocateur - j'ai cherché, elle existe vraiment, l'histoire racontée s'appuie bien sur des faits réels, les peuples Maoris sont ainsi décrits comme des sauvages cannibales, traîtres, menteurs, sans religion, sans principe, sans culture. On voit également en creux l'importance de l'économie : tous ces navires ne sont pas des explorateurs, mais des navires commerciaux, qui cherchent des valeurs à exploiter dans ces territoires qui ne sont encore que des comptoirs, mais qui se transforment peu à peu en colonies.
A lire donc pour frissonner et pour les aspects historiques.