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EAN : 9791090724518
800 pages
Monsieur Toussaint Louverture (04/10/2018)
4.29/5   126 notes
Résumé :
Vibrante peinture des relations humaines au coeur de l’Amérique des années soixante, Les Frères K nous emporte avec tendresse dans les méandres de la famille Chance. Entre un père aux rêves brisés et une mère obsédée par la religion, entre sirènes de la liberté et fanatisme, les enfants devront choisir leur propre manière d’appréhender un monde en pleine effervescence. Si Everett, l’aîné rebelle, cherche à renverser toute forme d’autorité, Peter, l’intello bohème, t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Non je n'ai pas oublié une partie du titre, non cela ne se passe pas en Russie, mais aux États-Unis, ceux de la guerre froide et de celle du Vietnam, ceux aussi des religions (un pays dont le président prête toujours serment sur la bible), poussées parfois à l'extrême, le base-ball n'en étant pas la moindre.

On m'aurait dit que j'apprécierais autant un livre parlant de ce sport, détaillant dans certains chapitres (heureusement en petit nombre) les matches, les différents coups, les vedettes de ce sport, je n'y aurais pas cru. Et rassurez-vous, je ressors de ce livre, sans en comprendre beaucoup plus sur ce sport, et sans me sentir capable de l'apprécier... Au contraire du livre.
Et je m'aperçois en rédigeant ce billet qu'il m'a frappée durablement, Il m'a fallu quasiment deux jours pour en réattaquer un autre qui m'a paru bien fade, et j'attends rarement autant pour rédiger, et sur celui-ci, tout est encore dans ma tête, alors que je l'avais terminé quatre jours avant d'écrire ces mots. Et j'ai rajouté une demie-étoile constatant cette empreinte durable en moi.

Que nous décrit donc l'auteur ? La vie d'une famille, racontée par le quatrième fils, principalement, même si certaines parties sont relatées sous formes de lettres, échangées entre les différents membres et leurs proches. Une famille toute simple, pas très riche, quatre fils, 2 jumelles à suivre, une grand-mère paternelle, ayant gardé sa nationalité anglaise, quelques oncles et tante côté maternel. Et puis il y aura au fur et à mesure l'ajout de quelques belles-filles …
Et alors, que se passe-t-il dans cette famille. Beaucoup de choses, comme dans toute famille sans doute. La vie est rarement un long fleuve tranquille, et ici les tensions, les heurts sont avivés par l'importance de la religion dans la vie de Laura, la mère, qui fait partie d'un mouvement plutôt strict, la religion adventiste, sur les règles à observer, ce qui la mène parfois à des réactions excessives, que l'on a du mal à supporter. Et il faudra arriver à la toute fin du livre pour mieux comprendre la raison de son attachement pour cette église.
Et le père s'il échappe à l'endoctrinement des religions « traditionnelles » sera cependant gouverné toute sa vie par son attachement, à ce qui beaucoup d'Américains et lui en particulier, s'apparente à une religion : le base-ball. La plupart des décisions qui vont engager sa vie et par ricochet, celle de sa famille seront dictées par ce sport.

Ne fuyez pas, ennemis de toutes religions et du base-ball. Ces deux univers sont la partie émergée de l'iceberg. Mais ce qui compte, et ce qui m'a marquée dans ce livre et qui fait que malgré quelques longueurs ici où là, malgré la taille du pavé, j'ai aimé vivre dans cette famille, en faire partie pendant quelques jours, ce sont l'amour et l'humour.
L'amour est là, à chaque moment dans ce livre, les rapports familiaux infiniment bien décrits, analysés avec finesse, dans toute leur complexité, entre parents, entre les parents et leurs enfants, et surtout entre les membres de la fratrie. Ils pourront toujours, malgré des brouilles passagères, malgré des éloignements volontaires ou forcés, compter les uns sur les autres. La solidarité familiale n'est pas un vain mot, et elle saura toujours pallier le manque de souplesse, de compréhension des autorités, incapables de s'adapter aux particularités de chacun.
Et puis, tout ce livre est bourré d'humour, j'ai très souvent souri, j'ai aimé le ton de l'auteur, la façon dont sont relatés les évènements, interdiction de se prendre au sérieux, chacun doit rester capable de traiter ses malheurs par la dérision. L'humour est la politesse du désespoir.

J'ai aimé avec cette famille, j'ai ri, j'ai souffert, j'ai même versé une petite larme. Je suis passée par beaucoup d'émotions, je me suis identifiée à certains de ces membres tour à tour. Ce livre renferme tout ce que j'aime chez certains auteurs américains, cette capacité à nous intégrer dans le récit, dans la vie de ses personnages. Et comme n'importe quel membre de la famille, je n'ai pas forcement tout compris, tout admis, tout partagé, mais je le vivais avec eux. J'ai été une Chance pendant quelques jours et je les ai quittés à regret.

Merci à mes compagnons 4bis, Nicolak, HundredDreams, pour cette lecture commune, et surtout à Yaena qui nous a encouragés à lire ce livre, que je n'aurais pas choisi spontanément. Il parait qu'un certain Bernard cherche toujours le livre ...

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Au fil de ma lecture je me disais que le livre évoquait ça, parlait de ceci, abordait cela. Puis je n'étais plus certaine, non il parlait plutôt de ça, sans oublier cette thématique là. Puis j'ai compris : ce livre est à l'image de la famille. On connaît chaque membre en long, en large et en travers, on a grandit à leurs côtés on sait qui ils sont. Et puis un jour un détail, un petit non dit, quelque chose dont on devine les contours flous nous fait prendre conscience qu'on ne connaît que la face émergée de l'iceberg. Parfois une minuscule révélation éclaire tout d'un jour nouveau. Ce livre m'a fait cet effet. L'impression de faire partie de la famille Chance, d'en être un membre à part entière et de connaître chacun des autrs membres sous tous les angles, toutes ses facettes. Mais une personne aussi proche soit-elle reste un apeirogon : le nombre de facettes est infini.

J'ai été emportée par l'histoire de cette famille dont les membres tour à tour, voir simultanément, s'aiment, s'admirent, se déchirent, ne se comprennent plus, se connaissent pas coeur, ne se reconnaissent plus, se connaissent trop bien jusqu'à ce que l'adversité révèle la vraie nature de chacun et des liens qui les unissent. Cette famille c'est celle des Frères K : Everett, Peter, Irwing, Kincaid mais aussi de leurs soeurs Freddy et Bet et de leurs parents Hugh et Laura Chance.

Laura est un membre actif de l'Église adventiste aux tendances fanatique. Malgré cet aspect qui aurait pu me rebuter je l'ai trouvé terriblement attachante de par sa force et sa terrible fragilité. Une duplicité qui intrigue. Hugh est un brave type simple et honnête, franc et chaleureux, un patriarche qui force le respect et l'admiration de tous. C'est surtout un joueur de baseball passionné même si sa famille passe avant tout. Son abnégation, son dévouement et son côté entier m'ont fait penser au personnage principal de Mémoire d'un lutteur de Sumo. Hugh ne joue pas pour la gloire ou la célébrité il joue parce que sans ça il n'est pas complet, il n'est plus lui même. Everett est l'aîné et le rebelle de la famille, défiant l'autorité parentale, l'État, les institution et Dieu en personne. C'est un personnage croustillant et attachant par le regard qu'il pose sur lui même. Peter est le sage, influencé par le bouddhisme c'est un être tout en spiritualité, jusqu'au-boutiste qui n'a de cesse de se chercher avec sincérité. Irwing est le rayon de soleil de la famille, la force tranquille et la simplicité. Il y a quelque chose d'angélique chez lui. Kincaid est notre narrateur, du moins la plupart du temps, c'est le gars lambda auquel le lecteur s'identifie. Il regarde sa famille grandir et évoluer. Grace à lui le lecteur fait partie de la famille. Enfin il y a les jumelles Freddy et Bet très différentes l'une de l'autre elles partagent avec leurs frères un attachement profond pour leur famille.

A travers ces personnages l'auteur nous rappelle que nous sommes pétris par nos expériences et que nos fêlures et nos faiblesses nous construisent et nous définissent tout autant que nos réussites. Il nous offre un livre bourré d'émotions, de joie, de peines, de colère, de rébellion, d'acceptation, de combativité et d'amour. de l'amour plein de pudeur, de vérité, jamais mièvre, jamais terne. Ce livre est tellement riche et foisonnant qu'il est impossible d'être exhaustif. C'est touchant, joyeux, triste et surtout addictif. 800 pages que je n'ai pas vu passer. 800 pages alternant la narration de Kincaid, les rédactions puis les lettres d'Irwing, celles d'Everett, les questionnements de Peter, le regard des uns sur les autres. le résultat est un coeur de lecteur bouleversé qui chavire pour chaque membre de cette famille. Au moment de les quitter je me sens à la fois un peu triste et esseulée.

Un vrai coup de soleil. Non je n'ai pas voulu dire coup de coeur mais bien coup de soleil parce que cette lecture réchauffe l'âme et le coeur et réconforte comme un rayon de soleil quand il fait froid.
Merci à ma copine HordeDuContrevent pour cette découverte!
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Ce roman est clairement un livre que je n'aurais pas lu de ma propre initiative à la seule lecture du résumé. En effet, le baseball et la religion sont au centre de cette oeuvre de plus de 800 pages, deux thèmes pour lesquels je n'ai que peu d'intérêt.
Alors si je l'ai lu, c'est parce que les mots de Doriane (@Yaena) m'ont convaincue qu'entre ses lignes se cachait un roman lumineux et chaleureux, servi par de beaux personnages, touchants par leurs fragilités et leur histoire.

Alors, lorsque l'on m'a proposée de participer à une lecture commune autour de ce roman, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais. J'aime la convivialité des lectures partagées, elles permettent d'aller vers des romans pour lesquels on a parfois un à priori, une appréhension …, d'élargir sa propre vision du livre par le croisement des différents ressentis, d'envisager d'autres dimensions à l'histoire.
Ce roman s'y prête totalement car il est dense, riche, avec une intrigue difficile à anticiper qui le rend particulièrement addictif.

*
Une grande partie du récit se déroule aux Etats-Unis dans les années 60 et 70.

Ce que j'ai trouvé particulièrement réussi est le développement des personnages de l'enfance à l'âge adulte et la manière dont l'écriture, à hauteur d'enfant au début, s'adapte et évolue, devenant plus mature au fil de la lecture.
Les personnages sont magnifiquement incarnés, complexes dans leur psychologie. Leurs personnalités s'affinent progressivement, se développant remarquablement, notamment autour de relations familiales difficiles, complexes et tendues.

« Nous étions jeunes. Nous étions arrogants. Nous étions ridicules. Parfois nous allions trop loin. Nous étions stupides. Nous avions souvent des engueulades. Mais nous avions aussi raison. »
ABBIE HOFFMAN

Principalement raconté par Kincaid, le plus jeune fils de la famille Chance, elle propose un tableau assez exhaustif de la société américaine à travers son regard. Mais très étrangement, même si j'ai ressenti sa vivacité d'esprit, son empathie, son altruisme, sa capacité à cerner les gens, son humour teinté d'ironie et de tendresse, je n'ai pas eu l'impression de le connaître intimement, en tous les cas, pas autant que ses trois autres frères.
J'ai eu beaucoup de plaisir à suivre ses frères avec qui on sent une proximité et un attachement : l'aîné, Everett, anarchiste, irrévérencieux, un rebelle au grand coeur ; Peter, intelligent, rêveur, absorbé dans ses livres ; et Irwin, le plus doux, croyant et sensible.
J'ai aimé voir grandir les enfants de la famille Chance, voir leur identité se dévoiler, leur personnalité s'affirmer pour trouver leur place au sein de leur famille et dans la société américaine.

Il me reste à parler des parents autour desquels s'articulent tous leurs enfants, leurs quatre garçons et leurs deux petites jumelles. Leur vie est cantonnée dans les extrêmes.
Hugh Chance, un joueur de baseball, voit sa carrière professionnelle détruite après un accident du travail qui va l'handicaper. Sa femme Laura est une adventiste du septième jour, une femme au fort caractère, intransigeante, dévouée à son église ; chaque jour plus fanatique et acharnée que jamais, elle tente d'entraîner toute sa famille dans sa « folie ».
Alors, en grandissant, chacun des enfants choisit son chemin qui apporte son lot d'épreuves. Toutefois, au final, la famille, l'amour, le courage et le sacrifice, seront les clés qui les uniront.

*
Les tensions familiales permettent de développer dès le début des thématiques fortes autour du baseball et de la foi jusqu'à l'extrémisme religieux, puis de voir se dessiner d'autres débats autour de la politique et des problèmes sociétaux, des questions morales, du libre arbitre et de la liberté d'expression.

*
C'est un livre très long, mais l'intrigue est bien rythmée et l'écriture est simple, fluide, plaisante à lire. Les seuls temps morts où j'ai décroché, et c'est très personnel, sont les passages où il était question de baseball. Mais ils s'estompent après la moitié du roman pour ne devenir que secondaires. Pourtant, ce thème est loin d'être inintéressant car le baseball est un des sports les plus emblématiques de l'Amérique et est très représentatif de la société et de la culture américaine.

Ce que je retiens principalement de ce roman est la force de l'écriture de David James Duncan : cette famille est terriblement dysfonctionnelle et pourtant, elle s'unit face aux drames. Cela se ressent aussi à la façon dont les voix secondaires se mêlent à celle de Kincaid.
L'auteur a cette habileté incroyable à accompagner l'action dramatique et à rendre fortes, les émotions de ses personnages. J'ai ressenti dans l'écriture de la tristesse, de la nostalgie, de la douleur et du chagrin, mais également de l'amour, de la tendresse, du respect et du courage.

*
Alors, malgré le fait que je n'y connaisse rien au baseball, que je n'aime pas du tout le sport, le destin de cette famille m'a touchée. Cette lecture m'a fait rire, elle m'a réconfortée et déprimée l'instant d'après. Parfois, mes yeux se sont embués de larmes devant tant de bêtise humaine.
Et puis, le dernier quart du roman est tout simplement magnifique, les drames qui se jouent sont excessivement prenants et émouvants.
Je suis séduite, encore une fois, malgré sa longueur, par ce roman de la très belle maison d'édition Monsieur Toussaint Louverture et je vous encourage, si vous aimez les beaux pavés, les belles émotions, à rencontrer les Frères K.
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La recette des Frères K, elle est toute simple, je vous la donne (notez) : dans un grand récipient, mais alors grand grand genre piscine olympique, mélangez sport (base-ball de préférence mais vous pouvez y mettre une pincée d'athlétisme pour la fantaisie) histoire, amour, religion (là par contre c'est serré, optez uniquement pour l'Église adventiste du 7e jour et le Bouddhisme), guerre et politique. Une fois fait, ajoutez-y les Chance, famille typiquement américaine des années 60 : père, mère, quatre garçons, deux filles. Fouettez, touillez, secouez, battez et vous devriez obtenir le grand roman de David James Duncan, le petit dernier de chez Monsieur Toussaint Louverture que, à condition d'avoir bien suivi la recette, vous allez déguster en rigolant, pleurant, enrageant, vous indignant, reprenant goût à la vie, le perdant, le retrouvant, etc.
Parce que, surprise, D.J. Duncan n'a pas mis que des mots dans son livre, il y a aussi collé des tranches d'émotions en si grand nombre qu'on se les prend en pleine figure au détour de chaque page, et il y en a presque 800. En clair, ne pas s'attendre à une lecture-fleuve-tranquille.

Alors oui c'est vrai, la première moitié de ce chef-d'oeuvre (je pèse mes mots) parle beaucoup, beaucoup de base-ball et si on y est allergique, ça risque d'être laborieux mais Chance (!!) pour moi, j'adore ce sport, seulement à part les règles de base, je n'y connais pas grand chose et je regarde des matchs en restant totalement hermétique à bon nombre d'actions mais Les Frères K sont arrivés et ont contribué à l'amélioration de mes squelettiques connaissances dans une proportion non négligeable (presque sûre de pouvoir maintenant assister à un match et en apprécier facilement les 3/4).
Une fois ce premier gros morceau passé, on y revient parfois mais de façon plus anecdotique en comparaison de son omniprésence au départ et la seconde partie s'étoffe dans les thèmes abordés, entre guerre (du Vietnam, des psaumes et familiale) amour (religieux, sauveur et familial), contestation et littérature (russe surtout, Dostoïevski en général et ses Frères K. en particulier)
Alors qu'importe que l'on aime le base-ball ou non, ce monument littéraire est avant tout l'histoire d'une famille de la classe moyenne qui apprend à surmonter ses guerres intestines et les difficultés extérieures, une famille que David James Duncan n'hésite pas à malmener entre belligérance, viols et électrochocs pour nous rappeler la puissance de l'amour filial, à quel point rien ne lui est irréalisable pour peu qu'on l'accepte et qu'on accepte ses proches avec leurs câblages différents, leurs défauts et leurs irritantes obsessions.

Et si à l'ouverture de ce livre on croit faire un fabuleux voyage, loin, entre Washington, le Vietnam, les Indes et le Canada, on se rend rapidement compte que ce voyage est avant tout intérieur parce que les Frères K, ça parle de nos mères, de nos pères, de nos soeurs et de nos frères et qu'importe qu'on en ait ou non, on s'en fout, les Frères K, ça parle de nous, de nos vies, de nos choix, de nos erreurs, de nos amours et de nos pardons et ça nous rappelle enfin que notre séjour est court, que certains fardeaux sont inutiles et qu'il peut être bon parfois d'en laisser quelques uns derrière nous pour ne plus jamais y revenir.
Tout ça dans un livre qui n'en a pas fini avec moi, loin de là. Comme il va être difficile maintenant d'enchaîner sur autre chose.

En guise de conclusion, un merci qui ne sera jamais assez balèze à Babelio, à Dominique Bordes et aux Éditions MTL dans leur ensemble : de tous vos trésors, j'avais placé "La Maison dans laquelle" au sommet de la cime du pinacle ; j'ai bien l'impression que les Frères K vont aller lui tenir compagnie.
Merci aussi à la famille Chance qui nous rappelle qu'on peut, parfois, tomber amoureux d'un livre.
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Doriane (@Yaena) avait beaucoup aimé ce roman et la chaleur avec laquelle elle nous l'avait recommandé valait bien que je me plonge à mon tour dans les aventures de la famille Chance. En charmante compagnie (Anne-Sophie, Sandrine, Nico et Berni (en léger différé pour ce dernier) dans une parfaite dream team), j'ai donc passé quelques heures à… perfectionner mon base-ball. Ou plus exactement à ne rien comprendre au base-ball, à le regretter d'abord, m'en agacer ensuite et lâcher purement l'affaire pour finir.
Dans les années 60 puis 70, Hugh Chance est l'heureux père de six enfants. Quatre garçons d'abord, parmi lesquels le narrateur, petit dernier de cette équipe masculine et deux filles jumelles ensuite. La passion d'Hugh, que dis-je, sa vie entière, c'est le base-ball. Doué d'un certain talent, d'une grande persévérance et d'une guigne incroyable, il va traverser son existence aimanté par ce sport, se jouant plus ou moins adroitement des obstacles qui se dresseront entre lui et sa pratique. Laura, la mère de cette belle tribu, est aspirée par un autre culte. Depuis toute jeune, et pour des raisons essentielles, elle voue à l'église évangéliste des adventistes un amour inconditionnel. Malgré les aspects dangereusement sectaires de certaines pratiques.
Avec de tels parents, la fratrie grandit entourée de grands idéaux aussi contradictoires qu'impérieux et une grande partie du plaisir de lecture réside dans les scènes de familles, les disputes, farces et estocades entre frangins qui émaillent les pages. Car, non contents d'avoir ces particularités incompatibles comme caractéristiques, la famille Chance cultive également avec soin l'originalité fondamentale de chacun de ses membres. Ajoutez quelques camarades impossibles, de la bière, un service religieux grandiloquent, un goût tout à fait d'époque pour le bouddhisme et l'Inde pour Peter, les meetings enfumés et les décisions idiotes pour Everett, une foi naïve combinée à un solide appétit pour la vie chez Irwin, la guerre du Viêt-Nam, quelques histoires d'amour et vous aurez les principaux ingrédients de ce roman 100% made in USA.
Est-ce que j'ai aimé ? Eh bien, j'ai trouvé ça un peu long et assez sympathique. Mais jamais je n'ai eu l'impression de franchir l'Atlantique. Ce livre, je l'ai lu depuis mon chez moi, incapable de rentrer dans les mentalités, les réactions et les ressentis des personnages tant ils me semblaient relever d'un habitus typiquement yankee. Il y a toutes ces références qui ne me parlent que de très loin, depuis les rares séries et romans américains que j'ai pu regarder et lire, la pop musique et tous ces codes culturels que l'on partage depuis des décennies de soft power. Mais que je relis avec beaucoup plus de distance historique et critique ces derniers temps. Ni le base-ball, ni les road trip ne m'allument des étoiles dans les yeux par principe. J'ai donc lu les frères K en recevant des milliers de petits stimuli destinés à instaurer une complicité culturelle qui ne faisaient, hélas, que rarement tilt.
Sur le fond, ce roman est empreint d'une réflexion philosophique indéniable et met au premier plan la question de la liberté à se gouverner et son rapport avec la foi. Evidemment, aucun lecteur ne peut accepter les bondieuseries adventistes scandaleuses qui obligent Laura et ses enfants à des circonvolutions impossibles. le culte du sport et de l'esprit d'équipe fera un peu plus long feu, pour ceux qui ont, contrairement à moi, les capacités d'y adhérer. Mais quand on a refermé le livre et qu'on cherchera à dégager une morale globale, on trouvera, derrière l'histoire rocambolesque et forte d'une tribu, une philosophie de l'existence qui laisse peu de place à l'en-commun.
La morale de ce roman promeut la famille, les liens resserrés avec ceux qui sont les nôtres, sans espoir qu'un bien commun puisse sauver qui que ce soit. Sans que ni les institutions politiques, ni l'école, ni les différentes instances sportives, culturelles ou cultuelles soient autre chose qu'une source de danger. In fine, le collectif semble défini comme ce qui entrave la fantaisie et la liberté fondamentale de chacun, sans aucun recours possible. Et bon, me laisser bercer par de sympathiques anecdotes racontées sur un ton cocasse mais qui ne me disent pas grand chose et recevoir cette morale en partage, ça ne m'a pas enchantée.
Ca n'empêche que ce roman est très bien construit. La manière dont le narrateur distille les informations, dont les différents lieux où se trouvent les personnages imposent des changements de perspectives ou de type de rédaction rend la lecture agréable et fluide. On sent un grand soin apporté à la construction de chacun des personnages, à la manière de mettre en valeur leurs caractéristiques et le charme de leur personnalité. Et puis surtout, cette lecture aura été l'occasion de nombreux échanges et de jolies discussions philosophiques avec Doriane. Et pour cela au moins, elle en valait vraiment la peine !
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Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
Papa est assis dans son fauteuil, en train de lire la page des sports du journal du dimanche. Je suis couché sur ses genoux. Plus tard, quand il se lèvera, il deviendra plein de choses - chemise de flanelle, ceinture en cuir, pantalon ample marron clair...-, mais pour le moment il forme un tout : un sol, une région, une planète. Ma tête repose sur l'un des grands accoudoirs rembourrés, mes pieds sur l'autre, et le reste de moi est là, sur les genoux de Papa.
Le journal me cache son visage, mais les grandes pages vibrent au rythme de sa respiration. Le joueur de base-ball sur l'une des photos a l'air sérieux. Je ne pose pas de questions, je ne demande rien. Je ne bouge pas. J'entends son souffle lent et régulier. Je sens son odeur de tabac.
(Incipit)
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Ce truc était gravé dans notre cerveau, c’était la star de nos vies semi-conscientes, la nageuse indiciblement jolie qui poussait le requin blanc de la concupiscence à arpenter les eaux de notre sang, et cet inévitable animal se dressait pendant tous les sermons ennuyeux, les heures de cours, les nuits moites et les temps morts de la journée. Mais bientôt, il est devenu douloureusement évident pour Everett et moi – en particulier quand on se regardait dans le miroir – que nous n’avions pas le corps de demi-dieu de notre frère, ni son allégresse de demi-dieu, ni sa chance de demi-dieu, pas plus qu’un bon nombre de caractéristiques tout à fait indispensables à ce statut. En fait, nous n’avions rien de ce qu’avait Irwin, sinon les hormones pulsant sauvagement dans nos veines. Nous ressemblions davantage à des chauds lapins sans charme et sans cervelle qu’à des Roméo qui se font sauter dessus par les jolies filles, et sont priés d’actionner cette drôle de petite chose pour elles.
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Réunissez un ouvrier sportif, une matriarche à tendance patriarcale, quatre adolescents débordant de testostérone et une petite sœur en double sous le toit d'une maison branlante, avec quatre chambres et une salle de bains et demie ; maintenant, confiez-en les rênes à un être humain ordinaire et vous obtiendrez un chaos sans nom. Heureusement pour nous, la famille avait toujours été dirigée par notre mère, dont le plus grand talent, la vocation même, était sa capacité à prendre à bras-le-corps, analyser et orchestrer les deux mille neuf cent vingt (365 x 8) jours de l'année collective des Chance, afin d'en faire un quotidien gérable. Si l'on excepte le fameux "Tais-toi !", dont la popularité n'a pas d'égal, le conseil le plus utile et le plus fréquent dispensé chez nous avait toujours été : "Demande à maman". Elle était notre chef d'orchestre. La cuisine était son pupitre, notre immense calendrier mural sa partition, et sa voix perçante sous-entendant qu'elle ne tolérerait aucune ineptie sa baguette, son sceptre et sa pique tout à la fois, qui lui servait à rythmer et régler nos innombrables entrées et sorties. Elle seule savait dire à tout moment où chacune des sept personnes à sa charge se trouvait, ce qu'elle était en train de faire et à quelle heure elle était censée rentrer pour accomplir telle tâche ou se rendre à tel rendez-vous.
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Maman ne les quitte pas des yeux, les mains à plat sur la tête comme un prisonnier de guerre, les orteils crispés dans ses tongs rouges, et un étrange gémissement, semblable à celui d’un chiot, se met à enfler dans sa gorge. Mais à mesure qu’Irwin trottine autour du jardin en rugissant, que les jumelles couinent tout ce qu’elles peuvent, et qu’il leur fait faire yoyo et loopings à n’en plus finir, manquant chaque fois d’écraser leurs petits nez contre tout ce qui est dur, pointu ou dangereux en ce monde, le gémissement de Maman passe de sa gorge à son estomac, il change de nature, gagne en volume et puissance jusqu’à se transformer en un rire franc, et son visage devient aussi jeune, joli et sauvage que si elle était la version ado rebelle de la femme qui se trouvait là quelques secondes plus tôt.
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Les téléphones sont des objets assurément utiles. Néanmoins il sont aussi, me semble-t-il, l'équivalent d'une maison sans toilettes. Les téléphones permettent à un esprit de communiquer avec un autre dans un état de calme ou d'agitation, de somnolence ou d'ivresse, de désir, de joie, d'hystérie ou de stupéfaction – c'est-à-dire à peu près tous les états existants, du moment qu'ils ne nous empêchent pas de tenir en main un morceau de plastique. Que les téléphones puissent nous relier en quelques secondes à n'importe quelle autre créature sur Terre assez téméraire pour décrocher son propre morceau de plastique est une chose formidable. Mais c'est aussi tragique, quand on sait ce que bien des gens pensent de leurs congénères. C'est pourquoi, tant qu'ils ne seront pas équipés d'une sorte de chasse d'eau, d'un filtre ou d'un système d'évacuation pour les milliards de mots qu'il aurait mieux valu ne jamais proférer, je me méfierai de ces machins.
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