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Maurice Javion (Traducteur)
EAN : 9782253943297
320 pages
Le Livre de Poche (19/06/2002)
3.62/5   13 notes
Résumé :

Si toutes les cultures ont une idée du beau et de l'art, rares sont celles qui l'ont théorisée de façon explicite et l'ont considérée globalement, le beau et l'art étant liés, au point de penser en termes d'"esthétique". Ce concept est né en Europe au XVIIIème siècle et l'histoire des idées ne s'est guère intéressée aux théories du beau et de l'art avant cette périod... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Nulle vérité n'était plus présente à l'esprit médiéval que la parole de saint Paul aux Corinthiens : Videmus nunc per speculum in aenigmate, tunc autem facie ad faciem [Nous ne voyons présentement que dans un miroir obscurci et par énigme, mais alors nous verrons d'un regard direct]. Le Moyen Age n'a jamais oublié que toute chose serait absurde si sa signification se bornait à sa fonction immédiate et à sa phénoménalité, et qu'au contraire par son essence, toute chose tendait vers l'au-delà. Cette idée nous est familière, en dehors même de toute pensée expressément religieuse. Qui ne connaît des moments où les choses ordinaires semblent avoir une signification autre et plus profonde que la signification commune ? Cette sensation tantôt prend la forme d'une appréhension morbide qui fait paraître toute chose pleine de menaces ou d'énigmes qu'il faut à tout prix résoudre. Tantôt, et plus souvent, elle nous remplit de tranquillité et d'assurance en nous convainquant que nous avons part à ce sens secret du monde. (Huizinga 1919, trad. de J. Bastin, éd. Payot 1958)

L'homme du Moyen Age vivait effectivement dans un univers peuplé, surchargé de significations, de rappels, de références, de sens surajoutés, de manifestations de la Divinité au sein des choses, dans une nature qui s'exprimait sans cesse au moyen d'un langage héraldique, dans lequel un lion n'était pas simplement un lion, une noix n'était pas rien d'autre qu'une noix, où un hippogriffe possédait autant de réalité qu'un lion puisque, autant que celui-ci, il était le signe, existentiellement négligeable, d'une vérité supérieure.

Mumford (1944, 3 et 4) a avancé la formule de situation névrotique comme condition caractérisante de toute une période : et au fond cette expression est recevable à titre métaphorique, pour désigner une vision déformée et égarée de la réalité. Mais on pourra parler sans doute plus sûrement de mentalité primitive : une défaillance dans la perception d'une ligne de démarcation entre les objets, une façon d'agglomérer dans la notion d'une chose déterminée tout ce qui peut entretenir avec elle un quelconque rapport de similitude ou d'appartenance. Néanmoins, plutôt que d'un primitivisme au sens étroit du mot, il s'agira d'une aptitude à prolonger l'activité mythico-poétique de l'homme de l'époque classique, en produisant de nouvelles représentations et des rapprochements inédits, en accord avec l'ethos chrétien ; d'une façon de redonner vie, à travers une sensibilité rénovée, au surnaturel, à cette approche du merveilleux à laquelle la culture classique tardive avait depuis longtemps renoncé, en substituant aux divinités d'Homère les dieux de Lucien. (VI, 1)
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Penser au Moyen Age comme à une époque de rejet moralisant de la beauté sensible ne traduit pas seulement une connaissance superficielle des textes; il y a là incompréhension radicale de la mentalité médiévale. S'il faut un exemple pour tirer les choses au clair, nous l'avons sous la main si nous examinons l'attitude adoptée à l'égard de la beauté par les mystiques et les rigoristes. Sous quelque latitude que ce soit, les moralistes et les ascètes ne sont nullement des individus rendus insensibles à l'attrait des plaisirs terrestres : tout au contraire, ils éprouvent avec plus d'intensité que d'autres ce genre de sollicitations, et c'est justement à partir de ce conflit entre une réactivité aux choses terrestres, et une tension orientée vers le surnaturel que se noue le drame de la discipline ascétique.
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Au Moyen Age, on n'arrête pas de parler de la beauté de tout ce qui existe. Alors même que l'histoire de cette époque apparaît lourde d'ombres et de conflits, la représentation de l'univers que l'on décèle à travers les écrits de ses théoriciens est, elle, remplie de clarté et d'optimisme. La Genèse enseigne que Dieu, à la fin du sixième jour, avait vu que tout ce qu'il avait fait était bon (1, 31) ; et, dans le Livre de la Sagesse, grâce au commentaire de saint Augustin, le Moyen Age apprenait que le monde avait été créé par Dieu selon numerus, pondus et mensura : des catégories cosmologiques, qui sont aussi bien, comme nous le verrons d'ailleurs ensuite, des catégories esthétiques, et puis aussi des manifestations du Bonum métaphysique.

En renfort de la tradition biblique, enrichie par les Pères de l'Eglise, l'héritage classique contribuait à nourrir cette vision esthétique de l'univers. La beauté du monde, en tant que reflet et projection de la beauté idéale, était une conception de dérivation platonicienne ; et Calcidius (IIIe-IVe siècle de notre ère), dans son Commentaire du Timée (ouvrage essentiel pour la formation de l'homme du Moyen Age) avait parlé de ce mundus speciosissimus generatorum... incomparabili pulchritudine (univers spendide des créatures engendrées... d'une beauté sans égale), faisant ainsi écho, en substance, à la péroraison du dialogue de Platon (que, par ailleurs, son commentaire, demeuré incomplet, n'avait pas porté à la connaissance du Moyen Age) :

« Nous pouvons dire ici que notre discours sur l'univers est enfin arrivé à son terme ; car il a reçu en lui des êtres vivants mortels et immortels, et il en a été rempli, et c'est ainsi qu'étant lui-même un animal visible qui embrasse tous les animaux visibles, dieu sensible fait à l'image de l'intelligible, il est devenu très grand, très bon, très beau et très parfait, ce ciel engendré seul de son espèce. » (III, 1)
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