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Théodore de Wyzewa (Traducteur)Michel Meyer (Préfacier, etc.)
EAN : 9782130554400
218 pages
Presses Universitaires de France (08/02/2006)
3.87/5   23 notes
Résumé :

Ce livre un peu oublié de Léon Tolstoï est présenté par Michel Meyer comme un texte précurseur de l'esthétique moderne. Selon lui, Tolstoï pose la question essentielle de l'esthétique : comment définir l'art si on ne l'identifie pas à la beauté qui seule ne saurait tenir lieu de fondement à la théorie de l'art ? " Tolstoï a cherché à comprendre le sens de l'art et non &#x... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu une version datant de 1918, abondamment restructurée par le traducteur. Celui-ci allant même jusqu'à supprimer sans vergogne certains passages qui ne lui plaisaient pas. Bref… Tolstoï a été un très grand artiste. En tout cas selon sa propre conception, car à la question « Qu'est-ce que l'art ? » sa réponse est : « L'art est le moyen de transmission des sentiments parmi les hommes ». Et il est vrai, que peu de romanciers ont rendu aussi bien la complexité des sentiments qui peuvent animer un être humain. Dans La guerre et la paix et Anna Karénine, Tolstoï s'évertue à peindre ses personnages dans toute leur ambiguïté. Jamais il ne tombe dans la caricature. Pour ne prendre que l'exemple de la célèbre Anna Karénine ; comment la définir ? Est-elle tendre, passionnée, égoïste, amoureuse, manipulatrice, nerveuse, rêveuse, jalouse, perdue ? Elle est tout ça et bien d'autres choses. Elle est humaine. Et tout l'art de Tolstoï a été de transmettre ce sentiment profond d'humanité. C'est précisément sur ce point que Tolstoï a été un grand artiste. Et il ne fait aucun doute que ce sentiment d'humanité très spécial est un sentiment que Tolstoï a sincèrement éprouvé. On peut dire qu'il en est l'inventeur. Cependant, Tolstoï est aussi un chrétien très attaché à la morale. Jamais il ne s'est questionné sur ce qu'était la morale ; s'il entremêle le bien et le mal dans ses personnages ce n'est que pour montrer la faiblesse humaine. Au fond, il ne pardonne pas le comportement d'Anna et il la fait passer sous un train. Cette histoire est tirée d'un fait divers réel, mais l'imagination est reine et Tolstoï aurait tout aussi bien pu inventer un autre dénouement. Il ne l'a pas fait, car il lui fallait une fin acceptable pour lui, c'est-à-dire morale. Il me semble que Tolstoï ressentait de la pitié pour le destin d'Anna mais qu'il condamnait aussi ses actes. Mais cette moralité reste très raisonnable dans les deux romans précités et en vérité Tolstoï est loin d'être moralisateur ; il ne juge pas aussi sévèrement et explicitement que ça et laisse libre le lecteur d'en penser ce qu'il veut. Par contre, dans son dernier grand roman, Résurrection, sa morale a prit le pas sur son humanité. le héros du roman est l'archétype du bon repenti, prêt à tout pour racheter ses fautes et l'héroïne est un modèle de victime, courageuse et altruiste. Tolstoï a publié Qu'est-ce que l'art ? un an avant Résurrection (que d'aucuns estimeront comme le moins bon des grands romans de Tolstoï, le plus idéaliste, le moins humain). Cette étude sur l'art est, en quelque sorte, la justification esthétique des vues de Tolstoï sur la fin de sa vie. À cette époque Tolstoï avait atteint un très haut niveau d'exigence morale, autant pour lui-même que pour les autres. Il juge toute sa production comme du « mauvais art » mis à part son récit Au Caucase et un conte religieux ; il ne daigne même pas évoquer La guerre et la paix ou Anna Karénine ! Il ira jusqu'à penser que l'écriture est la cause de sa propre corruption morale ; c'est dire le franc mépris qu'il ressent à cette époque pour l'art en général. Un mépris qui d'ailleurs a toujours été plus ou moins présent dans son oeuvre (tout comme la morale). L'éthique, voilà ce que Tolstoï dans ce livre place au-dessus de tout. Mais d'abord, il fait un historique érudit, accessible et très instructif (la meilleure partie du livre) de toutes les différentes philosophies de l'esthétique. Il en ressort une énorme confusion ; il est clair que tout et n'importe quoi a été écrit sur ce sujet. Malheureusement, Tolstoï se jette, lui aussi, dans ce débat stérile. La majeure partie des opinions sur l'esthétique tourne autour d'une sorte de sainte-trinité : le Vrai, le Beau, le Bien. Certains affirment que l'Art c'est le Vrai, d'autres le Beau, d'autres le Bien et enfin d'autres estiment que tout ça est une seule et même chose. Tolstoï se fait l'hardi défenseur du Bien. Il résume l'histoire de la civilisation chrétienne (et l'art qui l'accompagne) à peu près ainsi : le christianisme primitif basé sur l'enseignement de Jésus (humilité, résignation, amour) a été falsifié par l'Eglise qui au cours du moyen-âge a développé une élite en exploitant le peuple et en dénaturant toutes les valeurs essentielles du christianisme. Cette élite au moment De La Renaissance s'est aperçue du mensonge dans lequel s'était engouffrée l'Eglise et en a perdu la foi. À partir de ce moment l'art n'a plus été une occupation universelle servant à communiquer des sentiments religieux mais est devenu une distraction de l'élite. Cette distraction a prit la forme de deux recherches : la vérité et la beauté. Tolstoï condamne pratiquement l'ensemble de l'art moderne à cause de cette recherche toujours plus éperdue de vérité et de beauté, aboutissant à un art de plus en plus artificiel. Assigner une place à la Beauté dans l'Idéal à côté du Bien est quelque chose que Tolstoï ne supporte pas. Pour lui, le Bien est divin, au-dessus de tout, et on ne saurait usurper cette souveraineté par quoi que ce soit. Parmi ces artistes modernes (qui n'en sont donc pas selon lui) les poètes français occupent une place privilégiée. Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, sont tous, pour Tolstoï, des poètes obscurs qui ornementent leurs oeuvres de fioritures complètement incompréhensibles. Reproche qui pourra peut-être paraitre un peu excessif en ce qui concerne les deux premiers (malgré leurs audaces de style), mais qui est évident pour Mallarmé. D'ailleurs ce dernier ne l'aurait pas renié et s'en serait même félicité. Et ceci provient simplement d'une conception différente de l'art. Voici ce qu'écrit Mallarmé dans Hérésies artistiques, l'art pour tous : « L'heure qui sonne est sérieuse : l'éducation se fait dans le peuple, de grandes doctrines vont se répandre. Faites que s'il est une vulgarisation, ce soit celle du bon, non celle de l'art, et que vos efforts n'aboutissent pas - comme ils n'y ont pas tendu, je l'espère - à cette chose, grotesque si elle n'était triste pour l'artiste de race, le poète ouvrier. Que les masses lisent la morale, mais de grâce ne leur donnez pas notre poésie à gâter. O poètes, vous avez toujours été orgueilleux ; soyez plus, devenez dédaigneux. » Pour Mallarmé, l'art n'a rien à voir avec la morale et le peuple. L'art doit rester quelque chose de mystérieux, ne s'adressant qu'à une élite capable de le comprendre, seul moyen pour qu'il ne tombe pas dans la laideur. Clairement, Mallarmé fait parti de ceux qui assimilent l'art à la Beauté. Une Beauté qui ne peut se conserver qu'en se fermant au vulgaire. Qui a raison ? Tolstoï ou Mallarmé ? Y a-t-il une vision plus juste, plus belle, plus vraie ? Répondre à ces questions est très facile, c'est avoir une opinion dont on est souvent très convaincu. Et plus on en est convaincu mieux on élude le problème de l'esthétique. Tolstoï consacre aussi quelques pages à Wagner. Il raconte tout l'ennui et l'énervement que lui a inspiré la représentation de Siegfried. Une musique incompréhensible, des décors ridicules, une histoire insipide, un public hypnotisé jusqu'à la stupidité… le pauvre Wagner et ses admirateurs se font soigneusement détruire. Là encore, il faut insister sur l'aversion qu'inspire à Tolstoï les élites qui se pavanent autour des nouveautés artistiques. La société russe de cette époque est une société qui vient à peine d'abolir l'esclavage ; les disparités entre les moujiks et l'aristocratie sont énormes. Tolstoï admire l'âme russe des paysans, leur simplicité, leur foi naïve, et leur résignation joyeuse au travail de la terre ; a contrario, rien ne l'énerve plus que l'artificialité de la société aristocrate, ses excès, sa fuite en avant, son hideuse poursuite de plaisirs égoïstes. Il n'a pas encore fait l'expérience de la démocratie. Il ne sait pas qu'à la première occasion, tous ces gentils paysans oublieront sans aucun remords la religion pour se fourvoyer dans les mêmes erreurs que l'aristocratie. La fameuse âme russe, dont Tolstoï était le chantre, ne résistera pas à la révolution marxiste et au capitalisme, pas plus que les peuples européens n'ont résisté aux révolutions bourgeoises. En conclusion, Tolstoï rattache l'art à la science : Les sentiments sont à l'art ce que la raison est à la science, « si donc le chemin que suit la science est mauvais, le chemin suivi par l'art sera mauvais aussi. » Et le mauvais chemin qu'a emprunté la science est celui de l'irréligion. le vrai progrès scientifique serait de concourir à l'union fraternelle des hommes et pas à la satisfaction de biens matériels dont l'artificialité est de plus en plus criante. Chacun aura son opinion sur les opinions de Tolstoï, mais une chose est sûre, il ne fait pas dans la demi-mesure. Il était devenu très, peut-être trop, exigeant à la fin de sa vie. Lui qui avait si bien décrit l'humanité dans ses premiers romans, était aveuglé par son moralisme et il n'a pas voulu entendre la parole immoraliste des artistes européens. Il reconnait lui-même qu'il ne comprend plus l'art de son temps. Pourtant il n'avait rien perdu de son pouvoir d'analyse et beaucoup de passages de cet essai sont intéressants et posent des questions qui ne sont peut-être pas surannées. Dans quelle mesure la recherche de beauté est une recherche de plaisir ? Ce plaisir est-il un divertissement ? le divertissement est-il un frein à la communication des sentiments ? Quelle place réserver dans l'art à la beauté, au plaisir, au divertissement ? Mais de toutes les opinions qu'émet Tolstoï dans cet ouvrage, retenons plutôt sa définition stricte de l'art : « L'art est le moyen de transmission des sentiments parmi les hommes. »
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C'est en lisant ce que je pourrais qualifier de fumier sous la plume d'un certain Emile Masson, répertorié comme anarchiste breton, socialiste internationaliste qui s'est fait heureusement oublier depuis, qui a osé écrire dans la Bretagne libertaire numéro 21, une stratégie pour endoctriner la Bretagne qui au moment de "peuples unissez-vous..", était effectivement un peuple, une langue, n'a pas trouvé mieux que de se revendiquer de Proudhon, Kropotkine, Tolstoï pour asseoir sa légitimité. Les deux premiers passent encore, mais alors mêler Tolstoï à sa sauce qui n'est autre qu'un graillon m'a laissé pantois et que je réprouve solennellement !

Deux choses : aller dire que Tolstoï était anarchiste, bon d'abord il faut savoir que d'aucuns n'ont jamais admis le Tolstoï paysan et le cultivant et avaient de sérieuses raisons de le penser. Tolstoï n'est jamais resté les deux pieds dans le même sabot, il a évolué au cours des décennies au point que combien d'observateurs se sont fracassés sur sa dite conversion qui n'a jamais été en fait qu'un long chemin expurgé de tout mauvais penchant terrestre. Il balise effectivement son parcours dans sa Confession qui date de 1881 et qui m'apparaît plus comme une oeuvre philosophico-religieuse face à la mort où il s'accorde non point une miséricorde mais l'imperfection d'une âme tourmentée . Certes il a toujours été un rebelle dans l'âme, mais était profondément réformiste jusqu'à faute de ne pas être entendu par les Tsars en personne, ni par les administrations, il s'est radicalisé à partir des années 80, plus encore en 90, et s'est mis à écrire des admonestations, des sermons .. On dirait aujourd'hui qu'il s'est remis en cause, a durci singulièrement le ton, mais sans être jamais révolutionnaire, il l'a même condamné (j'ai déjà fait un billet là-dessus !). Et son excommunication par l'Eglise après son Resurrection n'est pas le bon argument pour montrer, démontrer qu'il ne supportait rien de l'Etat et qu'il plaidait pour tout raser de tout ce qui étaient des strates de l'Administration impériale. Il restait attaché à la foi, il a même remanié les Evangiles pour avoir une parole divine originelle plus proche du peuple qui a même intéressé Nietzsche (Antéchrist). On a pu voir en lui une espèce d'anarchisme, toujours à partir des années 80, mais nullement un anarchisme nihiliste et violent évidemment comme on sait. En tout cas, il s'est prêté ni de près ni de loin aux séquences coupables des socialistes révolutionnaires et à tout embrigadement.

L'autre chose, bien plus littéraire, voire poétique est que en lisant ces conneries d'Emile Masson, je me suis dit que c'était la deuxième fois, livrée à ma propre perception, que Tolstoï s'invitait en Bretagne, contre toute attente, ici pour de mauvaises raisons bien sûr, mais quand il m'a fallu me remémorer qu'elle était la première, j'en étais bien incapable et avec regret. On s'imagine toujours qu'un jour on récapitulera tout ça de ses écrivasses : ma cache bezef, et même nos propres écrivasses s'empilent jusqu'à devenir inexploitables, elles se noient dans le désert et il est bien hypothétique qu'elles retrouvent une seconde vie, à moins d'être un greffier zelé de sa propre production !..

C'est parfois mal connaître toutes les vertus d'une bibliothèque. Ma bibliothèque beaux-arts m'a resservi un livre que j'avais oublié que j'avais, ce Belle-Ile en Art de Belbeoch et Clifford et qui m'a fait remonter à une intervention sur babelio en 2020 à ce propos. Il est bien écrit que Tolstoï s'est invité à Belle-Ile par le truchement de Monet qui avait deux trois livres de Tolstoï dont Anna Karénine et Katia à lire recommandés par Gustave Geffroy, son ami, et qu'il en tira une forte satisfaction.

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Une position résolument exclusive, raisonnée, argumentée, et des choix qui suivent une attitude devant la vie, celle d'un artiste véritable qui n'admire pas n'importe quoi et parle en praticien. En pratiquant : art et religion sont inséparables pour Tolstoï, les arts des civilisations antérieures liés à l'état religieux particulier à chacune, et le grand vide qu'il diagnostique en cette fin du XIXème, attribuable justement au rejet du christianisme dont les fondements, oubliés à la Renaissance au profit d'un élitisme culturel, devraient au contraire permettre à l'art de relier les hommes, tous les hommes. L'essence de l'art ne réside pas en effet dans la beauté. Elle est de transmettre des sentiments que chacun est à même d'éprouver, si tous ne savent les exprimer. Des sentiments communs, donc, en vue d'une grande fraternité humaine. Léon Tolstoï moque les Décadents et Wagner, les Symbolistes : de façon générale, tout ce qui à son époque passe pour artistique et ne relève que du raffinement, de la mondanité, tout ce qui se réserve d'emblée aux riches et aux puissants, tout ce qui lui semble en définitive mercantile.
La simplicité du propos ne doit pas dissimuler la profondeur de la pensée : Qu'est-ce que l'Art ? débute par un panorama de la théorie esthétique depuis son fondateur Baumgartner (Allemagne, XVIIIème siècle) jusqu'aux contemporains de Tolstoï, Taine, Victor Cousin, en passant par les idéalistes allemands, Darwin et bien d'autres. Fondée sur une approche critique rapide mais systématique, renvoyant bien sûr aux grands philosophes de l'Antiquité, la thèse se recentre sur la religion, dominante ou rejetée, qui détermine toujours, avec ou contre elle, la culture d'une époque et d'une nation. Si le christianisme, celui des origines et non la caricature intellectuelle issue de la Renaissance, doit fournir le référent de toute création artistique future, c'est qu'il est une religion à vocation universelle et que le propre de l'art est justement d'unir tous les hommes dans la fraternité des sentiments.
Le discours s'émaille d'exemples littéraires, musicaux, Hugo, Dickens etc., et de contre-exemples : Mallarmé, Verlaine, jusqu'à Baudelaire, dont Tolstoï déplore la complaisance dans la langueur et les vains ornements ; un chapitre entier, où s'envole le génie narratif du romancier, est consacré sur un mode drolatique à une soirée Wagner à Moscou, dont il s'enfuit au deuxième acte de Siegfried.
La lecture de cet essai, auquel l'auteur a réfléchi quinze ans, régénère nos conceptions intellectualistes et communique un puissant souffle de foi en l'art au coeur de la société. On se prend à souhaiter qu'une aussi salutaire philanthropie puisse aujourd'hui balayer le landernau parisien de l'édition, la scène de l'art contemporain et, si je puis me permettre, les Jeff Kooneries de ce genre.
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Un essai intéressant qui apporte une vraie réflexion sur l'art, par un artiste et pas n'importe lequel: Tolstoï.
Ca implique aussi de la complexité, j'ai eu un peu de mal à accrocher cause de ça, je m'attendais à un texte "d'école" mais il fait penser même un débutant en art tel que moi.
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Résumé :

Ce livre un peu oublié de Léon Tolstoï est présenté par Michel Meyer comme un texte précurseur de l'esthétique moderne. Selon lui, Tolstoï pose la question essentielle de l'esthétique : comment définir l'art si on ne l'identifie pas à la beauté qui seule ne saurait tenir lieu de fondement à la théorie de l'art ? " Tolstoï a cherché à comprendre le sens de l'art et non à en étudier l'effet... Il a montré par sa réflexion que l'on devait pouvoir penser l'art en dehors du beau compris comme sentiment subjectif. "

Opinion :
La préface de Michel Meyer est très intéressante.
Rapports de l'art et de la beauté. Tolstoï dégage 2 grandes tendances. la première rapporte la beauté à des propriétés formelles, dont l'art, mais aussi la nature, constituent la source principal. L'autre approche assimile la beauté à l'émotion que suscitent certaines choses.
La beauté se retrouve ainsi déchirée entre l'objectif et le subjectif.
Il définit l'oeuvre d'art comme ce qui est reconnu ou affirmé tel par un cercle de gens, issus des classes supérieures (cf Bourdieu).
Pour Tolstoï, l'art ne peut être inspiré que par la religion.
Et cette affirmation est un peu trop forte. Il critique trop tout ce qui est nouveau en musique (Wagner) en peinture (les impressionnistes) en littérature (Rimbaud et Verlaine)
Il manque d'ouverture.
Sa théorie est un peu fermée.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Pour la production du moindre ballet, opéra, opéra bouffe, tableau, concert ou roman, des milliers de gens sont contraints de se livrer à un travail souvent humiliant et pénible. Encore ne serait-ce que demi-mal si les artistes accomplissaient eux-mêmes la somme de travail que requièrent leurs oeuvres ; mais ce n’est pas le cas, ils ont besoin de l’aide d’innombrables ouvriers. Et cette aide, ils l’obtiennent d’une façon ou d’une autre, tantôt sous la forme d’argent donné par les riches, tantôt sous celle de subventions de l’État : auquel cas l’argent leur vient du peuple, dont une grande partie est obligée de se priver du nécessaire pour payer l’impôt, sans d’ailleurs être jamais admise à jouir des jouissances de l’art.
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Le manque de foi des classes supérieures a produit ce résultat : qu’au lieu d’un art tendant à transmettre les plus hauts sentiments de l’humanité, c’est-à-dire ceux qui découlent d’une conception religieuse de la vie, nous avons eu un art ne tendant qu’à procurer la plus grande somme de plaisir à une certaine classe de la société. Et de tout l’immense domaine de l’art, seule cette partie a été cultivée qui procure du plaisir à cette classe privilégiée.
Et pour ne rien dire des effets moraux qu’a eus sur la société européenne une telle perversion de la notion de l’art, cette perversion a encore affaibli l’art lui-même, et l’a, pour ainsi dire, détruit. Elle a eu pour premier résultat que l’art, en faisant du plaisir son seul objet, s’est privé de la source de sujets infiniment variée et profonde que pouvaient être, pour lui, les conceptions religieuses de la vie. Et son second résultat a été que, ne s’adressant qu’à un petit cercle, l’art a perdu la beauté de sa forme, est devenu affecté et obscur. Et son troisième et principal résultat a été que l’art a cessé d’être spontané, ou même sincère, pour devenir absolument apprêté et artificiel.
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Cette tendance, — qui se traduisait par des allusions mythologiques et historiques, et aussi par ce qu’on a appelé l’euphémisme, — elle n’a pas cessé au fond de devenir de plus en plus en honneur jusqu’à l’époque présente, où elle paraît avoir atteint ses limites extrêmes dans l’art de nos modernes décadents. Elle a abouti, en fin de compte, à ceci : que non seulement l’affectation, la confusion, l’obscurité, l’inaccessibilité à la masse, ont été élevées au rang de qualités, — et même de conditions de poésie, — dans les œuvres d’art, mais que l’incorrect, l’indéfini, l’inéloquent eux-mêmes sont en train d’être admis comme des vertus artistiques.
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Quelle que soit l’insanité nouvelle qui paraisse en art, à peine les classes supérieures de notre société l’ont-elles admise, qu’aussitôt on invente une théorie pour les expliquer et les sanctionner, comme s’il n’y avait jamais eu des périodes, dans l’histoire, où certains groupes sociaux tenaient pour de l’art véritable un art faux, déformé, vide de sens, qui plus tard ne laissait pas même de traces et était à jamais oublié ! La théorie de l’art fondé sur la beauté, telle que nous l’expose l’esthétique, n’est donc, en somme, que l’admission, au rang des choses « bonnes », d’une chose qui nous a plu ou nous plaît encore.
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…pour universel que doive être l’art véritable, « le meilleur discours, prononcé en chinois, restera incompréhensible à qui ne sait pas le chinois ». Et il reconnaît ailleurs que la valeur artistique d’une oeuvre d’art ne consiste ni dans son fond, ni dans sa forme, mais dans une harmonie parfaite de la forme et du fond. Or, cela étant, j’ai la conviction que, si même je savais le chinois, la véritable valeur artistique d’un discours chinois me resterait incompréhensible.

Ceux là seuls peuvent juger de la convenance mutuelle du fond et de la forme, dans une oeuvre de littérature, ceux-là seuls peuvent en apprécier la « valeur artistique », qui sont accoutumés non seulement à comprendre la langue où elle a été écrite, mais encore à penser, à sentir dans cette langue. Et je veux bien admettre que l’idéal de l’art soit d’être universel comme nous l’affirme le comte Tolstoï : mais pour la littérature, en particulier, aussi longtemps que le volapük n’aura pas remplacé les langues des diverses nations, l’idéal d’une littérature universelle ne sera jamais qu’une généreuse chimère.
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