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A nouvelles technologies, nouvelles tournures d'esprit.

Egan n'est pas de la famille des psychédéliques, dont regorge la science-fiction dite sérieuse. Pour ouvrir le champ des possibles mentaux, son outil n'est pas le délire verbal mais la rigueur d'une démonstration mathématique, appliquée aux multiples registres explorés par ses textes.
Une nouvelle de Greg Egan, c'est d'abord un contexte scientifique hypothétique, rendu plausible par la précision des explications techniques ; c'est ensuite l'inventaire exhaustif de des systèmes de croyance et des bouleversements psychologiques engendrés par la situation technologique donnée. Dans le cycle implicite de textes auquel appartient "Radieux" (qui donne son titre au deuxième tome de l'intégrale), l'auteur envisage différentes étapes d'une humanité soumise à un nouveau mode d'existence (virtuelle, évidemment), jusqu'à des états vertigineux de l'identité humaine. La radicale étrangeté des modes de pensée associés à chaque nouvel environnement décrit, il nous la donne à lire du point de vue, exotique s'il en est, de personnages dont les structures mentales sont a priori inconcevable pour notre conscience actuelle.
C'est un peu comme si un auteur contemporain était capable de composer, comme oeuvre de fiction, la République de Platon : il inventerait le livre, la République, mais aussi son auteur, Platon, la Grèce de Périclès autour, et toutes les problématiques propres à ce contexte géographique et temporel particulier.
Lire de la philosophie d'un autre âge et d'un autre lieu a pour nous un intérêt double. Il y a son contenu lui-même, plus ou moins utile, plus ou moins dépassé, ou décalé par rapport à nos propres enjeux actuels, qu'ils soient politiques, sociaux, culturels ou psychologiques. Il y a aussi la possibilité qu'elle nous offre de comprendre en creux, par déduction, l'état de l'âme humaine dans un environnement entièrement dépris du nôtre. Greg Egan est capable de produire cet intérêt double dans sa science-fiction. On est bien dans le dépaysement propre au genre, mais loin d'être naïf, c'est le dépaysement sophistiqué que procure la possibilité d'entrevoir un autre état de l'identité humaine. En cela, la littérature de Greg Egan est rarement purement distrayante ; le lecteur est d'abord soumis à l'effort de suivre des raisonnements scientifiques pas piqués des hannetons, ensuite il doit sans cesse combler les lacunes du texte quant à la nature des motivations et des discours des personnages, amplement détaillés mais jamais ramenés, dans les nouvelles les plus difficiles, à des catégories de pensée qui nous seraient familières.
Ca a l'air abscons comme ça, mais tous les récits ne sont pas aussi radicalement exotiques que ce que j'essaye de décrire ici ; certains se contentent d'être juste compliqués et pointilleux... Mais tous creusent la question fondamentale de l'identité, de la nature du moi, et à suivre pas à pas ses hypothèses, on finit par s'en trouver un peu éclairé...
Petit conseil de lecture : l'intégrale proposée par le Bélial, savamment composée, suit un parcours logique dans le corpus des nouvelles ; commencez donc par le premier tome, Axiomatique. Et peut-être que si les subtils glissements spatio-temporels de "l'assassin infini", porte d'entrée un peu lourde à pousser, ne te donnent pas le vertige, alors tu pourras t'abstenir, ami lecteur, de pousser plus avant, car tu ne rencontreras ici que l'ennui.
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Trois étoiles seulement; je vais me faire jeter des pierres !
Disons que Axiomatique c'est très bien mais ce n'est pas pour moi.
18 nouvelles de hard science-fiction que j'ai lues très laborieusement.
Un peu comme dans Black mirror, les thèmes abordés sont très intéressants (l'identité, l'amour, la liberté, les potentialités du post-humanisme); j'aurais dû adorer. Alors qu'est-ce qui ne va pas ?
- le format nouvelle, qui est plus est nouvelles sans chute ! ça donne un côté catalogue de réflexions philosophiques aussi ennuyeux que des annabac;
- les précisions scientifiques; oh punaise que ça m'a gonflée ! En plus, je n'y comprends rien et ça a gâché mon plaisir de lecture, notamment dans La morale et le virologue. Qu'est-ce que j'en ai à cirer des transferts d'azote dans les enzymes ! Ce qui m'intéresse c'est l'objectif de la création d'un virus et ses conséquences;
- la moraline. Alors ça c'est le pire. Pour moi la science fiction a pour objet de susciter la réflexion, de mettre le lecteur face à ses valeurs et, éventuellement, à les modifier. Là, dans presque toutes les nouvelles, Greg Egan est lourdingue; il induit fortement la MORALE voire l'assène. ça me fout les nerfs.
C'est dommage parce, je le répète, les thèmes abordés valent vraiment le coup. Un petit top 3 des nouvelles qui ont quand-même eu m'heur de me plaire:
1) La Caresse
2) Axiomatique
3) Eugène
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Lecture :

Ce livre comporte une vingtaine de nouvelles assez longues. En environ 25 pages chacune, elles traitent de sujets assez différents. Elles relèvent pour la plupart de la "hard-science" : univers parallèles et physique quantique, duplication de l'être et définition de l'âme, eugénisme et être parfait, guerre biologique et expériences médicales. L'atmosphère générale est assez sombre mais jamais désespérée.

Avis

L'auteur place ses pions dans un univers peu différent du nôtre. Ils ont des vies normales, des sentiments et des préoccupations qui rejoignent notre quotidien. Mais à chaque fois, un élément du contexte est totalement différent de notre réalité actuelle. Que ce soient des implants cérébraux programmant les convictions ou des trous noirs se baladant au centre ville, ces originalités sont toujours amenés avec efficacité et naturel, elles s'intègrent avec force dans le monde.

Cette science-fiction, outre ses bases scientifiques théoriques solides, s'appuie sur l'homme. L'étrangeté technologique n'est là que pour exacerber les questionnements d'hommes à la recherche d'un avenir, d'un secours à leurs peines, d'un rôle dans lequel se transcender. Ils pourraient très bien être vous ou moi. Ce sont juste d'autres êtres humains décalés dans un ailleurs proche.

C'est tout l'art de Greg Egan de savoir imbriquer son imaginaire naturellement et en douceur dans notre réalité.

Le style de l'auteur est assez complexe. Il construit réellement son discours sans jamais tomber dans une justification inutile ou à rallonge. Il apparie les éléments qui composent cette réalité. Ces nouvelles étant avant tout humaines, il arrive à brosser une galerie de portraits très convaincants. Même un personnage à géométrie variable en quête de son identité acquière une réelle épaisseur.

Les phrases sont très structurées et agencées. Parfois un peu complexes, elles amènent doucement le lecteur là où l'auteur le guide. Sans jamais achopper, sans brusquerie ni coup d'éclat (ce n'est pas du tout du space opera), elles tracent une route fluide et accueillante mais bien plus tortueuse qu'il n'y paraît.

Certaines des nouvelles présentes sont plus légères ou plus "faibles", la première notamment. Mais elles se répondent souvent en écho en partageant un élément fondateur. l'ensemble reste très cohérent. Bien qu'indépendantes, elles forment un univers crédible, une Australie d'un siècle prochain où rien n'a fondamentalement changé, surtout pas l'Homme.



J'ai beaucoup aimé ce livre parce que , plusieurs des nouvelles ,une fois terminées, continuent à vivre. Les questions posées trouvent leur écho. L'identité, l'humanité, la persistance du soi, continuent de courir le dernier paragraphe lu. C'est aussi pourquoi j'ai pris mon temps pour lire ce livre. J'ai du bien digérer entre chaque tranche de ce livre copieux. Il faut prendre soin de bien mastiquer. La hâte pourrait mener à l'indigestion.

Pourquoi pas un coup de coeur alors? Parce que je trouve quand même qu'il manque une dynamique et un élan qui auraient parfait le livre.

Conclusion:

Une vraie science-fiction de qualité, intelligente et profonde, une écriture solide et construite qui prend le temps de questionner, des regards qui posent une réflexion, j'ai beaucoup aimé ce livre.

ma note :16 /20
Lien : http://www.atelierdantec.com..
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Axiomatique, je ne vous le cache pas, peut paraître assez ardu au lecteur et cela d'entrée de jeu, avec la toute première histoire, "l'assassin infini" qui poursuit inlassablement des drogués accro à un produit qui permet de voyager entre les univers, tout en les déstabilisant de plus en plus.
Une fois passée cette nouvelle très pointue, on se laisse aller un peu plus facilement, mais il est vrai que l'auteur malgré une écriture agréable et fluide, reste difficile d'accès.
Le côté introspectif et le récit à la première personne de la plupart des nouvelles nous permet quand même de nous projeter plus facilement.
Il n'empêche que les sujets abordés nous obligent à une réflexion dont nous n'avons pas forcément l'habitude ou pas l'envie d'avoir vraiment.
L'eugénisme, la manipulation génétique, le double numérique, le libre arbitre, le transfert de personnalité, la xénophobie, le clonage et l'écologie sont à l'honneur.
De la pure SF, même si ces nouvelles sont finalement projetées dans un avenir encore assez proche de notre propre époque.
Cependant, certaines ont été écrites dans les années 90 et restent époustouflantes.
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J'ai une relation ambivalente avec les nouvelles. Les bonnes me semblent frustrantes car elles ne font que me titiller le neurone à imaginaire sans aller jusqu'au bout, comme une fille qui n'assume pas son flirt éhonté. Les mauvaises sont moins agaçantes : elles ont l'énorme avantage de vite céder la place à la suivante. En fait, les recueils de nouvelles sont un peu comme ces blocs de bandes-annonces avant le film : les plus ratées vous donnent le sentiment de pouvoir économiser 2h de votre vie et le prix d'une place. Les plus réussies posent une question muette : à montrer que les meilleurs moments du film, la bande-annonce n'est-elle finalement pas plus intéressante que le long métrage délayé de 2h ?

Axiomatique est donc un recueil hard science. Les excellentes nouvelles qu'il contient m'ont souvent fait dire "Oh, c'est trop court, j'aurais voulu en savoir plus sur ce personnage" tout en pensant "Ouais, mais étirée sur 300 pages, l'auteur n'aurait sans doute pas tenu la distance avec cette histoire". Greg Egan étant australien et mathématicien, on y retrouve les obsessions très personnelles de l'auteur sur les implants neuraux, les réfugiés climatiques, l'identité, la grossesse, les univers parallèles… Chaque nouvelle est au "je", attrapant le lecteur par la main pour l'entraîner dans le futur nanotechnologique. Un tueur qui propose un étrange marché moral à sa prochaine victime. Une femme qui va devoir donner de sa personne le temps que le corps d'accueil de son mari arrive à maturation clonique. Un type qui change aléatoirement de corps chaque jour. Un père qui veut vivre la maternité coûte que coûte… Les idées sont excellentes, le taux de science est pilepoil au niveau qu'il faut pour étayer l'univers créé sans verser dans la démonstration pédante. C'est intelligent, bien écrit, ça fait cogiter. Un vrai bon recueil.

C'est Philippe Fragione qui disait "Je ne pense pas à demain, parce que demain c'est loin." Greg Egan et lui ne sont pas nés sous la même étoile, ce qui permet à l'Australien d'avoir le luxe de se poser des questions hypothétiques. Quelle place pour le libre arbitre quand une puce peut modifier durablement le câblage neuronal de l'homme ? Qu'est-ce que l'identité : un construct de souvenirs ou bien des atavismes prévisibles ? Et si vous décidiez à quel ministère vont vos impôts, lequel choisiriez-vous ?

Je mesure souvent mon enthousiasme envers un livre à ma fréquence de lecture. On s'entend que si une partie de PS3 ou un épisode de série télévisée est plus tentant qu'un chapitre, c'est mal barré. Axiomatique m'a collé aux yeux, je n'ai pas pu lâcher mon iPad de la fin de semaine. Chaque nouvelle était un pas en avant vers ce futur technologique où l'humain reste malgré tout au centre de chaque histoire. Bref, de l'excellente SF.
Lien : http://hu-mu.blogspot.com/20..
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On compare parfois Greg Egan à Ken Liu parce qu'ils font de la SF, ce qui est absurde selon moi car cela reviendrait à comparer Hugo et Zola parce qu'ils font de la littérature du XIXe. Liu est à fond dans les rapports humains, Egan dans les concepts abstraits et mindfucks. Ce qui lui vaut du coup d'être considéré comme un auteur minéral, glacé, aux personnages sans âme, au style froid et inexistant et aux écrits incompréhensibles au commun des mortels. Je pensais donc tenter ce recueil en toute connaissance de cause, ne sachant pas si j'allais continuer jusqu'au bout. Mais force m'est de constater une chose, c'est que la réputation, c'est comme les slips, les enfants : ce qu'on vous colle aux fesses n'est pas forcément ce qui vous reflète le mieux.

L'Assassin infini

On pouvait malgré tout légitimement se poser des grosses questions avec cette première nouvelle qui vous retourne le cerveau avec tout un tas de possibilités mathématiques sur les probabilités qui découleraient d'un nombre infini d'univers parallèles. Pourtant, disons-le, en-dehors du fait qu'une partie du jargon peut s'avérer obscure pour le néophyte, en faisant l'effort d'interpréter les quelques termes qu'on comprend mal, on se rend compte qu'on saisit la plupart des idées qu'il développe. Pour ma part, j'ai souvent songé à écrire moi aussi sur les conséquences de ce genre de machins. En gros, toute l'idée est là : où que vous alliez, qui que vous soyez, autant de fois vous pourrez buter le méchant, il y aura toujours une infinité d'univers où vous ne l'aurez pas fait. (Et aussi où vous l'aurez fait ! Ça fera juste un infini deux fois plus petit, mais ça reste infini : si vous comptez jusqu'à l'infini de 2 en 2 ou de 5 en 5, dans de 5 en 5 y'aura moins de nombres, mais ce sera toujours l'infini. Vous suivez ?)
D'entrée, on sent que l'auteur a bel et bien un style ; et outre l'aspect purement science-fictif, il se débrouille parfaitement bien dans le hard-boiled ! La plume est sèche, rapide, effrénée, l'idéal qui sied pour un texte alliant noir et action.
Je ressens néanmoins une légère déception sur un point, car si le côté matheux est traité avec réalisme, celui de comment accéder aux univers parallèles me semble hautement hasardeux. En gros, vous vous camez à tel machin, et tout ce qui se trouve autour de vous s'en va vadrouiller dans le Multivers. Sans plus d'explication sur le pourquoi du comment ; reste que ça fait des scènes sympas façon Spider-Man into the Spiderverse.

Lumière des évènements

Nous pouvons voir le futur de nos vies, ce qui signifie que celui-ci est entièrement déterminé. Mais c'est une catastrophe : le libre-arbitre n'existe donc pas ! « Et alors ? nous dit notre héros. C'est pas la fin du monde ! » Simplement le futur à venir est-il vraiment celui qui va se produire… ou celui que ses habitants veulent nous montrer ?
C'est un excellent texte, triste ou glaçant selon votre humeur, apportant un regard très pessimiste sur la liberté de l'Homme, voire sa nature profonde. Egan évite avec justesse tout manichéisme et dresse en quelques coups de pinceau des phénomènes politiques, astrophysiques ou sociaux tout en leur conférant un véritable réalisme. Ce n'est certes pas ce qu'il y a de plus joyeux, mais ça n'en est pas moins passionnant.

Eugène

Des millionnaires veulent un enfant, c'est alors qu'on leur propose de leur créer l'enfant parfait. Un très bon texte encore une fois, où l'auteur nous expose non sans humour toute sa misanthropie, avec une fin dont la portée philosophique nous amène à réfléchir sur notre imperfection. On regrettera en revanche que pour ce faire l'auteur s'écarte de la hard-SF pour y livrer ce qui ressemble bien plus à une incursion dans le fantastique.

La Caresse

Un flic « augmenté » enquête sur la mort d'une savante folle qui avait créé en cachette une femme à tête de léopard. Je croyais que je n'aimerais pas cette nouvelle longue (80 pages, en plus !), mais finalement on se prend vite au jeu… même si l'histoire prend un tournant qu'on n'attendait pas forcément, avec certes un antagoniste surprenant, mais venant gaspiller le potentiel d'un roman d'enquête en cessant de traiter certaines thématiques esquissées, notamment sur la flicaille du futur. Egan n'en profite pas moins pour nous livrer sa culture sur l'art avec des théories solides et donnant envie de s'y essayer (ahum… certaines plus que d'autres).

Soeurs de sang

Paula et Karen sont soeurs jumelles, mais toutes deux sont atteintes d'une leucémie à cause d'un virus déréglant leurs gènes, fruit d'une expérience de laboratoire qui a mal tourné. Passées quelques explications en médecine, Egan lance un pied-de-nez à ceux qui l'accusent d'être trop froid et se focalise exclusivement sur les relations humaines avec une finesse dans la psychologie de son héroïne, non sans lancer au passage quelques piques sanglantes sur notre société.

Axiomatique

Mark veut se venger du meurtrier de sa femme. Mais c'est un homme faible et hésitant, qui décide donc de s'implanter un axiomatique histoire de modifier son comportement. le genre de petites saloperies qui vous pondent des micromachines dans le cerveau pour vous faire croire par exemple que vous êtes invincible. Problème : ça marche trop bien.
Cette nouvelle reprend les qualités de la précédente, mais de manière un peu plus hasardeuse : certaines blagues cyniques sonnent trop caricaturales pour qu'on y croie vraiment (celles sur les jeunes qu'on n'oserait plus faire depuis les années 80), mais Egan évite encore une fois le pathos pour nous donner une psychologie solide et dont les modifications sont traitées avec réalisme, à défaut d'un modèle sociétal qui ait les mêmes faveurs (franchement je vois mal comment justifier la vente d'un objet susceptible de transformer les gens en machines à tuer… Ça ferait des clients en moins !).

Le Coffre-fort

Un homme se réveille chaque matin dans le corps d'une nouvelle personne. Toujours dans la même ville, souvent dans les mêmes quartiers, et toujours des personnes nées en novembre ou en octobre 1953. Pourquoi ?
Un texte qui s'éloigne de la hard-SF encore plus que le précédent mais garde une explication scientifique plausible. Encore une fois, très bien ficelé, l'histoire est une tranche de vie tout en gardant notre attention et parvient à trouver une conclusion du coup forcément ouverte mais très satisfaisante.

Le Point de vue du plafond

Un producteur se fait tirer dessus ; quand il se réveille, tout ce qu'il voit est perçu du plafond. Un texte aux bizarreries plausibles, où Egan révèle également un peu de sa cinéphilie encore une fois entre deux blagues à l'acide. le tout forme un mélange de sérieux et de second degré qui m'a plutôt laissé en-dehors vu toutes les réflexions et expériences avec lesquelles on démantèle les farfeluteries.
Mais ce point de vue virtuel est loin d'être une idée jetée en l'air juste comme ça ; c'est une métaphore du cinéma, un autre mode de vision différent de la réalité nous permettant de la percevoir sous un nouvel angle. Alors que le vrai cinéma semble se perdre pour gagner de l'audimat, Egan en propose un autre, un cinéma permanent, toujours déphasé avec la réalité et en phase en même temps, où le spectateur se retrouve le héros et donc amené à réfléchir sur sa propre existence.

L'Enlèvement

Pour une fois, on est d'accord, il va falloir un petit moment à s'habituer au texte : le vocabulaire technique et le ton distancié du début font qu'on peine à s'immerger dans la psyché des personnages. Par la suite, ceux-ci deviennent parfaitement lisibles, avec leurs petites contradictions qui finissent par leur conférer une âme.
On suit donc un collectionneur d'arts dont la femme a été enlevée… mais en fait non. Tout ce que je peux vous dire de plus, c'est : si on se sauvegardait, est-ce que notre sauvergarde serait toujours nous ou non ?

En apprenant à être moi

Une nouvelle sur le même thème, avec à nouveau une science transhumaniste n'attachant pas autant d'importance à suffisamment de réalisme pour être considérée comme hard. Ce qui est très loin d'en faire un mauvais texte : le questionnement de départ et la manière dont il est abordé est passionnant pour n'importe qui qui aurait ouvert un livre de philo au moins une fois dans sa vie, et le texte se finit haletant pour plonger vers une chute à double tranchant. Glaçant.

Les Douves

D'un côté une enquête avec un arsenal biologique pointilleux ; de l'autre, une anticipation de la vie de tous les jours alors que le racisme est en train de grimper. Une nouvelle courte et brillante, très ardue mais passionnante à suivre. Sachez juste que le style d'Egan allant droit au but, il faut rester très attentif pour comprendre comment les deux intrigues se rejoignent et comment l'enquête est résolue (moi-même, j'ai dû relire la fin). Est-ce que ce serait possible de la rééditer en 2022 ?

La Marche

Vous connaissiez les Unknown Movies ; mais connaissiez-vous les Unknown Reflexions ? Ce nouveau narrateur est ainsi confronté à un tueur à gages qui possède une vision du monde pour le moins marginale… mais diablement cohérente. Et quelle chute, mes amis ! On se croirait dans les meilleures heures de Cowboy Bebop, quand la réalité se fait onirique et que la vie et la mort, la tristesse et la joie deviennent inextricablement liés.

Le P'tit-mignon

Tous les bébés à -20% ! Commandez dès maintenant votre P'tit-Mignon, garanti 4 ans ! Un animal servile, bête et adorable, avec la parfaite allure d'un charmant bambin pour combler votre instinct paternel ! Personnalisable à volonté (si, si, c'est dans l'texte), et disponible dans tous vos Darty (bon, d'accord, ça, ça l'est pas) !
Ça peut paraître extrêmement cynique dit comme ça, mais notre narrateur est une bonne pomme. Il veut un bébé, un bébé à tout prix. Et pour ça, il est prêt à tout, y compris… à en commander un.
Le ton du texte est presque flaubertien : on rit jaune tellement tout sonne comme de la guimauve, et pourtant peu à peu on finit par s'attacher à ce personnage qui refuse de sortir de son monde d'illusions. La fin vient enfin nous délivrer une grande leçon de l'art de la nouvelle : les meilleures chutes sont parfois les plus visibles !

Vers les ténèbres

Avec L'Assassin infini, je dirais que ce sont les deux seuls textes vraiment difficiles du recueil. Celui-ci vient lui aussi compenser avec une action effrénée et un côté presque thriller par moments. le concept est assez simple : un trou de ver apparaît à différents endroits du globe ; pratique pour circuler, me diriez-vous ? Sauf qu'à l'intérieur, les règles de la physique sont modifiées : si vous vous dirigez vers le centre, vous rejoignez l'autre côté où le trou de ver veut que vous alliez ; sinon, SKROUITCH !
C'est nerveux, imaginatif, rythmé. Néanmoins, le ton assez noir et le côté hard-SF très prononcé pourront déranger certains lecteurs.

Un amour approprié

Une femme doit acheter un nouveau corps pour son mari blessé à mort ; seul problème, le temps de sa fabrication, son cerveau doit continuer d'être irrigué. Mais les toubibs du futur ont tout prévu… sauf le confort : pour des raisons économiques, elle va devoir porter deux ans et demie le cerveau de son mari ! Je vous épargnerais la blague de mauvais goût sur si c'est une fille ou un garçon.
Outre un voyage mental dans les névroses d'une femme enceinte contre son gré, on peut voir ici de nombreux degrés de lecture : celui féministe, bien sûr, mais aussi une dénonciation violente de la société prête à sacrifier tout et n'importe quoi pour faire marcher le business, y compris au détriment de ceux qui la composent. On regrettera juste qu'il n'y ait pas vraiment de conclusion ; juste une fin qui laisse un arrière-goût amer pour un très long moment.

La Morale et le Virologue

Et s'il existait un virus-miracle qui ne tuait que ceux qui le méritaient ? Choqué par l'impureté sexuelle (qu'il voit cela dit un peu partout et y éprouvant lui-même un intérêt pour le moins peu recommandable), un pasteur décide de créer le sida, mais en mieux. Un pamphlet contre le fanatisme religieux bardé d'ironie noire et faisant rire jaune qui n'en oublie pas la science pour autant, contrairement à trop d'auteurs SF français. Noir et cynique, mais jamais gratuit, Egan ne tombe pas dans le piège facile de l'anti-religiosité et s'immisce dans la psychologie retorse de son personnage tout en en restant distancé (comme le témoigne l'usage de la troisième personne inhabituel face à la plupart des autres nouvelles du recueil).

Plus près de toi

Dans le même univers qu'En apprenant à être moi, mais plus loin dans le futur, Plus près de toi est un des textes les plus philosophiques en se posant une question qui me taraude encore souvent : peut-on effleurer la conscience de quelqu'un d'autre ? Voire même devenir lui ? Tout en abordant l'éventualité du solipsisme et la solitude de l'Homme face à l'herméticité du reste de l'Univers, ce texte prouve une fois de plus s'il le fallait que la SF est le meilleur genre pour mettre en scène des raisonnements complexes à travers des exemples fictifs. S'il n'y avait pas le côté sexuel parfois très prononcé chez la partenaire du héros, je dirais bien volontiers que c'est un texte comme ça qu'on devrait voir à la fac (et que j'espère découvrir dans un mois), ne serait-ce que pour le style, direct et jouant sur l'implicite, en disant le moins pour être compris le mieux possible.

Orbites instables dans la sphère des illusions

Et si les croyances du plus grand nombre se mettaient à déteindre sur les autres ? Il finirait par y avoir des zones entièrement dominées par une religion dont on ne pourrait pas soustraire nos convictions, cherchant toujours à s'enfler comme un trou noir, aspirant dans leur « orbite » tous ceux qui passeraient à proximité. Un vagabond tente ainsi de les éviter afin de préserver son libre-arbitre de ces mensonges… Mais penser qu'ils en sont, n'est-ce pas déjà une croyance ?
Une nouvelle abstraite mais très compréhensible, et sans doute une de celles qui m'a inexplicablement le plus plu (sans doute un peu pour le plaisir à saisir des high concepts aussi limpides). Encore une fois la part belle aux réflexions, avec presque un petit côté post-apo dans une ville à moitié déserte qui peut ne pas être dénué de charme pour je devine un grand nombre de lecteurs.

Conclusion

Donc, si je récapitule bien :
- Greg Egan n'a pas de style : BULLSHIT !
- Greg Egan ne sait pas faire de personnages touchants : BULLSHIT !
- Greg Egan est un forcené des concepts incompréhensibles : OH HI, MARK !
Au final, je n'attribuerais pas le fait à ce que l'on se ressente souvent distancé de ses textes à cause du fait qu'ils seraient déconnectés de l'humain ; Egan sait se faire humain, c'est sa misanthropie qui repousse, le fait qu'il puisse par moments détester à ce point quelque chose qu'il connaît si bien. Mais c'est toujours pour de bonnes raisons.
Alors je fais peut-être un peu ma mauvaise foi, oui Axiomatique est loin d'être le bouquin le plus froid et tordu à comprendre qu'il ait écrit, mais ça prouve qu'il sait faire de la hard science, et plus largement de la SF, accessible et de haute qualité. Et quand on regarde de plus près sa bibliographie, on se rend compte que c'est loin d'être une exception : Zendegi, Cérès et Vesta, Nuits Cristallines, Perihelion Summer… Mais c'est que je vous vois, vous, derrière vos écrans, à vous demander quand est-ce que je vais me mettre à la partie hardcore de son oeuvre, histoire que vous me voyez me tabasser avec le bouquin tellement j'y comprendrais rien aux termes scientifiques ; sauf que bande de petits malins, c'est aussi la partie la plus dingue et palpitante de son oeuvre, et oui, je confirme que je vais me mettre à Diaspora, et j'ajoute que c'est prévu pour décembre. Soyez au rendez-vous ou non, mais c'est pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Voici un copieux recueil pour l'un des fers de lance de la SF « hard science » actuelle, Greg Egan. Précédemment publié dans une version française très tronquée composée de seulement quatre nouvelles (ouch !), AXIOMATIQUE a été republié intégralement en 2006. Ces 17 récits offrent donc un bon panorama de l'oeuvre d'Egan et constituent la première partie d'une « intégrale raisonnée » de ces nouvelles, poursuivie avec RADIEUX et OCEANIQUE.
Nous détaillons ici ces textes, au minimum intéressants et pertinents par leur questionnement, souvent très bons voire excellents.
« L'Assassin infini » suit un tueur parcourant les univers parallèles pour supprimer des drogués dont les expériences “psychédéliques” menacent le continuum lui-même. Un bon récit, complexe mais pas trop ardu, pour débuter en douceur
« Lumière des événements » constitue un des meilleurs textes de ce recueil, basé sur un postulat vertigineux et très hard science. En résumé, une découverte astronomique permet d'envoyer des messages dans le passé. Un homme sait donc qu'il va rencontrer sa future épouse à telle date, un autre qu'il se fera casser le bras en se rendant à un mariage, etc. Mais que reste-t'il du libre arbitre dans ces conditions ? Et n'est-on pas tenté de faire mentir le futur lorsqu'un événement particulièrement déplaisant survient ? de la grande SF spéculative, aux questionnements riches, un excellent texte ciselé en une vingtaine de pages et fourmillant de plus d'idées que bien des pavés 30 fois plus long !
Encore de la bonne SF d'idées, « Eugène » est un exemple d'anticipation (très) proche au sujet d'un couple ayant gagné à la loterie et décidé à s'offrir l'enfant parfait grâce aux manipulations génétiques.
« La Caresse » traite d'un art dévoyé mis au service d'un individu tellement riche qu'il oublie toute morale pour créer des créations artistiques littéralement chimériques, autrement dit de merveilleuses / horribles créatures mi-homme mi-animal en hommage à différents artistes d'antan. Et notamment au Belge Fernand Khnopff et ses “Caresses”. Etrange !
Greg Egan se fait ensuite humaniste avec l'histoire de deux « Soeurs de sang » atteintes d'une maladie potentiellement mortelle. L'une se croit à l'agonie aux Etats-Unis mais finit par entrer en rémission, l'autre décède en Afrique. En filigrane, Egan s'interroge sur les méthodes de l'industrie pharmaceutique et les fameux tests en double aveugle médicament / placebo.
Très réputée, « Axiomatique » questionne les choix d'un homme pour qui la vie humaine a toujours été sacrée. Cet axiome peut cependant être neutralisée dans cette société future à l'aide d'implant permettant de remodeler, pour un temps, certaines caractéristiques personnelles. Certains choisissent ainsi de s'injecter une croyance religieuse ou une perversion sexuelle inédite. le narrateur, pour sa part, va s'en servir afin d'ôter ses hésitations à se venger du meurtrier de sa femme, abattue stupidement dans un braquage.
On poursuit avec « le coffre-fort », un texte réussi au sujet d'un homme ayant le pouvoir (qui s'apparente à une sorte de malédiction), d'occuper le corps d'autrui et de changer de « peau » chaque jour. Comment rester un individu, un être unique, lorsque sa vie se voit ainsi morcelée ?
Passons sur « le point de vue du plafond » et son expérience de décorporation qui, paradoxalement, manque sans doute d'un point de vue (hum !) et ressemble à un exercice de style à vrai dire hermétique. le point faible du recueil.
Autre sujet de questionnement abordé par « L'enlèvement » :ce qui est réel et ce qui ne l'est pas, une réflexion classique mais toujours pertinente de la littérature d'anticipation. Si on crée un « scan » d'un individu celui-ci va t'il accéder à l'immortalité ou n'est ce qu'une vulgaire copie ? Et si des criminels s'en emparent et menacent de torturer cette copie peut-on objecter qu'il s'agit simplement d'une simulation sans réelle existence ? Egan invite à la réflexion au travers d'un texte à la fois abordable et exigeant dans ses concepts philosophiques et psychologiques.
Des questions similaires sous-tendent « En apprenant à être moi » au sujet du cristal Ndoli, un ingénieux dispositif qui réplique les pensées de son porteur et prend le relais lorsque ce-dernier vieillit, lui permettant d'accéder à l'immortalité via le « basculement ». Mais qui est vraiment l'humain dans ce cas ? L'original ou sa copie cristalline ?
Les manipulations génétiques sont au coeur de « Les douves », un texte qui, sur fond de racisme et de réfugiés climatiques, traite de la création, par les élites dominantes, d'une humanité alternative ayant bidouillé son code ADN afin d'être insensible aux maladies.
La thématique très cyberpunk de l'implant (l'Homme est-il encore Homme lorsque ses pensées sont altérées, pour son bien, par un implant ?) transforme le classique face à face entre un tueur à gages et sa victime désignée en science-fiction philosophique dans « La marche ». Sans vraiment convaincre bien que le récit se lise sans déplaisir.
Le thème de l'homme (masculin donc) qui veut enfanter lui-même joue les tire-larmes avec « P'tit mignon ». L'histoire d'un bébé conçu sur commande mais condamné à vivre seulement quatre ans et considéré, par son papa, comme un simple jouet ou, au mieux, un animal de compagnie.
Dans « Vers les ténèbres » les reliquats ratés d'une ingénierie temporelle venu du futur se manifestent sous forme de grands trous de vers qui, tels des trous noirs, empêchent quiconque de s'en échapper. La seule solution pour leur survivre consiste à courir vers leur coeur, un havre permettant de résister à la brusque disparition de ces gouffres temporels. Des sauveteurs spécialisés sont chargés de guider le plus de captifs possibles vers la sécurité…Une nouvelle assez folle basée sur des théories quantiques et utilisant également les probabilités pour rassurer (sans y parvenir, l'humain est ainsi !) ces sauveteurs plongeant dans les ténèbres.
Autre nouvelle à peine prophétique, « Un amour approprié » (précédemment titré « Baby Brain ») questionne ce qui est possible (lorsque la technique est disponible) et ce qui est souhaitable (avec bien sur les questions éthiques sous-jacentes) lorsqu'une femme se voit obligée par les assurances « d'enfanter » le cerveau de son mari accidenté placé dans son utérus dans l'attente d'un corps de substitution.
Plus classique mais non moins glaçant « La morale et le virologue » suit un biologiste décidé à créer une sorte de super sida capable de tuer sélectivement les homosexuels et les adultères. le final montre bien la folie religieuse poussée dans ses derniers retranchements.
Retour du fameux cristal Ndoli avec « Plus près de toi » qui démontre qu'en matière amoureuse et sexuelle mieux vaut garder une part de mystère. Intéressant mais attendu.
Enfin « Orbite instable dans la sphère des illusions » décrit l'avènement des attracteurs, lesquels vous convertissent instantanément à une religion, une croyance ou à un mode de vie. Pour les « athées » du futur la seule solution est de vivre littéralement en marge des zones géographiquement contaminées… Pas le meilleur récit du recueil mais des interrogations pertinentes.
En dépit de trois ou quatre textes moins réussis ou plus mineurs, AXIOMATIQUE est un véritable condensé de science-fiction spéculative, intelligente et passionnante, une anthologie monstrueuse qui prend place aux côtés de LA TOUR DE BABYLONE de Ted Chiang, JARDINS DE POUSSIERE de Ken Liu, QUAND LES TENEBRES VIENDRONT d'Asimov, PERSISTANCE DE LA VISION de John Varley, AUX CONFINS DE L'ETRANGE de Connie Willis, LE CHANT DU BARDE de Poul Anderson et quelques « best of » de Dick au panthéon des recueils incontournables !

Lien : http://hellrick.over-blog.co..
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Allez soyons fou ! après 21 critiques dithyrambiques en voici une opposée à la majorité !

Je ne pensais pas qu'il soit possible un jour de trouver une histoire ennuyeuse et qui traine en longueur quand elle ne tiens que sur 25 pages et bien en voilà un recueil complet !!! si, si, ce livre en est le parfait exemple.

Je n'ai pas réussi à le terminer et définitivement je pense ne pas en avoir saisi toute la quintessence. Probablement que ce n'est vraiment pas mon truc et pourtant j'étais très motivé et me réjouissais.

Jamais en lisant un livre je n'ai eu à ce point l'impression d'un écrivain qui aime tant s'admirer entrain d'écrire pour ne rien dire.

Les trois premières pages de chaque nouvelles posent l'histoire, les 20 ou 30 suivantes sont un ramassi de termes techniques imbuvables qui n'apportent strictement rien à l'histoire et les 3 dernières la conclusion.

Il ne se passe strictement rien, il n'y a pas d'histoire mais une simple description technique approfondie du contexte et on passe à la suivante.

Bon courage..... moi j'ai lâché le morceau après 130 pages.



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Plus qu'un livre de science-fiction, c'est un véritable manifeste sur les fictions d'une science en lieu et place de tout éthique ; un avertissement sur les conséquences de projets actuellement en cours chez nombre de tenants du transhumanisme qui n'envisagent que les arguments dits « rationnels » (d'un point de vue technifico-scientifique) pour répondre aux grandes questions existentielles et, ce faisant, brouillent les frontières de l'humanité et justifient leur projet d'affranchissement de toute limite.
C'est un cri d'alerte contre les nouvelles étapes à venir de la mise à disposition complète, totale (et de fait totalitaire ?) de l'homme à cette logique technicienne (mais aussi marchande). Car l'erreur vient de la croyance que la technique puisse être éthiquement neutre.
Heureusement, Greg Egan ne manque ni d'humour ni d'un sens aiguisé de l'imagination pour nous laisser penser que ces histoires, profondes, prenantes, effrayantes surtout, ne deviendront pas notre histoire, qu'elles sont encore trop folles pour l'être... et pourtant, rien n'est exclu (loin de là).
Charge à nous, lecteurs avertis, de savoir tirer la leçon de ce lanceur d'alerte littéraire : pour que cette « nouvelle axiomatique », posture qui consiste à admettre comme « exactes » (et donc comme « vraies », sans que l'on perçoive le saut qualitatif entre les deux termes) de simples possibilités logiques/techniques ; car comme nous le disait déjà Jacques Ellul, « ce n'est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique. »
Il tient à nous que ce que la technique rend possible ne devienne pas la voie toute tracée à suivre par nécessité (malgré, ou plutôt, contre, la loi de Gabor) ; il nous appartient de reconquérir, ici aussi, ici d'abord ? notre autonomie, notre souveraineté, reprendre, en somme, la maitrise sur ce qui devait d'abord n'être qu'un outil au service de notre humanité et qui pourrait, aujourd'hui, sans plus d'attention et en laissant faire certains (intéressés à substituer à nos éthiques et morales plurielles et humanistes) ces axiomes du nouveau règne de la civilisation technicienne.
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Ce recueil réuni 18 des premières nouvelles de Greg Egan, dans les années 90. de la grosse Hard SF.

Une expérience de mort imminente perpétuelle.
Le remplacement volontaire du cerveau par un IA qui imite son porteur.
Un couple utilisent l'ingénierie générique pour avoir l'enfant parfait.
Un zélé religieux fabrique un virus ou pire que le SIDA pour éradiquer la Terre de ses péchés.
Etc.

Chaque nouvelle est une expérience de pensée poussée dans ses extrémités. Elle inclut toutes les explications scientifique pour rendre l'expérience réaliste, ainsi que les réflexions morales qui viennent avec.

Les nouvelles portent presque toutes sur les biotechnologies. Je précise parce que je suis bioethicien de formation, et que aucune des réflexions de Egan me m'a parut éculée ou réactionnaire. C'est rare en science fiction, où la plupart des auteurs semblent préférer y aller avec la facilité de "Ah non, une nouvelle technologie fera s'effondrer complètement la civilisation!"

Greg Egan connait et prend au sérieux la littérature scientifique des sujets qu'il aborde. Incluant celle des éthiciens. C'est même son principal défaut. de longs passages de Egan ressemblent à des articles scientifiques. Ça me plaît bien, mais ce n'est pas le tout le monde.

Ce ne sont pas des nouvelles avec des retournements surprenant. (Pas que ses chutes soient prévisibles. Mais ne tombe pas en bas de sa chaise.)

Honnêtement, si vous n'êtes pas certains d'aimer Greg Egan, commencez par lire le recueil Océanique, plus récent. La qualité de l'écriture y est meilleure, les thèmes, intrigues et personnages et sont plus divers et surtout... Il y a du magnifique worldbuiding, complètement absent d'Axiomatique.

Dernier conseil : La première nouvelle du recueil n'est pas très bonne, mais elle est loin d'être représentative du reste du livre. N'hésitez pas à la passer.
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