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EAN : 9782330153717
80 pages
Actes Sud (01/09/2021)
3.44/5   54 notes
Résumé :
Venise, 1750. Dans les rues effervescentes du Carnaval, se croisent poètes, peintres, graveurs et musiciens. Au fil des pages, devenant elle-même une oeuvre d'art trop grande pour être contenue, la Sérénissime se déploie, se dévoile, cruelle, un peu sorcière, à la mesure des rencontres artistiques, des parties de cartes et des jeux de masques. Et tisse dans ses rues brumeuses une grande histoire d'amour et de chagrin.
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DÉSIR POUR DÉSIR de MATHIAS ENARD
Venise 1750. le long du canal Amerigo et Camilla cheminent vers l'atelier du graveur. Absent, c'est son aide qui les reçoit, Antonio. Il prend la petite huile sur bois qui va servir de support à la gravure. C'est Amerigo qui parle, Camilla ne dit rien, juste au revoir en partant, mais c'est suffisant pour qu'Antonio soit boulversé, elle est si belle et on lui avait toujours dit qu'à l'hospice il n'y avait que des laiderons. le graveur, le Maestro, passera plus tard donner ses consignes à Antonio puis repartira en gondole pour aller vider des flasques et jouer aux tables les plus fermées, c'est un vrai vénitien. Au retour à l'hospice de la Piéta où il a grandi, Amerigo, qui est aveugle, se met à jouer, luth, guitare ou épinette, Camilla, elle, joue de la viole d'amour et chante. Amerigo aime Camilla passionnément mais elle n'a qu'une affection fraternelle pour lui. Antonio rêve de la voir jouer et chanter, son coeur palpite…
Toute la mythologie de Venise la sérénissime dans ce tout petit livre plein d'amour et de sensualité. Enard nous transporte sur les canaux vénitiens on imagine hommes et femmes derrière leur masque se faufilant vers des rendez vous amoureux. L'écriture est incroyablement évocatrice et pour celui qui a eu la chance de flâner dans ces ruelles en ces saisons où la brume envahit tout et rend Venise encore plus mystérieuse, alors ce roman, cette nouvelle, le ravira.
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N°1636 – Avril 2022

Désir pour désirMathias Enard -Babel

Nous sommes à Venise, au XVIII° au moment du carnaval c'est à dire à une période hivernale de l'année où la vie se déroule dans les plaisirs, les fastes d'une cité commerciale prospère. Nous La découvrons à travers les yeux du Maestro, un maître-graveur renommé, un vénitien qui aime la vie. « La Sérénissime » est une cité exceptionnelle entre le ciel et l'eau est aussi une métropole de la poésie, de la peinture, de la musique, une étape incontournable du « Grand Tour », très en vogue à cette époque dans l'aristocratie du vieux continent. C'est le symbole de la fête et du luxe, les femmes sont belles, les masques autorisent toutes les folies et toutes les intrigues, la musique et le chant sont partout, dans les palais comme dans les églises ou les monastères, les dîners sont somptueux et le vice y combat la vertu dans les vapeurs d'encens et le velouté du vin. Il y a aussi les personnages du théâtre italien, les quartiers populaires, les gondoles, les rumeurs et les reflets de l'eau, les ruelles sombres, le brouillard du Grand Canal, le petit peuple. Ce décor cache comme il peut l'autre face de « la Dominante » comme on l'appelle aussi, avec la dague, le poison, les bordels, les maisons de jeu, la délation, les complots, la justice, gardienne de l'ordre moral, la redoutée prison des « Plombs »...
Une autre facette plus intime nous est offerte, celle qui évoque trois personnages. Amerigo, le violoncelliste aveugle qui accompagne Camilla, cette jeune fille à la voix d'or, joueuse de viole d'amour. Une relation sensuelle mais fraternelle et platonique s'établit entre eux à travers la musique et les instruments à cordes qu'ils font ensemble vibrer. Face à Antonio , le jeune apprenti graveur qui croise le regard de Camilla et en tombe immédiatement amoureux, il sait qu'il doit disparaître parce qu'il n'a plus sa place auprès d'elle.
J'ai toujours plaisir à lire Mathias Enard dont j'apprécie à la fois le style simple, délicat, poétique, l' impressionnante érudition, la précision de son vocabulaire, la faculté qu'il a de transporter son lecteur dans son univers, le temps d'un roman. Ce court récit tisse à petites touches un dépaysement spatio-temporel raffiné glané au fil des canaux, des ruelles, des palais  de la Cité des Doges. 
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A défaut du talent littéraire , j'ai en commun avec Mathias Enard la passion de Venise qui se manifeste de manière évidente dans ce très court ouvrage . le 29 janvier 1750 (et le lire à sa date anniversaire 174 ans après me fut un petit plaisir supplémentaire) se croisent la belle Camilla musicienne à l'Ospedale de la Pietà et un jeune apprenti graveur .Coup de foudre . Rencontre éclair où un tiers sera ,lui aussi , foudroyé car ,sur la lagune plus qu'ailleurs, Eros et Tanatos partagent la même gondole. Cette rencontre amoureuse est prétexte à évoquer la Venise spirituelle , le raffinement des arts porté au paroxysme , et l'autre , la sensuelle , la sordide , la triviale , des « casini » ,des poésies de Baffo , du plaisir des sens . Cette double apparence , visage d'ange et « bauta », Enard s'emploie à la faire vivre avec toute son érudition et sa science du langage , du rythme et de l'image.
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Mathias Énard, avec toute sa verve littéraire, nous transporte, par cette nouvelle, dans la Venise du XVIIIe siècle au moment du carnaval. Il y explore et nous entraîne avec lui dans un univers de passion, de flamme, de coeur, d'amour et d'art. D'une écriture raffinée, ce court texte nous permet de longer le Grand Canal et ses canaux affluents, de prendre le pouls de lieux secrets dans un clair-obscur qui stimule l'imagination, de croiser des masques, d'assister à des échanges autour d'une table de jeu dans un casin privé, d'écouter la musique et les chants des filles de choeur de l'Ospedale della Pietà, de vivre une histoire vénitienne.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Bon, je suis partagé. J'aime beaucoup Mathias Enard, son érudition virevoltante, sa capacité à embarquer le lecteur dans des mondes magiques. Alors Venise et ses grands artistes, peintres et musiciens, offre un cadre idéal à son talent. mais je suis resté sur ma faim. Très bien écrit, jolie histoire, mais sans frisson.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Tous masqués, les convives sortirent par le côté du canal où les attendait avec ses deux rameurs, un devant et un derrière, tels ses fanaux, la gondole du maître des lieux. Le soir tombait : les torches et les lustres commençaient à rougir légèrement la brume. Ici la clameur d'une fête, là des chants lointains, alliés aux remous régulier des rames, adoucissaient la défaite du jour. Venise est un clair-obscur, pensait le Maestro en regardant défiler les murs de la Dominante. Les soirs d'hiver se teintaient de secrets. Les braseros, les lustres de verre, les lanternes des auberges se lançaient petit à petit à l'assaut des ténèbres en dessinant de longues flammes dorées.

- Je suis un peu gris constata le Maestro face à la mélancolie qui l'envahissait soudain.

Cette sensation douloureuse l'accompagna toute la soirée, malgré les plaisirs de l'opéra, qui furent mémorables, et ceux de la chair, qui ne le furent pas moins. Le Monde de la lune avait tenu ses

promesses : quel voyage... Cet astrologue avec sa lunette, Ecliticco, était éminemment drôle. Regardez les femmes de la lune se déshabiller dans le télescope ! Regardez ! regardez les femmes lunatiques... Et bien sûr, un barbon se laissait prendre et on lui offrait un voyage sur la lune, à ses dépens. Seul regret : la musique n'était pas lunaire, mais bien vénitienne. Mais qu'à cela ne tienne. Le Galuppi de Burano s'en était sorti avec les honneurs, il y avait quelques beaux arias - les chanteurs, les chanteuses, l'orchestre, les costumes, les ballets, tout avait participé au spectacle. Ensuite la fête et les rencontres masquées avaient été à la hauteur des espérances : le vin aidant, il s'était trouvé une certaine dame pour se laisser courtiser. Le Maestro n'avait point vu son visage : il faudrait donc, pour la retrouver, se livrer à des investigations point impossibles, mais complexes en plein jour.

D'où venait alors cette légère tristesse qui ramenait le Maestro jusque chez lui à San Polo à la fin de cette nuit si longue de

Carnaval ? La fatigue, la mélancolie, un rameur silencieux, le bruit inévitable de l'eau ; la seule épaisseur est celle du brouillard. Un rien embrumé lui-même par le vin. Le Carnaval était une fête, une sensation triste de recommencement. Le Carême vous ensevelirait bientôt sous ses cendres. Le Carnaval contenait bien sûr la certitude de sa défaite. Mais ce n'était pas cela qui assombrissait encore un peu plus la fin de nuit brumeuse du Maestro... C'était la légèreté des jeux carnavalesques... l'absence d'un amour réel et puissant. Peut-être parce qu'on était vendredi matin, que l'année 1750 avait commencé voilà à peine un mois, qu'il faisait un froid de gueux et qu'il n'avait pas dormi depuis deux jours...
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Le vernis, l'acide nitrique et l'essence du térébinthe : Amerigo sut qu'il se trouvait bien dans un atelier de gravure - il reconnut les effluves de cuivre mordu, de laque ; puis de papier mouillé, d'encre, de colle de poisson, de sève de mastic et de gnôle de raisin.
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Venise est une magnifique sorcière, un doux poison, une flûte mortelle, la patris des mensonges et du commerce, des raisins de Corfou, des soieries, du marché du Rialto, des bateaux qu'on voit décharger sur la Riva, des palais et des richesses, des épices, des soldats, des territoires lointains, des intrigues, des pleurs ; Venise du théâtre, de la peinture, de la musique et du danger, des masques et des capes ;Venise des condottieri et de la douane. Venise érotique et religieuse, ouverte et fermée, secrète et puissante, maîtresse des mers, des galères et des caravelles ; Venise de Raguse à Constantinople ; Venise des fondachi et du ghetto, Venise de la bauta, du Bucentaure et de la grâce.
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Le désir d'Amerigo, ce battement brûlant , cet archet arrachant à la corde son chant, Camilla l'entendait bien sûr, elle le reproduisait sur sa propre poitrine, la taille et le dos courbé comme des éclisses, la viole contre le haut du sein - elle aimait se savoir désirée par cet homme qui ne pouvait que l'entendre.
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"Le mouvement touchait à sa fin ; la viole soupira une dernière fois avant de gémir longuement, à la dominante - la cadence laissa Amerigo abattu, le menton sur l'épaule de l'instrument, l'archet dans le vide, rêveur, comme mort et Camilla, dont le coeur retrouvait petit à petit un tempo plus calme, sourit et resta quelques secondes à observer son partenaire."
P33
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Vidéo de Mathias Enard
Grand entretien de clôture avec Mathias Enard - Modération par Zoé Sfez - dimanche 2 octobre 2022, 17h30-18h30 - Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay) Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
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