AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782213717746
352 pages
Fayard (24/08/2022)
3.79/5   7 notes
Résumé :
L'autre, c'est nous...

Comment supporter le temps qui passe quand on est forcé à l’inactivité ? Comment remplir ses journées ? Que faire quand on ne peut plus exercer le métier qui a donné un sens à notre vie pendant des décennies? Existons-nous encore quand personne ne nous voit ? Autant de questions que se pose Richard, professeur de lettres classiques fraîchement retraité et totalement désœuvré.

Un jour, en passant sur l’Oranienplatz... >Voir plus
Que lire après Je vais, tu vas, ils vontVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Peut-être a-t-il encore bien des années devant lui, peut-être seulement quelques-unes. En tout cas, le matin, Richard ne doit désormais plus se lever tôt pour se rendre à l'université. Maintenant, il a le temps, voilà tout. le temps de voyager, comme on dit. le temps de lire. Proust. Dostoïevski. le temps d'écouter de la musique. Avoir le temps, il va s'y habituer, mais il ne sait pas combien de temps ça va lui prendre. Quoi qu'il en soit, sa tête continue de travailler, comme toujours. Que va-t-il en faire, maintenant, de sa tête ? Et des pensées qui, dans sa tête, continuent de penser ? »

Professeur émérite maintenant retraité, Richard tourne en rond chez lui, dans la proche banlieue de Berlin. « Il doit faire gaffe à ne pas devenir dingue, maintenant qu'il reste seul, des jours entiers, sans parler à personne. »
En passant sur l'Alexanderplatz, il ne remarque même pas l'attroupement de migrants ayant entamé une grève de la faim pour réclamer la possibilité d'accéder à un travail. Mais, peu après avoir pris connaissance de ce mouvement, il en vient à adopter ces étrangers comme nouvel objet d'étude en allant à la rencontre de ceux que la ville a rassemblés dans un hébergement provisoire. Il entame ainsi une série d'entretiens avec eux …

Autant le dire tout de suite, il ne m'a pas d'emblée été sympathique, ce vieux professeur (il a soixante-douze ans) désoeuvré, dont j'ai noté le comportement un tantinet maniaque. C'est d'ailleurs son attitude routinière, ce refus d'envisager une quelconque surprise dans le cours familier des choses, qui a vraisemblablement conduit sa femme, avec laquelle il n'a pas eu d'enfant, un choix de leur part, à s'éloigner de lui. Et puis, il a parfois des réflexions déplacées, projetant ses propres pulsions sexuelles sur la professeure éthiopienne d'allemand, qu'il imagine avoir envie de coucher avec des migrants, comme lui a envie d'avoir des relations avec elle. Il reste que, progressivement, son intérêt pour les migrants, synonyme au départ d'occupation mais qui se mue en préoccupation au sens large du terme, va l'amener à changer en s'impliquant de plus en plus personnellement et en faisant montre d'une générosité inattendue.

Au fil du roman, les rencontres de Richard permettent d'évoquer les divers parcours conduisant des migrants de différents pays à cette impasse que représente Berlin : les témoignages recensés sont prenants et frappent l'imagination. L'auteure, Jenny Erpenbeck, fait preuve d'un talent manifeste pour illustrer par le biais de personnes de chair et de sang ce que nous pensons connaître mais ne faisons qu'apercevoir, de loin. Quand Richard les approche, c'est nous qui sommes au plus près d'eux, des drames qu'ils ont traversés et de leur certitude actuelle que, tant qu'ils ne peuvent pas travailler, leur vie continue à leur échapper, elle est comme arrêtée.

Il faut noter aussi que le ressenti de Richard et ce qu'il est, s'inscrivent dans son histoire et dans celle de l'Allemagne, si bien qu'il établit parfois des ponts entre ce qu'il vit et ce qu'il a vécu, comme il en fait spontanément entre ce que lui racontent les migrants et la culture classique dont il est imprégné.

« Je vais, tu vas, ils vont » est un roman porté par une écriture hors du commun, dotée par endroits d'une scansion particulière et j'aurais plaisir à lire à nouveau l'auteure, dans un roman me convenant mieux. Dans celui-ci, il m'a manqué une histoire à proprement parler, celle du cheminement personnel du professeur n'étant guère consistante, pour y trouver mon compte : malgré l'intérêt du propos, l'absence de tension narrative m'a menée au bout d'un moment à ressentir un certain ennui. Mais si vos attentes en la matière ne sont pas les mêmes que les miennes, aucune hésitation à avoir : ce livre, riche en (r)enseignements (sur la réglementation européenne en particulier) et en réflexions sur la politique migratoire et la gestion des individus arrivés sur le sol allemand, est d'une indéniable qualité, tant littéraire que documentaire.
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
Commenter  J’apprécie          50
Richard est un universitaire, spécialisé en lettres classiques, qui vient juste de prendre sa retraite. Il est veuf, sans enfant et va devoir meubler ses journées. Il a bien les cartons à trier, cartons qu'il a ramené du bureau de l'université. Il a bien quelques rendez vous avec ses voisins, quelques balades, dîners, quelques invitations à des colloques, mais de moins en moins d'ailleurs. ...
Un jour, en passant sur l'Oranienplatz, à Berlin, il croise par hasard le chemin de demandeurs d'asile. Ceux ci se sont installés sur cette place et et leur camps devient un camps de protestation. Cela interpelle un peu Richard et au départ, il décide d'en faire un sujet d'étude. Il va aller à la rencontre de ses hommes, leur poser des questions et "jouer" au sociologue. Il va essayer de comprendre aussi toutes les démarches administratives que ces êtres doivent faire, pour être visibles et pouvoir aller de l'avant. Nous apprenons beaucoup sur ces démarches induites par le fameux accord "Dublin II". Ces directives considèrent malheureusement ses migrants comme des chiffres, des cas qu'il faut faire rentrer dans ces cases. "Il ne faut pas s'étonner, pense t il, si le mot action désigne tout autant nos actes que des titres de propriétés." Richard va alors apprendre à connaître plusieurs hommes et leurs différents parcours de vie, leurs espoirs. Comme lui, nous allons alors rencontrer Ithemba, le cuisinier, Zaïr, Rachid, le lanceur de foudre et serrurier, Osarobo, qui dompte les notes d'un piano, Ali qui rêve d'être aide soignant, Youssouf, qui fait la plonge et rêve d'être ingénieur.. Comme Richard, nous allons connaître la situation dans certains pays africains, comme le Ghana, le Niger, le Tchad, Nigeria... Nous sommes à Berlin et Richard a connu le mur et vivait du côté Est avant la chute du Mur, il connaît déjà les changements de son pays, de sa ville. D'un sujet d'étude, il va en fin de compte apprendre à connaître, apprécier, aider ces différents individus, qui comme tout un chacun ont des qualités, des défauts. "Maintenant aussi, il vivait un moment où il se souvenait que le regard d'un homme était aussi valable, que celui d'un autre. Quand on regarde, on n'a ni raison, ni tort".
Ce livre est touchant par ses différents portraits d'êtres qui vont apprendre à se connaître, à s'apprécier.
Ce livre est très documenté (nous apprenons beaucoup sur la situation de certains pays, ethnies (comme les touaregs), sur les directives mais il reste à la hauteur de ses histoires d'êtres humains, que ce soit Richard, ancien allemand de l'Est, qui va découvrir d'autres mondes et les différents migrants, avec chacun leur histoire, leur façon de subir ses absurdes contraintes administratives, leur espoirs. de belles pages d'échanges, d'espoirs, de désespoirs, de communion, (une belle soirée d'anniversaire où chacun a apporté un peu de soi à partager). Je n'avais jamais lu cette auteure allemande mais continuer de découvrir les différents textes de Jenny Erpenbeck.
#Jevaistuvasilsvont #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          10
Aucun essai, aucun livre historique ne peut avoir autant de puissance que le roman de Jenny Erpenbeck! Et cela pour plusieurs raisons: pour l'écriture envoûtante qui entraîne le lecteur, pour les choix narratifs comme suivre le personnage principal à distance en utilisant la troisième personne. Ainsi l'attitude de ce professeur de lettres classiques, nouvellement à la retraite, face aux migrants surprend d'emblée: au lieu d'adopter l'attitude commune d'indifférence ou au contraire d'empathie démonstrative envers l'étranger qui souffre, il pose des questions, veut connaître le parcours de chacun. Il semble inaccessible aux sentiments mais c'est dans une véritable démarche intellectuelle qu'il arrive à mieux comprendre et à nous faire comprendre les enjeux des migrations d'aujourd'hui. Voilà vraiment la force du livre, montrer comment la vie des migrants a beaucoup de points communs avec la nôtre, comment l'Odyssée d'Homère annonce et reflète les migrations d'aujourd'hui à travers les aventures et les portraits tout en retenue à hauteur d'homme de ces migrants réunis à Berlin. le professeur fait entrer dans son monde douillet et isolé la réalité crue et violente. Un livre bouleversant.
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (1)
LeMonde
28 septembre 2022
La finesse de son écriture ­litanique, le flux continu d’un texte où les tirets indiquant les dialogues disparaissent pour mieux servir la quête d’unité et susciter, sans grandiloquence ni ­culpabilisation, l’empathie avec ces nouveaux « damnés de la terre » que sont les migrants – rehaussée par la ­magnifique traduction de Claire de Oliveira –, tout concourt à rendre ces pages aussi belles à lire que nécessaires.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
N'empêche.
Après sa mort, l'armoire paysanne à la baguette manquante ne demeurera sûrement plus sous le même toit que la tasse qu'il prend tous les après-midi pour son café turc ; son fauteuil pour regarder la télé sera, tous les soirs, poussé par d'autres mains que celles qui ouvriront les tiroirs de son bureau ; son téléphone ainsi que le couteau tranchant qu'il utilise toujours pour les oignons ne partageront pas leur propriétaire, son rasoir non plus. On jettera tant de chose qu'il apprécie, qui fonctionnent encore très bien, oui qui lui plaisent, tout simplement. Entre la décharge où atterrira son vieux réveil, par exemple, et le foyer de celui qui pourra s'offrir son service en porcelaine au décor d'oignon, il y aura un lien invisible : ces deux choses lui auront appartenu, autrefois. Mais s'il n'est plus de ce monde, il va de soi que personne ne sera au courant de ce lien. Ou faut-il croire, tout de même, qu'un tel lien existe à jamais, pour ainsi dire objectivement ? Et si oui, avec quelle nuit de mesure faudrait-il le mesurer ? Si ce qui transforme son foyer en univers, depuis la brosse à dents jusqu'au crucifix gothique accroché au mur, est bien le sens qu'il a institué, il se pose aussitôt la question suivante, qui est fondamentale : le sens a-t-il une masse ? (page 18)
Commenter  J’apprécie          30
Une nouvelle de Karen tombe à point nommé pour Richard, interrompant la lecture affligeante de ces commentaires.
Hi, écrit le maigre, how are you ?
Richard répond : fine, how are you ?
Il apprend que le maigre a un rendez-vous administratif à la mairie.
Richard écrit : tu as quelqu'un pour t'accompagner ?
Karen répond : I have no body.
No body, c'est vraiment ce qu'il écrit ; je n'ai pas de corps, au lieu de nobody, personne, et Richard pense automatiquement à Mort en sursis. Tous les hommes qu'il a connus ici pourraient aussi bien reposer au fond de la Méditerranée, il se l'est souvent dit. Et, à l'inverse, ceci ; tous les Allemands assassinés pendant le fameux Troisième Reich, ne cessent de hanter l'Allemagne, tous ces absents, ainsi que les enfants et les petits-enfants qu'ils n'ont pas eue, pense parfois Richard ; ils marchent à côté de lui dans la rue, vont au travail ou chez des amis, sont assis dans des cafés, invisibles, se promènent, font leurs courses, se baladent dans des parcs, vont au théâtre. Je vais, tu vas, ils vont. A ses yeux, la ligne de démarcation entre les fantômes et les gens a toujours été infime, et sait à quoi c'est dû, sans doute parce que lui-même, à l'époque où il était bébé, a bien failli se perdre dans le bazar de la guerre et culbuter dans l'empire des morts. (pages 271-272)
Commenter  J’apprécie          20
Et pourtant, chaque fois que Richard vient leur rendre visite dans ce bâtiment à deux étages, c'est plus fort que lui, il se dit que dans un bâtiment de deux étages, un désespéré ne peut pas se défenestrer. Au dernier étage de l'hôpital de la Charité où sa mère est morte, le service des cancéreux en phase terminale avait la plus belle vue, et, en contrepartie, des fenêtres qu'on ne pouvait pas ouvrir. (page 204)
Commenter  J’apprécie          10
Les déplacements humains d'un continent à l'autre, durent depuis des millénaires, on n'est jamais resté sur place. Il y a eu du commerce, des guerres, des expulsions, des gens ont souvent suivi leur bétail en quête d'eau et de nourriture, on a fui la sécheresse et les épidémies, on est allé cherche de l'or, du sel ou du fer, seule la diaspora a permis de rester fidèle à sa foi en Dieu, il y a eu des déclins, des mutations, des reconstructions et des colons, de meilleurs chemines ou des pires mais jamais de surplace.
Commenter  J’apprécie          00
Il ne faut pas s'étonner, pense t il, si le mot action désigne tout autant nos actes que des titres de propriété.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Jenny Erpenbeck (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jenny Erpenbeck
International Literature: Jenny Erpenbeck
autres livres classés : allemagneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (30) Voir plus



Quiz Voir plus

Le petit vieux des Batignolles

Le jeune étudiant est étudiant en quelle matière?

En droit
En peinture
En médecine
En prison

10 questions
154 lecteurs ont répondu
Thème : Le petit vieux des Batignolles de Emile GaboriauCréer un quiz sur ce livre

{* *}