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EAN : 9782330019723
144 pages
Actes Sud (15/05/2013)
3.33/5   49 notes
Résumé :
Roman crépusculaire, Aleph Zéro entraîne le lecteur dans un univers dont il ne sortira pas indemne. Tranches de vies sans concession mêlant les destins croisés de personnages se débattant avec leurs existences dans le décor hivernal de la Corse-du-Sud, l’ouvrage est construit sur le modèle kaléidoscopique du miroir brisé où chaque chapitre diffracte les feux des chapitres précédents.


source : Editions Albania
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Le jeune professeur, narrateur central de ce roman aux connotations très existentielles, est un être profondément triste qui déçoit les femmes qui l'approchent au point de le fuir: un homme qui n'est pas très enclin à accepter la vie telle qu'elle nous est proposée. Il est tourmenté par la banalité et l'inanité des choses et un concept aussi abstrait que l'aleph zéro, objet mathématique théorique, le hante. La référence répétée à une entité de cette nature manifeste l'intérêt de l'auteur pour des notions scientifiques liées à la recherche fondamentale. Ceci ravit le lecteur qui suit, à partir de là, les conjectures philosophiques de son personnage, mais ne satisfait pas pour autant ce dernier qui vit une sexualité infructueuse: il trouve le monde limité en regard des multiples possibles de sa pensée labyrinthique. le bout de chemin que nous parcourons avec lui semble conduire à une irrémédiable fatalité qui s'exprime dans les derniers mots du livre : "...je ne comprends pas, je n'y arrive pas, je ne sais pas pourquoi." Et si ce constat est exprimé dans le cadre de relations sexuelles, on y voit la métaphore d'une idée de portée plus vaste. Tout cela fait le sujet d'un livre inégal dont les meilleurs moments sont néanmoins excellents. Il s'agit du premier roman de Jérôme Ferrari (2002) : la curiosité voulait qu'on se penche sur ses débuts pour avoir le plaisir de confirmer, à rebrousse-temps, le bien qu'on dit de lui(1) depuis le Goncourt.

L'aleph zéro est un ensemble inaltérable, il reste le même si on lui soustrait un nombre fini. Comme la vie qui ne cesse jamais, même si l'on meurt : "...bientôt surgit quelqu'un d'autre, qui dit « je », comme moi, et son existence répétera la mienne comme si je n'avais jamais disparu." Car le moi est une illusion, donc hors d'atteinte du néant. Éviter la souffrance en étouffant la Volonté par l'ascèse bouddhiste, comme l'a suggéré Schopenhauer ? Mais "pour chaque racine de volonté extirpée, d'autres surgissent ou révèlent une présence que nos préoccupations nous empêchaient de voir." La vie est comme une nécessité, c'est l'aleph zéro, irréductible. Et elle fait mal.

Trois autres personnages complètent la narration: Béatrice, une collègue qui se suicide le jour de sa retraite, un vieux soldat qui serait le père du narrateur principal et Anna qui l'aime et qu'il pourrait aimer.

Mise à distance par l'usage de la troisième personne, Béatrice (allusion à Beatriz de la nouvelle L'aleph de Borges) offre le plus bel épisode du roman : le moral en berne, féminité mutilée par l'ablation d'un sein, elle renonce à poursuivre l'enseignement. Lors de sa dernière classe, elle a l'idée d'un cadeau pour ses élèves, "elle voulait faire le cours qui justifierait son existence professionnelle. Il faut qu'ils puissent tout comprendre." Elle leur lit un passage de Borges, le plus beau, le plus intime, le plus universel, avec la dernière phrase comme la justification de sa vie : "...mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les dieux usurpent le nom, mais qu'aucun homme n'a regardé: l'inconcevable univers." Puis elle lève les yeux : la plupart des élèves regardent par la fenêtre, insensibles. L'avez-vous vécu, professeurs, ce coup de couteau, quand vous voulez faire sentir l' aridité lumineuse et pure de l'intelligence et que votre cadeau va à l'eau ? Béatrice chute mortellement de sa terrasse quelque heures plus tard: "Le monde persiste et rien ne l'atteindra. Béatrice glisse le long de son immeuble et blesse l'asphalte indifférent, je suis heureux et rien ne change. Cet ensemble, celui qu'on n'altère pas, s'appelle l'aleph zéro."

Ferrari utilise les théories quantiques pour alimenter ses humeurs amères. Les hypothèses vont bon train, en physique expérimentale, quant à l'ubiquité manifestée par les particules, en particulier autour de l'expérience du Chat de Schrödinger(2). En ce qui me concerne je penche pour l'explication positiviste (Heisenberg, Hawking) qui considère que les phénomènes quantiques échappent encore partiellement à la connaissance complète et ne révèlent donc pas la réalité. L'auteur lui, avec une noire ironie, se complaît dans l'idée d'états superposés: deux possibles cohabitent (j'ai un érection, je n'en ai pas) avant que les yeux de la partenaire s'ouvrent, empreints de conscience malveillante, pour précipiter le narrateur dans l'état tragique d'érection défaillante, excluant le possible réjouissant. Extrapolation littéraire de la décohérence. Celle-ci est la particularité des systèmes quantiques qui, dans leur cohérence propre, contiennent une multitude de possibles que l'appareillage d'observation force à réduire à un seul, celui de notre réalité du tiers-exclu. Ferrari observe le paradoxe du mot, décohérence pour le quantique mais cohérence pour nous qui observons un seul état possible dans notre logique habituelle, un objet est ici ou là, pas à deux endroits en même temps. Il constate avec amertume: "...dans le monde des particules, c'est l'enchevêtrement inextricable des possibles qui est cohérent et c'est cette cohérence que notre monde indulgent et binaire ne cesse de perdre à chaque instant, dans un appauvrissement perpétuel." Les vues de l'esprit ont quelque chose de quantique comparées à la triviale réalité.

Des grands noms, on l'a vu, planent au-dessus de ce récit, des littéraires aussi: L'aleph de Borges est constamment présent, le temps à la fois boucle et ligne, et la nausée de Sartre remonte durant l'observation de souches d'arbres d'un paysage corse...

À défaut d'une trame linéaire classique, ce roman éclaté et pessimiste accroche, car il ouvre une multitude de sujets et de questions, sillonnant les voies de la connaissance moderne. En fin de compte, un livre parfois dérangeant qui, outre une écriture sûre qui mute aisément au gré des thèmes, a de la noblesse par les références auxquelles il se rattache. Pour ma part, approcher la philosophie de Clément Rosset(3) aura été une de ses pistes les plus intéressantes.
Et ces mots de Paul valéry viennent à point:
"Méditer en philosophie, c'est revenir du familier à l'étrange et, dans l'étrange,affronter le réel."

(1) Je n'ai pas (encore) lu le Sermon sur la chute de Rome.
(2) Il est hautement passionnant de lire le détail des hypothèses sur le fameux chat dans la notice de Wikipédia.
(3) À lire: le réel et son double (1993).
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La Feuille Volante n° 1153
ALEPH 0 – Jérôme Ferrarri – Babel

Ce roman met en scène un jeune professeur hanté par l'Aleph Zéro (noté א o du nom de la première lettre de l'alphabet hébraïque) n'a rien à voir avec la vile d'Alep en Syrie mais fait référence à une nouvellel de Borges. C'est, d'après la quatrième de couverture  « un être mathématique  désespérément intact quels que soient les éléments qu'on lui soustrait », autant dire quelque chose qu'on altère pas, qui reste constant quoiqu'on fasse. Même si au départ, je suis assez imperméable aux mathématiques, c'était cependant assez pour susciter mon intérêt. Ce livre, baptisé « roman » et qui a cependant l'aspect d'un recueils de nouvelles, donne la parole, sur le ton de la confidence à ce jeune homme obsédé par cette idée qui semble gouverner sa vie et qui est celle de la solitude. Il la combat comme il peut et il a choisi les femmes qu'il baise, mais, même si son potentiel de séduction est grand, le résultat est toujours le même et souvent nul et met en évidence ce destin néfaste qui ne le lâche pas et que rien ne peut altérer. Même quand il parle d'une collègue qui a subit l'ablation d'un sein suite à un cancer et qui de ce fait a une vie sexuelle amputée au point qu'elle choisit la mort, c'est de sa propre vie dont il nous entretient. Il le fait par ailleurs sans artifice ni retenue, évoquant autant ses conquêtes féminines parfois bizarres que l'onanisme de son adolescence, puisque, selon lui, le plaisir sexuel est seul à pouvoir triompher de la solitude, même si son esprit n'engendre bien souvent que des fantasmes féminins. Ni l'alcool ni la drogue ne peuvent en venir à bout, un peu comme s'il devait en passer par ces artifices délirants et brumeux pour connaître l'extase qu'il n'atteint jamais vraiment. A chaque fois qu'il tente ce genre d'expérience, il a l'impression d'être étranger à son propre corps. Seule les femmes le ramènent à la réalité sans que pour autant il puisse faire la différence entre le désir et le plaisir qu'elles suscitent pour lui. L'attrait des femmes reste la seule chose qui compte, qu'on ne pourra jamais altérer même si sa gaucherie et parfois sa timidité lui interdisent d'en profiter.
Cela veut-il dire que, quoiqu'on fasse pour faire cesser un état de chose délétère, cela est voué à l'échec et que se battre contre les moulins est certes un acte enthousiasmant mais vain, un peu comme si une divinité perverse, qu'on peut appeler hasard ou malchance, avait résolu définitivement de contrecarrer nos efforts ? Peut-être, et j'ai personnellement déjà fait ce genre d''expérience qui porte en elle les racines de son fiasco. Je veux bien le suivre sur ses interrogations existentielles à propos de l'amour et même dire qu'il n'existe pas, que c'est un concept parfois étrange, en revanche je suis assez imperméable à l'explication du monde par les mathématiciens et plus précisément les tenants de la physique quantique. le narrateur choisit d'explorer le temps et sa relativité à travers l'histoire de son grand-père. La durée semble ne pas exister, nonobstant les dates égrenées, dans ce parcours de sa jeunesse militaire et ultramarine ponctuée de voyages, de combats et de virées dans les bordels pour soldats. Là aussi ce qui surnage c'est la solitude et aussi la mort qui en est le complément, comme si tout ce qui lui était arrivé s'était déroulé en dehors de lui, comme s'il était lui-même en état d'exil dans sa propre vie. La vie pourtant ne cesse jamais, quelqu'un prend toujours la place de l'autre, n'altérant donc pas le principe actif de l'existence, pourtant la mort existe qui est précisément la fin incontournable de chacun de nous.
Tout cela m'a paru un peu labyrinthique et même parfois obscur, avec des relations du narrateur qui donne parfois la parole à d'autres, que j'ai eu parfois un peu de mal à suivre et peut-être à comprendre surtout à travers l'évocation de certaines notions scientifiques, d'où une certaine déception . J'avoue que cet auteur qui recevra le prix Goncourt dix ans plus tard et que je ne connaissais pas, a suscité mon attention par ce premier roman paru en 2002 mais j'ai eu un peu de mal à le suivre. © Hervé GAUTIER – Juillet 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Lu d'une traite, en une seule journée, comme on écoute une symphonie, sans pouvoir m'arrêter. C'est sans doute un des rares auteurs contemporains qui provoque en moi cette réaction. J'aime avant tout son écriture avec un style fluide, imagé et souvent lyrique même si je ne comprends pas tout et que je ne cherche pas à tout comprendre parce que je sais bien que j'aurai, de toute façon, plaisir à le relire.
J'en ai profité dans la même foulée pour revisiter l'Aleph de Borges ce qui m'a un peu éclairée. J'avoue que cette volonté tenace de tout embrasser de l'univers et de se prendre pour Dieu, car l'Aleph c'est bien « un point de l'univers à partir duquel on peut voir tout l'univers » c'est-à-dire le principe premier, là d'où partent tous les possibles, me donne le vertige et m'est en grande partie étrangère.
L'Aleph c'est à la fois le fruit d'un savoir inaccessible à la conscience humaine prisonnière de sa finitude que les mathématiques seules peuvent codifier. C'est le plus petit des nombres infinis, il ne sert à rien de lui soustraire quoi que ce soit  ; il restera à jamais inchangé et nous renvoie en pleine face l'indifférence massive de l'univers qui est vécu par le narrateur (qui ne se prive pas d'ailleurs de s'en référer au Roquentin de Sartre) comme le mal existentiel par excellence ; et notre héros (sans doute l'auteur) incarne ce mâle aux prises avec l'angoisse de se sentir accessoire dans un monde où il se rêvait nécessaire.
Le livre commence à la première personne. le narrateur se trouve dans la posture du collectionneur. Il est le prince charmant qui séduit les femmes avec enthousiasme puis la lassitude le prend très vite dès qu'il a atteint son but et il se transforme alors délibérément en crapaud ; pour appuyer un peu lourdement la métaphore, il s'habille dans un vert glauque.
Une sorte de don Juan avec une conscience aiguë de lui-même et de sa propre déchéance.
Mais il y a aussi la belle Anna qu'il semble aimer sans vouloir se l'avouer, avec qui il entretient l'ambiguïté (une rencontre possible qu'il s'attache à laisser dans le virtuel) et Béatrice, un amour avorté, une collègue de travail qui vient de se suicider. Sa disparition plonge le narrateur dans l'angoisse face à l'indifférence du monde, « le monde persiste et rien ne l'atteindra », et trouve un écho dans la cruelle vérité de l'Aleph zéro, cet ensemble que rien n'altère.
Béatrice en a fait la triste expérience au cours de sa carrière d'enseignante ; elle qui a pourtant été élevée dans l'amour de Dante et de la littérature a dû se confronter à la réalité brute, ravaler son idéalisme et s'abimer dans un monde où le pragmatisme fait loi. Sans compter l'hypocrisie et le mensonge qui règne dans les relations entre collègues. Même quand elle tente de déroger à la règle lors de son dernier cours, elle ne recueille que bâillement et froide indifférence de la part de ses élèves. Pour Béatrice prisonnière d'une idéologie hédoniste cet affront est trop cruel d'autant qu'elle vit mal sa mutilation (on lui a enlevé un sein) et elle fera le choix de disparaitre d'un monde où elle se sent devenue inutile.
Le narrateur fera la rencontre d'Huguette au milieu d'un désert dont il est désormais le chevalier à la Triste Figure. Huguette, une sadomaso va lui remettre les idées en place dans ce sens où il en perdra la capacité de jouir (jusque-là, c'était la pratique qui définissait le mieux sa vie et lui conférait une sorte d'identité, un peu par conformisme) et comme si cela ne suffisait pas son ami Jean lui révèle qu'il a couché avec Anna.
À partir de là dans la fulgurance de la douleur, tout se brouille. On débouche sur l'éternel retour avec l'évocation incongrue de son grand-père mourant au lourd passé de soldat colonial amateur de bordel. Passé, présent et futur se confondent comme les points qui appartiennent à un même cercle. « Au matin avant le cri de mes enfants futurs et de leur mort, mais aussi bien après, je vis l'intimité du cercle et de la ligne, une intimité secrète, qui transforme le futur en passé et le présent aussi, ce qui tarde à venir et ce qui n'est plus là. »
Et puis Jean, ce drôle d'ami l'entrainera dans la débauche avec la débâcle de tous ses sens...
Anna surgit au milieu de ce chaos pour nous raconter son histoire à la première personne en parallèle avec celle du narrateur.
Mais le chaos n'est pas le chaos : s'il est le lieu où chaque singularité se dissous, il existe aussi des pôles d'attraction ou « des attracteurs étranges » qui font basculer à nouveau tout ce qui existe dans une multiplicité de possibles à l'infini et permettent de rejoindre l'Aleph le point de convergence des univers… le narrateur saura-t-il saisir sa chance, la chance de la rencontre dont Anna est le fil rouge, un art que les Grecs ont appelé kaïros ?



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L'intérêt et la force du premier roman de Jérôme Ferrari, "Aleph zéro", est dans l'alliance de la théorie mathématique et de la littérature. L'auteur s'efforce d'associer, de marier, de nouer les deux et d'exposer en termes romanesques les théories quantiques, les théories du chaos, l'aleph zéro, etc..., et en termes scientifiques les créations de l'imagination romanesque. De fait, le romancier est face à une multitude de possibles, comme le physicien, et son écriture les construit en un monde illusoire et perceptible, comme le nôtre. Il est comme un petit Dieu, pour reprendre une image balzacienne, "esprit infini, capable de saisir tous les paramètres initiaux", et donc de concevoir l'ordre narratif dans le chaos (p.155). L'entreprise de Ferrari serait donc fascinante si la part romanesque du livre (si on peut dire une "part") n'était souvent gâchée par de malheureux effets de routine littéraire : monologues intérieurs, courants de conscience, jeux de points de vue, fatigante obsession sexuelle. Si j'admets volontiers la nécessité mathématique de ces récits et de la manière dont ils sont agencés, je ne puis m'empêcher d'ajouter qu'à part quelques très belles pages, ils sont ennuyeux, ou plutôt académiques. Sexe, courant de conscience à la Joyce et récits à la première personne sont académiques dans un roman contemporain français. C'est un peu dommage, car l'idée de départ était géniale.
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Un professeur qui séduit pour rien, une collègue qui se suicide, deux amis qui couchent ensemble et une plongée vers le vide, sur fond de physique quantique et d'espaces infinis. Jérôme Ferrari signe un roman étrange, assez inégal mais intéressant. Bizarrement, les chapitres les plus réussis sont ceux sans le narrateur principal.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Peu de temps après l'avoir rencontré, nous dicutions dans le bar où nous nous retrouvons d'habitude, et puis j'ai soudain eu envie de faire un geste que je ne fais jamais; je voyais ses mains sur la table, comme des objets encombrants et inutiles, et il y avait là soudain une telle puissance émotive, non pas triste mais simplement émotive, que j'ai posé mes deux mains sur les siennes, bien à plat, comme pour recouvrir le plus de surface possible. C'est un geste que je fais tout le temps, maintenant, un geste qui fait partie de moi, qui émane de moi, non, mais du point d'intersection où nous nous rencontrons. Ce jour-là, comme presque tous les jours, il semblait complètement à côté de la plaque, mais quand je l'ai touché, il en fut comme saisi par la grâce, la joie même ( et c'était terriblement délicieux de voir ce qu'un de mes gestes, un seul geste simple et bêtement spontané pouvait bouleverser comme ça ) et il me demanda :
« Tu sais ce que ça veut dire, kaïros ?
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P 103.  Et puis il y a un art, loin de la logique et de la grammaire, un art des conjonctions, l’art des rencontres et des écumes, l’art vénérable, le prince des concepts, habile à extraire la beauté de tout ce qui grouille et prolifère — que les Grecs appelaient Kaïros  

P136-137. C’est la plus beau concept, tu vois, le prince… ça désigne un art ... un art où il entre une part de chance, tu vois, un art spécial, pas bien net... sans la chance, au moins un tout petit peu, ça ne marche pas... mais la chance suffit pas non plus, bien sûr, non, ce serait pas du tout intéressant... disons, c'est l'art de profiter des rencontres, oui... il faut d'abord une occasion, là, c'est la chance, et puis quelqu'un qui guette, qui a l'art de reconnaître l'occasion, qui se laisse saisir, donc... voilà... ce qui fait que, du coup, ce n'est pas la chance le plus important, c'est pour ça que c'est un art…
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Je la regarde bien. Il n'y a rien, aucune trace de honte, aucune trace de fierté, rien qui ressemble à de l'affectation, pas de défi, juste l'assurance de la cruauté, la cruelle innocence, la grande innocence de la vie, l'incohérence magnifique. Certaines personnes possèdent une grâce épouvantable, une présence d'une telle simplicité qu'elle repousse tout jugement, toute velléité de jugement, même, c'est une vraie grâce, qui les préserve dans une propreté inaltérable, un autre éblouissement. Tout ce qui est sale ne trouve plus de chemin pour s'exprimer, comme si la main de Dieu biffait toute saleté du monde.

pp. 104-105.
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Ce qui fait la valeur d'un être mathématique, démonstration ou définition, n'est pas exclusivement sa rationalité ou ses compétences opératoires mais aussi sa beauté. Ainsi de cette définition de la ligne droite: la circonférence d'un cercle infini.
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P45 « Ses études de langues, Béatrice les avait entreprises dans la croyance totale en la beauté. Avec l’image d’Épinal des élèves reconnaissants à leur maitre de les élever vers la beauté. La réalité change toujours plus vite que les codes qui nous servent à l’interpréter et à la comprendre : et ainsi au moment où elle commençait ses études, ses motivations ne correspondaient plus à rien qui ne soit déjà mort depuis longtemps. »
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Videos de Jérôme Ferrari (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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Nous savons.
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