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4,14

sur 5953 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bonjour Lotte,
Pancrace,
Maintenant que les présentations sont faites, merci M. Foenkinos, vous pouvez nous laisser.
Je préfère rester en tête à tête avec votre protégée.
Je ne vais pas vous la croquer, mon dessein est juste de la dépeindre avec mon ressenti et les très nobles et douloureux traits de son passé que vous avez tracé.

Charlotte, toute ta vie, tu t'es offerte pour ne récolter que souffrance et humiliation.
Juive, 1933, Allemagne : « La ville est une prison pour son sang. »
Charlotte, toute ta vie tu as adoré ta grand-mère, ta mère, ta tante pour n'avoir qu'à te désoler et pleurer. « Une succession d'abandon de la vie. », pour des « Assassins d'elles mêmes. »
Charlotte, toute ta vie tu n'as aimé qu'Alfred, amour si peu réparti : « Si tu m'oppresses, tu me perds. »
Charlotte, toute ta courte existence, le dessin sera ton refuge pour t'abriter de la haine :
« Je les aime car j'ai entendu ta voix en les regardant. »
Ton dessin dit ce que tu es. Tourmenté, torturé où la mort rôde et te rattrape, te rattrape toujours…

J'ai immédiatement été happé par ce texte fiévreux, passionné aux mots ardents et urgents
où même les phrases deviennent orphelines.
A chaque phrase une ligne. A chaque ligne un point. Après chaque point une image monstrueuse, une pensée vertigineuse.
Charlotte ta destinée est une pénitence, tu aurais du être une lumineuse lauréate, on te décrira scélérate à la lucidité atrophiée. Ta seule possibilité : « Peindre pour ne pas devenir folle. »

M. Foenkinos, je savais déjà que vous aviez écrit « La Délicatesse », mais dans ce roman vous avez décrit la détresse avec tant de justesse et tellement de finesse que je ne peux que vous remercier d'avoir ressuscité ce destin clandestin où j'ai acquis que « son avis était plus important que sa vie. »
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J'avais entendu une interview de David Foenkinos à la radio, dans laquelle il expliquait sa quête de Charlotte qui l'avait conduit à écrire cette biographie à partir d'une documentation quasi inexistante.
La passion qui semblait l'habiter encore m'avait frappé. Il ne vendait pas son bouquin ; il parlait de quelque chose qui l'avait vraiment obsédé, comme une sorte « d'oeuvre de sa vie », de mission incontournable.
Bien sûr ce titre a suivi le chemin habituel : Pense-bête, Pile à lire, et nous-y voilà ! Je l'ai lu.
Il s'agit bien de la biographie d'une femme au destin exceptionnel et tragique.
Charlotte Salomon est issue d'une famille juive aisée établie en Allemagne. La montée de l'antisémitisme va bouleverser les destins de ses différents membres, d'autant plus que la famille de sa mère est impactée depuis toujours par de nombreux suicides. Quelques références à Munch par exemple permettent de se faire une idée de l'état d'esprit des protagonistes.
En tout cas, l'auteur a réussi un exploit. Grâce à l'emploi de phrases courtes et en allant à la ligne au bout de chaque phrase, il impose un rythme de lecture qui peut être assez lent comme plus soutenu et conduit le lecteur à ne pas poser son livre avant la fin.
Faut-il écrire des vers pour écrire un poème ?
Nous savions bien que non... Mais s'il pouvait y avoir encore un doute, ce livre en fait la preuve.
Un livre magnifique ! Que dire de plus ? Lisez-le vite !
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L'intérêt de ce livre provient du fait que l'auteur ressuscite une des innombrables victimes des camps d'extermination. Il l'à sort de l'anonymat et l'emmène en pleine lumière. Ce n'est plus un numéro perdu dans la multitude, c'est une femme...une artiste. Et l'auteur nous dévoile sa courte vie, l'héritage d'un passé douloureux, et le présent qui ne l'est pas moins. Il est honnête avec le lecteur lorsqu'il prévient qu'il "romance" ce qu'il doit deviner et lorsqu'il montre charlotte s'évader dans son monde.
En cela, je me dois de remercier david Foenkinos pour cette découverte et je me dis qu'il faudrait écrire six millions de livres, un pour chaque victimes de cette folie issue de cerveaux dérangés, et donner à chacune un nom, un visage...un passé. Et se rendre compte que ces victimes...c'est Nous !
Ce livre mérite d'être lu, ne serais-ce que pour découvrir charlotte Salomon, un ange de vingt-six ans auquel on a coupé les ailes.
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Dans ce roman, David Foenkinos rend hommage à une artiste peintre, oubliée avant qu'il ne s'empare du sujet. Après la lecture de Charlotte, j'adorerais voir une exposition des oeuvres de cette artiste.

Charlotte est un roman inspiré de l'artiste peintre Charlotte Salomon (1917 - 1943), morte à Auschwitz. Ses oeuvres ont été confiées au musée juif d'Amsterdam et ne sont pas souvent visibles.
Dénoncée, elle a été gazée à Auschwitz à vingt-six ans. Charlotte a terminé sa vie encore plus mal qu'elle avait commencé. C'est une histoire émouvante et infiniment triste. Je serais surprise qu'elle ne vous touche pas.
À Berlin, à partir de 1933 les restrictions atteignent les juifs : son père ne peut plus enseigner, sa belle-mère, cantatrice, ne peut plus se produire sur scène. Pour protéger Charlotte, ses parents l'envoient vivre dans le Sud de France, auprès de ses grands-parents maternels. D'abord en zone libre, ensuite en zone occupée.

Charlotte n'a pas été épargnée par la vie. David Foenkinos ne fait pas mystère des doutes sur sa santé mentale, elle porte d'ailleurs un lourd héritage.

Vous sentirez l'admiration du narrateur pour cette jeune femme qu'il cherche à rencontrer au-delà de la mort, ce qui ajoute aux émotions de la lecture d'une vie massacrée.

Lien : https://dequoilire.com/charl..
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Devant une telle beauté d'écriture mais surtout devant un tel drame, je suis dépourvue de mots. Voyant déjà le nombre impressionnant de critiques consacrées à cet ouvrage, je ne sais que dire de plus si ce n'est que ce récit est poignant, bouleversant, criard de douloureuses vérités qu'il ne faut pas oublier...jamais ! Oui, cette lecture est douloureuse mais tellement vraie et tellement juste que le lecteur ne peut s'empêcher de tourner les pages à une allure frénétique, espérant éviter le pire mais en vain ! le suicide peut-il être un gêne héréditaire ?§ C'est ce qu' longtemps refusé de croire la famille Salomon... et pourtant, l'histoire se répète, semble s'acharner sur leur sort. Mais là n'est pas le pire, Charlotte Salomon, notre héroïne, née dans une famille juive est-elle née seulement au mauvais endroit au mauvais moment ? Nul ne le saura jamais ? Ce que l'on retient de ce récit, c'est qu'elle fut une jeune femme extrêmement talentueuse, reconnue trop tard, qu'elle fut passionnément amoureuse, encore une fois peut-être de la mauvaise personne mais que sa vie, si elle put être un calvaire, a connu des moments de joie lorsqu'elle était avec l'oeuvre aimé, Alfred. C'est celui qu'elle a le plus croqué dans ses dessins, celui qu'elle n'a jamais oublié, celui qui lui permit d'avancer malgré sa fuite continuelle envers le régime nazi, sans savoir ce que lui devenait de son côté. Charlotte Salomon, à travers son legs "Vie ? Ou théâtre ?" (oeuvre qu'il faut absolument que je me procure) nous transmet ici le témoignage de "toute sa vie" et David Foenkinos lui rend un merveilleux témoignage d'adoration ici. Merci à lui de la refaire vivre, merci à lui d'avoir su nous émouvoir, nous lecteurs, merci à lui de m'avoir faire pleurer !

Un ouvrage à lire absolument !
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Merci ! Merci Monsieur Foenkinos, grâce à vous Charlotte ne revit pas, elle vit.

Grâce à vous, j'ai découvert une personne attachante, une femme angoissée et enfin une artiste libérée.
Avant vos mots, je ne connaissais pas ni même n'avais jamais entendu parler de Charlotte Salomon. Mais vous avez su m'attacher à elle et j'ai compris combien il était nécessaire et urgent pour vous de me (nous) la révéler. J'ai mis mes pas dans les vôtres pour découvrir les lieux où elle a vécu, j'ai pris vos mots pour les miens pour ressentir ses angoisses, son trouble, son mal-être et parfois sa joie. Mais elle effleure si peu ce sentiment que mon coeur s'est troublé plus d'une fois devant tant d'adversité. Les destins sont cruels parfois et les routes bien sinueuses pour éclairer la vie.

'ai aimé aussi votre façon d'écrire, par petites phrases, par petites touches ou plutôt à petits pas. Comme une lente avancée dans la découverte de cette artiste. J'ai bien aimé comprendre comment vous êtes venu à bout de vos recherches, vos explications et vos réflexions qui jalonnent la construction de ce texte. Il est si rare qu'un écrivain ébauche ce parcours. Et j'avoue qu'en plus, j'ai été ravie de découvrir la bibliothèque d'Aby Warburg et le classement des livres "par bon voisinage". Quelle merveilleuse idée de piquer ainsi la curiosité des lecteurs !
Un roman qui m'a donc plu à plus d'un titre !

Ce roman n'est pas un livre sur la Shoah, même si le contexte historique est celui-là, mais bien l'histoire d'un drame familial, d'une fatalité que Charlotte a su dépasser grâce à son oeuvre mélange de peinture, de musique et de paroles. Un opéra peut-être ?

J'aime à penser qu'elle est là quelque part. Elle contemple ce bleu de Méditerranée qui l'a tant surprise, et ces verts si variés de la côte d'Azur et elle peint. Elle peint une petite fille aux joues roses et au sourire joli qui pourrait être la sienne. Parce qu'elle l'aurait fait n'est-ce pas ?

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Il y avait là, dans ce livre offert par mon père, une urgence qui m'attendait, et l'histoire de Charlotte Salomon morte à Auschwitz en 1943 s'est imposée à moi, avec toute sa douloureuse passion pour la peinture et les tragédies familiales qui ont rempli sa vie de deuils.
David Foenkinos nous emporte dès les premières lignes, avec un art très particulier, ce récit en vers libres qui resserre tellement les mots autour de l'essentiel, la vie, l'amour, la solitude, la mort. C'est vraiment très puissant comme évocation.
Il y mêle aussi sa quête obsessionnelle, sur les traces de Charlotte à travers l'Europe, pour approcher sa vérité.
C'est la brutalité d'une époque qui revit également dans ces lignes, avec l'inhumanité des bourreaux.
C'est vraiment un roman très émouvant, qui conjugue à la fois une langue magnifique et un personnage sublime dans le tragique, qui a fait de sa vie une oeuvre.

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Un jour j'ai vu un autoportrait de Charlotte Salomon et je me suis arrêtée. Elle était le pendant du visage photographié de Goliarda Sapienza. L'une en couleur, l'autre en noir et blanc. C'étaient les Éditions le Tripode qui avaient publié un catalogue en 2016 et mis ces deux portraits en première et dernière pages du catalogue. Fières et rebelles, un regard avec une larme de tristesse pour l'une et loin vers l'infini pour l'autre. Je n'ai pu résister à ces visages. Très beau catalogue. Je l'ai dépiauté ! méticuleusement certes... Je devais récupérer la couverture. Mise bien à plat j'avais ces deux femmes au mur. Trois ans qu'elles m'accompagnent. Suivant l'humeur, je demande conseil à l'une ou l'autre, je suis le regard de l'une ou l'autre : introspection et retour sur soi, ou courage et avance : la vie devant. Goliarda, c'était déjà tout L'art de la joie, une rencontre gravée et Charlotte m'intriguait. Je commençais dès lors à chiner sur le net des informations et, en quelques articles parcourus, j'étais émue. C'est dans cet état d'esprit, alors que je passais devant la boite à livres dernièrement, que je suis tombée sur Charlotte de Foenkinos. De lui j'avais lu La délicatesse, pas plus accrochée que ça. Bien gentillet le roman. Mais là, il allait me parler de Charlotte. Je devais en apprendre plus. Et c'est tout le mystère de cette artiste. Au fil de la lecture je m'aperçois qu'il a été lui-même attiré, hypnotisé par Charlotte Salomon. Et nous sommes nombreux… à ne pas l'oublier, à avoir une pensée. L'exposition de « toute sa vie » se fait de plus en plus rare ? C'est momentané. D'autres la redécouvriront. Elle a cette puissance et cette aura qui défient le temps et l'espace et font d'elle une artiste troublante et émouvante qui renaît à chaque regard porté sur elle. Vous avez écrit Monsieur Foenkinos ce roman comme un souffle, une composition de courtes phrases, un retour à la ligne pour une respiration. Vous avez bien fait. C'est ainsi que je l'ai d'autant plus apprécié car il y transparaît vos émotions et votre retenue dans cette concision et ces retours. Merci pour ce partage.
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Je suis toujours un peu sceptique face à l'enthousiasme que peut susciter un roman ou un film et je ne m'empresse donc jamais de découvrir l'oeuvre. Mais on me l'a prêté et du coup je me suis dit ,allez pourquoi pas. Sans rien savoir du sujet ,je me lance et finalement j'adhère totalement !
L'auteur est tellement passionné par son sujet qu'il arrive à me faire aimer Charlotte et à me bouleverser. Tragique destin familial que celui de Charlotte Salomon ,artiste peintre allemande dans les année trente...
J'aime beaucoup la façon dont David Foenkinos écrit ,c'est court mais terriblement efficace.On voit que le travail de recherche est fouillé ,il y a beaucoup de détails et l'on croise d'illustres personnages.
Un roman poignant qui sera mon premier coup de coeur de 2015
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Charlotte- David Foenkinos
roman nrf Gallimard ( 221 pages- 18,50€)

Un rappel pour les retardataires, d'autant que son auteur David Foenkinos décroche à la fois le Renaudot et le Goncourt des lycéens 2014. Félicitations.
A noter que c'est la première fois qu ' un auteur réussit ce doublé.
Que de chemin parcouru depuis le no 57 de Traversées (Hiver 2009- 2010).
Relisez ses nouvelles dans le no 72, juin 2014 et laissez-vous «  charlottiser ».

Les prénoms semblent inspirer David Foenkinos. Après Bernard, voici Charlotte.

Mais qui est cette héroïne qui a hanté l'auteur pendant des années, au point de marcher sur ses pas, avant de coucher son destin sur papier ?
Comment et où a -t-il débusqué cette graine d'artiste, considérée « un génie » ?

Au fil des pages, David Foenkinos fait des incursions pour nous révéler la genèse de ce roman, qui mit du temps à germer, travail de longue haleine. Il s'était d'abord intéressé à Aby Walburg et sa « bibliothèque mythique », conservée à Londres.
C'est en 2006 qu'il fit cette rencontre providentielle avec Charlotte Salomon au musée d'art et d'histoire du judaïsme Il nous livre ses interrogations, ses doutes, sa quête du Graal pour s'imprégner des lieux où elle a vécu ( son école, son appartement à Berlin, son quartier Charlottenburg, la maison de la riche américaine à Villefranche, le cabinet du docteur Moridis( son protecteur), l'hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat, La belle Aurore ). Il relate ses difficultés, essuyant parfois des refus ou découvrant que l'accès au jardin de L'Ermitage, autrefois « si accueillant », « à l'allure de paradis », dans lequel Charlotte a communié avec la nature, est « impossible ».
Les photos restent les liens de la mémoire, tout comme les lieux, les murs sont « les témoins immatériels du génie ».

Cet éblouissement, ce foudroiement que David Foenkinos a perçu en découvrant l'explosion des couleurs chaudes , vives, des tableaux de Charlotte, il lui « fallait l'écrire ». On ne peut que le remercier, à juste titre, de ce partage.
Un choc tel que celui de Guy Goffette devant Bonnard.

Le lecteur est cueilli à froid par une ligne du prologue: « Une peintre allemande assassinée à 26 ans, alors qu'elle est enceinte », puis par ces phrases taillées au couteau, ne dépassant pas 73 signes qui déroulent sa vie chaotique, d'errance.
Cela donne un caractère abrupt qui lacère le lecteur, mais lui permet cette respiration
indispensable, comme le confie David Foenkinos : « Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite. », tant c'était oppressant. Il a donc beaucoup tâtonné avant d 'aboutir à ce style admirable et inoubliable. En un mot : somptueux.

L'auteur remonte le passé de son héroïne (ses grands parents), évoque la rencontre de ses parents, puis son enfance, bercée par la voix de sa mère (« une caresse »), baignée dans le culte du souvenir avec ces visites au cimetière. La mort, elle y est donc confrontée très jeune.N'a -t-elle pas appris à lire son prénom sur la tombe de sa tante?

Orpheline, très jeune, un père accaparé par son travail, elle se retrouve chez ses grands parents en France. C'est une cohorte d'épreuves que Charlotte va traverser. ostracisme, exil, perte de sa grand- mère avec qui elle avait tissé un lien fusionnel, camp de Gurs, humiliation, vie en huis clos, se terrant avec son mari, dénonciation ...) Déchirante, cette scène d'adieu , sur un quai de gare, quittant son enfance, son père, et surtout Alfred, « son premier amour », le professeur de chant de sa belle-mère. Toutefois, des parenthèses romantiques ont illuminé sa vie: la promenade en barque sur le lac, « un endroit magique de Berlin » et la musique (Bach, Mahler, Schubert).

Son don pour le dessin devient une évidence, reconnu par un professeur. Elle suit des cours aux Beaux arts, mais le climat antisémite l'oblige vite à se terrer.
Son talent, le docteur Moridis l'avait pressenti, d'où son injonction: « Charlotte, tu dois peindre ». Dessiner devient son exutoire, « nécessaire à la cicatrisation d'une vie abîmée ». Peindre pour ne pas sombrer dans la folie. Emportée par une fureur créatrice, extatique, comme Frida Kahlo, elle se raconte dans ses gouaches.
Elle ajoute « le mode d'emploi de son oeuvre », sous forme de notes explicatives.

Quand le grand-père jette à la figure de Charlotte le secret familial et décline la litanie des suicidés de sa famille, on imagine la gifle que Charlotte prend au point de songer à ajouter son nom à cette liste. Séisme d'autant plus violent qu'elle découvre qu'on lui a menti. Sa vie n'était donc que mensonge, « cette histoire d'ange » un leurre.
On devine l'intention consciente de l'auteur de frapper l'esprit du lecteur.

A travers le destin de cette artiste, David Foenkinos balaye les heures sombres de l'Histoire depuis la première guerre ( « une boucherie des tranchées ») à «  La nuit de Cristal ». Il rappelle qu' « une meute assoiffée de violence dirige le pays. », en Allemagne, des barbares qui expédient les juifs à Drancy, puis à Auschwitz.

Des phrases phares ponctuent le récit: « Charlotte doit vivre », « La haine accède au pouvoir » ou cette phrase talisman : « La véritable mesure de la vie est le souvenir ».

Malgré la noirceur du sujet, cette biographie romancée de Charlotte Salomon reste
paradoxalement belle tant le regard de l'auteur est poétique , tendre, en empathie.
L'élégance du style impressionne, beaucoup d'implicite, surtout quand Charlotte nous quitte. Une porte se referme, la silhouette de Charlotte s'efface. L'auteur, avec délicatesse, respect, laisse place au non-dit. La littérature est là où le silence, l'indicible l'appellent. Mais on devine la révolte intérieure devant l'inéluctable.

Dans l'épilogue, on retrouve Paula et Albert, dévastés par la tragédie, détenteur d'un bien précieux: les dessins de Charlotte, qui ont fait l'objet d'une exposition avant d'être légués au Musée juif d'Amsterdam.
Si « une oeuvre doit révéler son auteur », dans ce roman on retrouve ce qui fait la touche, le charme,la somptuosité de l'écriture de David Foenkinos : la délicatesse , la pudeur des sentiments, même « Le dictionnaire est parfois pudique », les formules originales (« Il serait capable de se cacher entre les virgules » , voire animistes: « On dirait qu'il est lui aussi en deuil » en parlant du sapin sombre) , les éléments récurrents, à savoir les cheveux ( Alfred y plongeant son visage, tel un tableau de Munch) et les oreilles: « parfaits puits à confidences ».

David Foenkinos a su rendre attachante son héroïne, nous émouvoir et nous faire partager son émerveillement devant ses tableaux aux couleurs si éclatantes qui représentent , comme le confie Charlotte, toute sa vie. le roman s'achève sur un gros plan de « Vie? ou Théâtre? », pétri de signes.( Souffrance, douleur, aussi espoir.)


David Foenkinos ressuscite son héroïne en lui offrant un tombeau de papier d'une beauté rare, servi par une écriture éblouissante. « La mémoire est la seule revanche sur la mort », confie Martin Suter. Ce roman appartient à la catégorie de ces livres qui agissent même quand ils sont fermés et fait du lecteur « un pays occupé ». Charlotte, un prénom sauvé de l'oubli qui fédère déjà un actif réseau d'adeptes.

David Foenkinos signe un roman intense, émouvant, qui met en lumière le talent de cette artiste allemande trop méconnue. Un challenge audacieux, incontestablement réussi, marquant une rupture avec les romans précédents, bien qu'entre les lignes cet opus couvait. A lire avec en fond sonore la musique de Schubert ou celle de Sophie Hunger, comme le préconise la talentueux David Foenkinos.
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