En ayant été porté par la beauté de Chien-Loup, je sentais au cours de mes lectures, sur la grande guerre, un absent le grand poète Jöe Bousquet.
Cette balle , vous le savez maintenant au lieu de vous ôter la vie , vous a révélé à vous même , vous êtes né le 27 mai 1918 .
Il me fallait revenir sur "Jöe", de Guillaume de Fonclare, ce livre qui me hantait. Un livre comme Jöe au coeur de notre humanité, ne doit pas tomber dans l'oubli. La plume acérée et vibrante de Fonclare taille et dépouille deux grands handicapés, des secrets de leur survie.
Né à Pau en 1968,
Guillaume de Fonclare a passé son enfance à Combovin, petit village de la Drôme.
A partir de janvier 2006, il fut directeur de l'
Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme).
Dans ma peau est son premier récit, celui de l'handicapé, d'une maladie dégénérative
« Je ne suis pas un biographe, et je n'ai pas cherché à l'être disait-il au poète Jöe Bousquet ; je voulais simplement découvrir comment vous aviez réussi ce tour de force de continuer à vivre en dépit de toutes les entraves que vous a imposées le destin. »
Ce Bel et émouvant échange entre
Guillaume de Fonclare et
Joë Bousquet à travers ce livre est sans doute l'une des plus profondes reconnaissances qu'un homme puisse éprouver envers un autre, bien au-delà d'un simple hommage.
Oui,
Guillaume de Fonclare, lui-même vivant dans un corps souffrant sur lequel il a de moins en moins prise, ne pouvait que rencontrer un jour sur sa route « le poète immobile » et pourtant grand vivant qu'a été
Joë Bousquet.
« On admire l'homme couché qui ne se perd pas dans sa douleur ; et puis, c'est l'écrivain qu'on en vient peu à peu à admirer, ce sont vos textes qui impressionnent vos amis, vos lettres, la profondeur de la réflexion que vous y déployez dans un style inimitable. »
Le livre de Guillaume de Fonclare ne se veut pas une biographie. Mais il devient au fil des pages par le partage de mots plus qu'une biographie.
Le corps inerte de
Joë Bousquet revit à travers Guillaume, et lui-même va retrouver une énergie pour continuer grâce à ce frère en souffrance. Il pourrait dire «parce que c'était lui, parce que c'était moi ». ces dialogues frappent par leurs fulgurances, coups partagés, assumés, poussés au bord de l'épuisement, tels des trajets chaotiques entre deux corps au combat.
L'auteur laisse sa parole libre vibrer et nous dit :
'Si l'esprit demeure, si la force d'inventer est intacte, on peut vivre, vivre vraiment, intensément, et espérer le bonheur. Vous avez été meilleur, vous avez été plus créatif, vous avez pesé davantage sur le Destin des hommes ici,couché sur ce lit, qu'auparavant, courant de conquête en conquête, plein de vie et de santé.
L'invalidité, c'est un état d'esprit, murmurez-vous et nous sommes tous des invalides. Oui, nous souffrons tous de la même plaie, blessés de vivre puisqu'il faut mourir, puisqu'il y a la mort tout au bout. Je ne suis pas un pèlerin, et il n'y a pas eu de miracle, mais il me semble qu'en sortant de chez vous, je n'ai jamais été aussi vivant."
Et à
Joë Bousquet : il écrira en le soulignant, « Chaque jour je redécouvre que j'ai été blessé, que je suis blessé et je dois à cette blessure d'avoir appris que tous les hommes étaient blessés comme moi.