Une idée en image…
Les rêves matérialisés par des fantômes, « des mues de serpent », une image très poétique. Comme une deuxième peau, comme si une partie de notre personne, en l'occurrence notre rêve, se détachait de nous et devenait presque une autre personne. Quand on n'y croit plus, ces fantômes disparaissent. Mais s'ils reviennent, s'ils arrivent « à rentrer à la maison », il ne reste alors qu'une période floue dans notre mémoire. Tant que durent les rêve propose un récit où le fantôme de Nathan devra accepter certaines choses pour surmonter ses propres démons. On le voit s'inquiéter, se perdre, une introspection sur fond « spirituel ».
L'idée du fantôme est très bonne. Cela donne une vie propre à une partie abstraite de nous-même et on peut s'amuser avec ça. Créer une tension entre le rêve et le corps réel de la personne, une impuissance face aux actes de cet Autre, cette panique de disparaître et, avec, tous les efforts que l'on a mis dans telle ou telle chose. Tout cela sans pour autant afficher un antagoniste clair. Est-ce le rêve ou Nathan le « méchant » de l'histoire ? Jusqu'à quand doit-on persévérer ? Jusqu'à où doit-on tout donner ?
Et puis il y a la Bête, ne l'oublions pas. La petite voix qui nous hante, qui nous murmure notre futur échec encore et encore. La peur de réussir. Nathan y est confronté. Comme nous tous en fait – on se posera juste la question de pourquoi il lui a donné un nom à cette voix, remettons tout de même en cause un certain équilibre mental chez le personnage.
Parlons-en de ce Nathan d'ailleurs. Toute la première partie est consacrée à son introduction. « Piégé » dans une routine bien huilée entre ses cours et la natation, la volonté de continuer de Nathan faiblit peu à peu. Ses doutes prennent le pas sur son rêve. Y-arrivera-t-il ? Est-il assez bon ? Tant de petites choses qui finiront par le faire craquer et nous faire arriver au noeud de l'histoire.
… pas aboutie
Suivons la logique de la rubrique ci-dessus. D'abord, les rêves en fantômes. Bonne idée, mais pas exploitée à fond.
Tant que durent les rêves est un récit plat sans véritable suspens ou tension qui pousse le lecteur à continuer. le fameux élément des fantômes, qui aurait dû être le twist de cette histoire, n'est rien de plus qu'un élément comme un autre noyé dans les lamentations des personnages. Son utilisation est secondaire et très peu utile. Listons le tout :
1. Insensible à la fatigue : les fantômes ne dorment pas et peuvent produire beaucoup d'efforts (monter des escaliers interminables) sans problème.
2. Téléportation : les fantômes peuvent visualiser un lieu et, par la force de l'esprit, s'y retrouver en un clin d'oeil.
3. Aucune emprise sur le réel : les fantômes ne peuvent interagir avec les objets, les personnes et ils sont évidemment invisibles à tout autre personne que les fantômes.
4. Semi-transparence : pas noté noir sur blanc ainsi, mais, ne pouvant pas influencer sur le monde réel, je pars du principe qu'il traverse les objets de manière inconsciente. Exemple : Nathan se rend dans la salle de bain, il pousse la porte pour pouvoir entrer. Peu après, il se rend compte que cette dernière n'a pas bougé. On peut en déduire que les fantôme peuvent traverser des objets, mais à leur insu.
En somme, rien de très révolutionnaire. C'est un fantôme, point. Pas de nouveauté ni de grand intérêt à mes yeux, si ce n'est pour souligner encore l'impuissance du rêve de Nathan. le twist se transforme en flop.
Quant à la partie plus philosophique du récit… euh… comment dire ça ? C'est assez mou. Pendant l'entièreté du livre, on encaisse lamentation après lamentation. On découvre des personnages dans le déni qui arriveront à dépasser leur limite, mais en même temps on ne s'identifie pas à eux et donc, par extension, il n'y a pas de déclic qui provoque en nous le besoin de remettre en cause nos propres rêves et motivations. J'ai, pour ma part, eu beaucoup de mal à terminer ce livre.
Et pourquoi cela ? À cause des personnages, évidemment.
Un casting mal géré
Je ne le répéterai jamais assez, mais les personnages est LE point phare d'un livre. Une histoire géniale peut rapidement se transformer en une longue traversée du désert si on n'y prend pas garde. Et c'est ce qui s'est passé ici. Commençons par là où ça fait mal : Alicia. THE Alicia.
Jeune artiste adolescente dans l'âme et très accrochée à l'idée de l'Art impulsif = Art, Alicia m'a donné envie de m'arracher les cheveux. Je ne remets pas en cause que les domaines artistiques ont besoin d'un côté libre, sans calcul ni réflexion précis, pas du tout. Je remets en cause le sérieux de son rêve, celui d'être publiée.
Alicia écrit quand ça lui chante, quand l'inspiration et l'envie la prend, mais cela ne l'empêche pas de rêver en grand. Elle a d'ailleurs envoyé son manuscrit à plusieurs maison d'édition. Où est le problème ? Cette fille n'a même pas pensé à corriger son texte avant de le transmettre. Il y a des correcteurs dans les maisons d'édition, c'est leur boulot, dit-elle à quelques mots près. Sérieusement ? Elle pense que tout va lui tomber tout cru dans le bec ? Les maisons d'édition reçoivent des milliers et des milliers, si ce n'est plus, de candidatures et elle pense vraiment pouvoir être choisie sans revoir son texte ? Je ne parle pas que de l'orthographe là. Sans parler du fait que, quand les lettres de refus s'accumulent, sa pensée est qu'ils ne comprennent pas son talent. Really ?
En plus de cela, Alicia est têtue. Quand son petit ami lui conseille, lui suggère discrètement d'y mettre plus de sérieux, elle le rembarre immédiatement en criant haut et fort que les domaines artistiques ne demandent pas autant de travail que des disciplines sportives, qu'elle n'a pas besoin de passer des heures et des heures pour pondre un texte sensass ! Oui, tu l'auras compris, je trouve Alicia extrêmement agaçante et antipathique.
Cependant, tous les personnages ne sont pas comme ça. Non, il y a Nathan… C'est triste de dire que je me souviendrai mieux d'Alicia que du personnage principal. Nathan est vide, terriblement effacé. le problème n'est pas qu'il doute de son talent, loin de ça, c'est juste qu'il est… banal. Pas de caractéristiques marquantes, il ne provoque pas de l'empathie chez moi et ses émotions… Mon dieu ! Elles sont plates, plates comme une limande.
Par exemple, au moment où il se réveille en fantôme, je ne l'ai pas trouvé plus paniqué que ça. Il voit son double se débarrasser de toutes ses affaires de natation, pas de problème ; il voit son double malmener le rêve de sa petite soeur, il gère. Bon, Nathan a peut-être eu un petit, mini sursaut de peur, mais il ne m'a pas paru plus que ça choqué, en colère contre cet Autre qui jette littéralement « ses » affaires à la benne à ordures. Nathan est malheureusement très peu
vivant à mes yeux. Surtout que, pendant une grande partie du récit, j'ai cru qu'il devait pataugé autour des 13-14 ans alors qu'en réalité il se rapprocherait plus des 17-18. Pour dire à quel point ses pensées m'ont semblé matures.
Et dans ce désert sans fin, pas une goutte d'eau pour sauver les autres : on assiste à un retour sur soi très peu dynamique et qui traîne en longueur inutilement.
Le mot de la fin
Terriblement déçue. Je m'attendais à quelque chose d'autres, surtout sur la partie du rêve abandonné de l'écrivaine. Et pourtant, le message de base est fort : affronter ses peurs plutôt que de les refouler, se reposer sur sa famille, ses amis quand on a besoin de force, accepter de changer de chemin quand on se trompe, renoncer à certains de ses rêves pour son bien. le récit au rythme trop lent, une tension inexistante, des personnages pas terribles voir terribles tout court et des concepts effleurés sans trop creuser ont eu raison de toutes ces bonnes attentions. Et cet article a été édulcoré suite à une lecture d'autres avis sur ce livre. Je reconnais la force du message, mais je condamne son exécution.