Alexej von Jawlensky (1864-1941)
Au milieu de ces peintres russes exilés : Jawlensky
A part les grands peintres russes classiques dont l'oeuvre fut fortement empreinte de réalisme dans le fond : Répine, Kramskoï, Lévitan et autre Serov.. qui ont laissé plutôt des témoignages parfois glaçants de la Russie impériale, je me suis toujours demandé quelle fut la plus-value qui a suivi à tout ça lors du plongeon dans l'ère moderne ou plutôt je n'ai pas vu grand chose qui m'ait marqué à ce point d'en faire une chronique, mais si on voit la question autrement et qu'on mette sur le même plateau tous les exilés russes pour des raisons diverses et variées :
Kandinsky, Chagall, Jawlensky, Soutine,
De Staël, la parenthèse Malévitch.. ces grosses pointures individuelles qui se sont imposées comme des marqueurs de l'évolution de la création artistique moderne, il est évident que je suis obligé d'avoir une autre réflexion. A part Soutine et
De Staël, je n'ai pas chroniqué sur eux ici, il me tarde en tout cas de dire quelque chose de Jawlensky qui s'impose à moi comme un peintre majeur. Je l'ai vu exposé dans des expositions récentes à la faveur de l'expressionnisme-fauvisme, et à chaque fois j'ai flashé sur lui. Et puis à chaque fois de le voir associé au nom de
Kandinsky pour en parler a le chic pour me fatiguer au plus haut point ! Bien sûr qu'ils furent associés, dans la vie déjà, bien sûr que Jawlensky doit bien quelque chose à
Kandinsky, mais depuis le temps, il est pertinent aujourd'hui de le voir s'assumer seul. Et Gallimard a eu l'heureuse idée de publier en juin 2021, en pleine covid, la bonne blague, un magnifique beau livre, le catalogue des expos consacrant l'artiste qui se sont déroulées successivement sous l'égide de la fondation Mapfre à Roubaix, Marseille et Madrid.
A voir sa production, le peintre s'impose à mes yeux comme un acteur majeur de l'épopée expressionniste-fauviste dans les années début de siècle 1900. A force de s'essayer des centaines de fois sur des portraits par la couleur qui sort du tube, orgie de couleurs appelait ça
Edgar Degas, il arrive fatalement quand on a le talent de Jawlensky qu'on se heurte génialement à titiller la pépite, l'unique joyau qui va faire de vous quelqu'un qui joue dans la cour des grands qui ont marqué l'époque moderne. le résultat a quelque chose d'exceptionnel !
Je suis partagé sur son idée d'évolution vers l'art abstrait comme l'a fait
Kandinsky, n'est-ce-pas le premier d'ailleurs qui a rompu avec le figuratif pour donner dans un genre que j'aime moins pour rester euphémique et poli. Quelle est la réflexion de Jawlensky à ce propos ?
Années grande guerre et post-guerre où il doit fuir l'Alemagne avec toute sa famille pour aller à Léman : il dit ceci : "Il fallait que je peigne, non pas ce que je voyais mais uniquement ce que je ressentais vivre en moi, dans mon âme" Et quand on examine factuellement ce qu'il dit, on voit qu'il y a incontestablement un décrochage eu égard au figuratif, mais celui-ci n'est pas éteint : son âme comme il dit souvent le rattache encore à quelque chemin, quelqu'ombre d'arbre qui vont finir par devenir des tâches colorées, assemblées sans horizon, en petits formats plutôt .. Même schéma de pensée pour les portraits : les grands yeux ouverts d'avant se ferment et deviennent une ligne, en dessous un nez en lignes croisées en forme de L, et une bouche fermée en une ligne qui ferme le tout en une espèce de géométrie faciale porteuse du masque funeste .. et pour peu que les yeux s'ouvrent, ils deviennent effrayés !.. Représentations, états d'âme, ça chemine un temps, et on va y voir la tête du Christ dans les années précédant la seconde guerre mondiale. Apocalypse, résurrection ?.. La maladie le paralyse .. et c'est sa mort qui survient en 1941 tout en ayant gardé sa lucidité.
Pour ajouter à ma démonstration, la cote de ces monstres russes du pinceau exilés que sont
Kandinsky, Jawlensky, Soutine, Chagall,
De Staël a sur les 12 dernières années dépassé les 10 m§ avec des pics pour certains a + de 40 m§. Bon, il me reste maintenant à chroniquer sur
Kandinsky et Chagall. Merci de votre attention chers amis.