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EAN : 9782081444294
Climats (03/10/2018)
3.87/5   120 notes
Résumé :
Même les femmes les plus indépendantes et les plus féministes se surprennent à aimer le regard conquérant des hommes sur elles, à désirer être un objet soumis dans les bras de leur partenaire, ou à préférer des tâches ménagères ? les petits plaisirs du linge bien plié, du petit-déjeuner joliment préparé pour la famille ? à des activités censément plus épanouissantes. Ces désirs, ces plaisirs sont-ils incompatibles avec leur indépendance? Est-ce trahir les siècles de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Depuis longtemps, je n'ai pas eu l'occasion de lire un essai philosophique aussi clairement et sobrement rédigé, aussi simplement efficace à induire la réflexion, aussi élégamment capable d'apporter une perspective innovante à une problématique, celle de la soumission féminine, dont le discours ambiant sonne faux sans qu'on soit forcément armé pour le contrer. L'approche proposée par la jeune philosophe française enseignant aux États-Unis (et qui unit dans ce livre le meilleur de ces deux traditions universitaires), c'est une lecture de la pensée de Simone de Beauvoir, dans tout ce qu'elle a d'original et de supérieur à Sartre, pour résoudre « l'impasse » que voici :
« ou bien on parle de a soumission féminine dans sa complexité, en ne passant pas sous silence l'attrait que peut avoir cette soumission, et l'on est du côté de la tradition sexiste qui fait de la soumission le destin naturel des femmes ; ou bien on postule une égalité des sexes et, dans ce cadre, la soumission des femmes, comme celle des hommes, est une faute morale ou une pathologie et ne relève pas de la philosophie. » (pp. 16-17)

Le premier chapitre, « Un tabou philosophique », s'attelle à établir que la notion de soumission, envisagée par La Boétie, par Rousseau et par Freud, ne correspond pas à celle qui nous intéresse, et à établir une épistémologie féministe qui tienne compte de la domination du point de vue du dominé ; pour autant, une distinction très importante est faite entre domination et soumission.
Le ch. 2, « La soumission féminine, une tautologie ? », s'occupe des questions morales (responsabilité ? liberté?) et politiques (construction sociale du genre, et de la sexualité ?) de la soumission : une longue critique de la pensée de Catharine MacKinnon y est exposée.
À partir du ch. 3, « Qu'est-ce qu'une femme ? », sont présentées les analyses de Simone de Beauvoir, en partant de son rejet à la fois de l'essentialisme (« La différence sexuelle n'est pas un problème d'essence »), et du nominalisme (« les femmes seraient seulement parmi les êtres humains ceux qu'on désigne arbitrairement par le mot "femme" ») qui est la forme radicale du constructivisme social. Beauvoir fait recours à la notion de « situation », qu'elle comprend de manière assez différente par rapport à Sartre, lui permettant d'articuler le rôle de l'individu et celui de la société :
« En effet, pour comprendre comment fonctionne la soumission féminine il faut parvenir à tenir ensemble deux niveaux, celui de l'individu, qui fait des choix et qui se comporte de certaines manières, et celui de la société, qui prescrit aux individus des comportements et façonne leurs préférences. » (pp. 74-75).
Le ch. 4, « L'insaisissable soumission », revient sur la question de l'appropriation de la soumission par la philosophie, compte tenu de sa nature « ordinaire », voire « médiocre », et de la nécessité d'une « analyse bottom-up du pouvoir ». Il est question du renversement épistémologique opéré en historiographie par l'Ecole des Annales, et par les « subaltern studies », notamment par la critique littéraire indienne Gayatri Spivak.
Le ch. 5, « L'expérience de la soumission », revient sur l'originalité De Beauvoir qui consiste à avoir introduit la méthode phénoménologique dans le vif du sujet : le Deuxième Sexe.
Le ch. 6, « La soumission est une aliénation » est introduit par le fondement suivant :
« La combinaison de la théorie beavoirienne de la situation et de sa méthode phénoménologique lui permet de comprendre le mécanisme par lequel les femmes en viennent à se soumettre : l'oppression des femmes par les hommes passe par un processus d'aliénation – de transformation en un Autre [non-réciproque] – qui est un processus d'objectification. Les femmes se soumettent aux hommes parce qu'elles sont toujours déjà considérées comme des objets, et non comme des sujets, par les hommes et, par conséquent, par elles-mêmes. » (p. 143).

Le reste du chapitre s'attelle à la définition des termes : « Autre » (avec une majuscule), « oppression », « aliénation », « femme-objet », « objectification ».
Le ch. 7, « Le corps-objet de la femme soumise », revient sur la dimension corporelle des normes de la féminité selon Beauvoir, notamment à partir de la puberté ; il est question du corps biologique qui « est social », et de la manière dont le « corps vécu » des hommes n'est pas le même que celui des femmes.

« Une des ambitions centrales du premier volume du Deuxième Sexe est de montrer que les hommes affirment constamment leur place de sujet en transformant les femmes en objets. Les femmes sont considérées comme des objets d'échange dans le mariage et la parenté, comme l'a montré Claude Lévi-Strauss ; les femmes sont transformées en objets de désir dans les mythes et la littérature. Dans le chapitre qu'elle consacre aux mythes, Beauvoir montre que l'objectification constante des femmes est une objectification constante de leur corps : le corps féminin est considéré tantôt comme une proie, tantôt comme une source de dégoût, tantôt comme une propriété. Dans tous les cas, c'est en faisant du corps des femmes un objet que les hommes constituent une image d'eux-mêmes comme des sujets, comme des héros, comme des guerriers. » (p. 180)

Le ch. 8, « Délices ou oppression : l'ambiguïté de la soumission », introduit le second volume du Deuxième Sexe. Beauvoir y met en évidence l'ambiguïté de la soumission :
« […] contrairement à ce que sa connotation négative pourrait faire penser, la soumission a des aspects positifs et des aspects négatifs ; elle est choisie et elle ne l'est pas ; elle est abdication devant l'homme et elle est un pouvoir sur lui ; elle est source de plaisir et vouée à l'échec. » (p. 192).

Ces couples de circonstances qui prêtent à ambivalences ou à contradictions s'exemplifient dans « la beauté », « l'amour-abdication » - où les personnages des romans De Beauvoir sont aussi analysés – « le pouvoir de la soumission », « les avantages de la soumission ».
Le ch. 9, « Liberté et soumission », revient sur la question des conditions du choix de la soumission – ou de l'acquiescement ou consentement – et des conséquences morales. La solution réside dans ce que Beauvoir appelle : « la perspective de la morale existentialiste », qui diffère encore une fois de Sartre et se rapproche plutôt de Kierkegaard. Si la liberté se conquiert, elle ne saurait s'abstraire de la « situation », comportant aussi bien l'individu que la structure sociale : il en résulte, selon Beauvoir, une « analyse coût-bénéfice de la soumission ». Ce ch. terminal énonce en conclusion que l'oeuvre De Beauvoir tend vers l'émancipation, que « la soumission n'est pas inévitable », pour autant que la « situation » n'est pas immuable : l'excipit du Deuxième Sexe est même un vibrant appel à la fraternité entre hommes et femmes ; de plus, son auteure se pose elle-même comme exemple, en tant que femme qui a réalisé une oeuvre autonome.
Dans la conclusion, je me serais attendu, et là réside ma seule critique, à une mise en perspective historique de la condition féminine à l'époque de la Simone de Beauvoir comparée à celle d'aujourd'hui. J'étais d'autant plus fondé dans cette attente d'une conclusion qui aurait pu démontrer l'actualité de la pensée beauvoirienne et donc la pertinence de toute la démarche de l'ouvrage, que celle-ci s'intitule : « Et maintenant ? ». Au lieu de cela, j'ai trouvé 3 p. bâclées sur la question du problème juridique du consentement sexuel : une problématique qui mériterait évidemment un essai à elle-même, mais dont l'envergure est incomparablement moindre par rapport à l'ensemble de la matière traitée ici.
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D'habitude ami-lecteur, je profite de ce court préambule pour t'expliquer pourquoi, cette fois, j'ai choisi cet ouvrage en particulier. Et vas-y que j'argumente sur la diversité, sur l'auteur si je le connais déjà,… Sauf qu'aujourd'hui mes raisons n'ont rien de glorieuses ou d'intellectuelles. J'ai pioché l'essai de Manon Garcia parce qu'il est court, moins de 200 pages. Ouais je ne suis pas toujours très courageuse…

Bien entendu On ne naît pas soumise, on le devient figurait bien dans la petite bibliographie que j'avais établie avant de débuter ce challenge, en septembre dernier. Pourquoi ? Déjà parce que la référence à Simone de Beauvoir m'avait interpellée puisque le Deuxième Sexe est un des premiers bouquins, adolescente, qui a éveillé ma conscience féministe… Et parce que la quatrième de couverture était fort alléchante...

Bon, bon, bon… Il en est parfois des quatrièmes de couverture comme des publicités : un étalage de stratégie commerciale plus que de vérité. C'est le cas ici. Tu vas penser que je commence fort ami-lecteur et tu auras raison. Sincèrement je pensais que Manon Garcia allait certes s'appuyer sur le travail De Beauvoir mais pour le dépasser, pour le transcender, pour que la pensée évolue en même temps que le monde. Bref, je pensais lire de la philosophie pas l'étude d'une philosophie. Ici, nous sommes dans une lecture de Simone de Beauvoir : on explore son oeuvre, on la pense et on la décortique autour de la thématique de la soumission. Je ne nie pas que l'on peut avoir envie de lire ce genre de choses… Sauf que ce n'était pas mon cas... J'espérais de la nouveauté, de la modernité, de la stimulation. Or ce n'est qu'une dissertation sur Beauvoir comme le montre les notes de fin dont 121 sur 213 concernent les ouvrages de cette dernière.

Si encore les propos de madame Garcia m'avaient convaincue… Mais sa vision de la femme soumise semble dater elle aussi de la fin des années quarante :

"À regarder la femme amoureuse, la star hollywoodienne, la mère au foyer épanouie, l'épouse de l'universitaire qui dépouille les archives pour lui, beaucoup d'entre elles n'ont l'air ni malheureuses ni forcées à quoi que ce soit. Est-ce à dire qu'elles « choisissent » leur soumission ?" - Page 211

de plus elle va loin dans ce qu'elle classe comme des actes de soumission :

"Un des premiers ressorts de la soumission est qu'elle peut être conçue comme une attitude, comme quelque chose qui n'est pas imposé du dehors mais que l'on fait soi-même. C'est le cas, par exemple, de la femme qui s'apprête avant de sortir, qui s'épile, enfile une faine amincissante, lisse ses cheveux, se maquille, pour faire d'elle-même un bel objet. Sans doute apparaîtra-t-elle comme un objet, mais cet objet elle l'a elle-même fabriqué." - Page 203

Et non ami-lecteur, quand je me maquille, je ne fais pas de moi un objet… Comme si le fait même de posséder une apparence, et de la mettre en valeur, empêchait un individu de rester un être humain..

Bien entendu le texte se revendique beauvoirien et l'on pourrait donc décider que ce genre de propos est lié à cela puisque le Deuxième Sexe commence à dater bien qu'il reste un essai primordial. Bref j'aurais pu passer outre sans la violence du regard sur la soumission elle-même :

"Choisir de se soumettre semble impossible ou bien réservé à quelques pervers et quelques masochistes : la soumission ne peut se justifier qu'en dernier recours, comme chez le guerrier, qui doit se soumettre ou mourir." - Page 211

Si je comprends que le terme liberté est la notion telle qu'elle est comprise dans l'existentialisme, j'ai plus de mal à accepter que l'autrice considère que la soumission soit simplement l'opposée de la liberté. Franchement, où sont les nuances et la subtilité ?

Enfin, la soumission est présentée comme immorale, comme une faute, même si celles qui y consentent ne sont pas coupables :

"En montrant comment et pourquoi les femmes consentent à leur soumission, elle [Simone de Beauvoir] désamorce toute utilisation de ce consentement pour attribuer la culpabilité de la soumission aux femmes : certes, les femmes, en tant qu'elles sont des êtres humains et donc qu'elles ont la possibilité de choisir leur liberté ; sont responsables du fait de ne pas la choisir, mais la façon dont leur situation est déterminée de l'extérieur par la domination masculine au point de faire de la soumission leur destinée fait qu'elles ne peuvent en aucun cas être tenues pour coupables de cette soumission." Page 232

Sans doute que les aficionados de la philosophie De Beauvoir auront plaisir à découvrir la lecture qu'en fait Manon Garcia. Peut-être que je ne suis pas assez philosophe pour On ne naît pas soumise, on le devient. En tout cas, l'ouvrage m'a tour à tour agacée et ennuyée. Si j'avais su, sans nul doute aurais-je plutôt choisi de relire le Deuxième Sexe…
Lien : http://altervorace.canalblog..
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Il m'a fallu du temps pour lire et chroniquer On ne naît pas soumise, on le devient, pourtant ô combien intéressant ! Ça a été ardu et dense à lire pour moi, puisqu'il s'agit d'un livre philosophique – discipline avec laquelle j'ai toujours eu quelques difficultés. La confrontation a tout de même été très intéressante !

Le ton du livre est donné dès l'épitaphe – certains ouvrages écrits par des femmes sont relégués de la philosophie parce que… écrits par des femmes, et l'introduction – on encourage ces dernières à être fortes et indépendantes en même temps qu'on leur dicte quoi faire en termes d'apparence et de comportement dit « féminin ».

Dans la culture pop, la soumission des femmes est partout : dans les pubs, dans les films, les séries, les romans… et le pire, c'est qu'on ne s'en rend pas toujours compte, alors même qu'on se considère comme une femme forte ou féministe. C'est le côté insidieux de la soumission qu'explore Manon Garcia. Ses mécanismes, parfois invisibles.

Qu'est-ce que cette soumission que vivent les femmes ? Comment elle se manifeste et s'explique ? Comment est-elle vécue ?

DES DÉFINITIONS
Manon Garcia fait une distinction entre :

soumettre : dominer par la force.
se soumettre : ne pas agir contre le pouvoir qui s'exerce sur soi.
Elle explique qu'il y a deux idées qui s'opposent par rapport à la soumission féminine :

Les femmes sont inférieures aux hommes dans leur nature, donc il est naturel qu'elles soient soumises.
Les femmes sont soumises parce qu'elles le veulent bien, c'est une soumission plus ou moins volontaire aux hommes.
Ça fait sauter au plafond, hein ? Et c'est pas fini : la soumission est automatiquement associé à une caractéristique féminine.

ET LE FÉMINISME DANS TOUT CA ?
Manon Garcia évoque le problème du positionnement du féminisme : il dénonce l'oppression des femmes par les hommes et la société patriarcale, mais pas la soumission en elle-même.
Pourquoi ? Parce qu'admettre qu'il y a soumission de la femme va à l'encontre même des valeurs du féminisme. En prenant en compte les définitions de la soumission donnée par l'autrice, ça serait être des complices de la domination masculine.

TOUT EST QUESTION DE POINT DE VUE
Finalement, on parle beaucoup de domination masculine, mais jamais de soumission féminine. C'est un sujet tabou, dans lequel Manon Garcia saute à pieds joints.

Selon elle, étudier la soumission féminine revient à se place du bon point de vue pour comprendre les mécanismes de la domination masculine. Il est vrai que pour comprendre un problème, il faut prendre en compte tous ses aspects.
En se plongeant dans les mécanismes de la soumission féminine, on pourra plus efficacement les contrer.

Attention cependant, l'analyse de l'autrice se situe au niveau des femmes occidentales, hétérosexuelles (celles qui ont, a priori, le plus de liberté).

QU'EST-CE QU'UNE FEMME ?
Puisque la soumission est considérée comme une caractéristique féminine, Manon Garcia se pose la question : qu'est-ce qu'une femme ?
Elle se base, entre autres, sur les travaux de Simone de Beauvoir pour étayer sa réflexion. Cette dernière rejette l'essentialisme : l'idée selon laquelle le destin de la femme serait scellé avant même son existence, qu'elle serait soumise avant d'exister.
Elle rejoint les propos de Judith Butler, qui stipule que le genre est une construction sociale. Pour les deux autrices, une femme est donc un être socialement construit.

Etre une femme, c'est donc être dans une certaine situation économique, sociale, politique. Cette situation implique un ensemble de normes selon lesquelles les femmes doivent se comporter et à l'aune desquelles elles sont jugées. Etre une femme, une « vraie », implique de se conformer à ces normes et, de même que l'on se questionne sur la nature d'un outil lorsqu'il ne remplit pas son office, on s'interroge sur la féminité d'une femme lorsqu'une distance apparaît entre son comportement et le comportement qui lui est socialement prescrit. Or, quel est le comportement prescrit à la femme dans la société ? La soumission.

MANIFESTATIONS & MÉCANISMES DE LA SOUMISSION FÉMININE
Selon l'analyse de Simone de Beauvoir, la soumission ne touche pas qu'une seule catégorie de femmes, elle les touche toutes, à des degrés plus ou moins accentués. Cependant, son analyse connaît des limites parce qu'elle ne base pas ses propos sur l'intersectionnalité. Cette notion n'apparaît qu'à la fin des années 80 dans les travaux de Kimberlé Crenshaw. Il s'agit de prendre en compte le fait que des personnes subissent plusieurs types d'oppression à la fois : homophobie, racisme, sexisme, agisme, validisme, etc.

Manon Garcia dégage plusieurs situations qui contribuent à la soumission des femmes.

Par le travail domestique : elles sont maintenues dans la sphère privée. Leur sortie dans la sphère publique leur permettrait de se confronter aux hommes, et donc de s'émanciper, mais elles n'ont pas les outils pour y accéder.
La division : les femmes sont dispersées, ce qui les empêche de se rassembler et d'être solidaires pour renverser cette soumission.
L'objectification : il y a une appropriation du corps féminin par autrui. On projette beaucoup de choses dessus (maternité, sexualisation), ce qui fait qu'il n'appartient plus vraiment aux femmes. En les réduisant à leur corps et à ce que la société attend d'eux, on nie leur individualité. Et si leur corps ne leur appartient pas, difficile pour elles de contrôler leur vie. Ce phénomène de dépossession survient souvent à la puberté.
Vision de l'amour faussée : les femmes sont censées se réalisées dans une relation amoureuses ou dans le statut de mère aimante. Elles sont supposées se consacrer corps et âme aux êtres aimés. Et je ne parle même pas du consentement, qui est complètement nié…
EN CONCLUSION
Je suis ressortie de cette lecture lessivée. Manon Garcia m'a poussée dans mes retranchements. Je me suis questionnée : pourquoi, tout en étant une féministe militante, je me retrouve moi aussi soumise à cette société patriarcale ? Serais-je une complice de la domination masculine finalement ?
On ne naît pas soumise, on le devient m'a permis de prendre conscience des mécanismes qui s'opèrent dans la soumission féminine, dont on n'a pas forcément conscience. Manon Garcia offre des réponses, mais aussi des pistes de réflexions. Je pense que même en lisant et relisant ce livre, on peut en découvrir de nouveaux aspects !
Lien : https://furyandfracas.wordpr..
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On ne naît pas soumise, on le devient est un essai féministe qui s'intéresse à la soumission des femmes. En effet, la soumission étant contraire à la liberté qu'est censée avoir tout être humain, il apparaît que si celui-ci la refuse, il est soit immoral, soit c'est bien la preuve que cette soumission serait « naturelle ». Manon Garcia cherche des réponses plus poussées en confrontant plusieurs textes philosophiques du monde entier – bien que son essai se concentre volontairement sur les femmes occidentales hétérosexuelles.

Certains passages m'ont paru très faciles à lire, et presque avec du suspens quant au dénouement des problématiques. D'autres l'étaient moins, mais je pense que des lecteurs et lectrices plus habitué-e-s à la philosophie s'en apercevront à peine.

Toutefois, j'ai été étonnée que Manon Garcia se base autant sur la philosophie de Simone de Beauvoir. C'était certes précisé en quatrième de couverture, mais je pensais que ce ne serait que l'histoire de quelques pages. Cependant, cela m'a permis d'en apprendre beaucoup sur l'autrice du Deuxième sexe, et tout un pan de sa réflexion philosophique. J'ai également beaucoup mieux compris ses thèses, qui étaient restées en partie floues à la lecture de ses ouvrages philosophiques.

Manon Garcia explicite donc les différentes idées novatrices de Simone de Beauvoir concernant la soumission des femmes, tout en les ancrant dans un contexte moderne. C'est extrêmement intéressant et j'ai dû lutter pour ne pas noter des citations à chaque page. Cet essai est également très bien documenté et donne de nombreuses références d'ouvrages pour élargir sa réflexion.

Un très bon essai pour celles et ceux qui veulent mieux comprendre les racines de la domination patriarcale et la soumission des femmes qui en découle.
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Un très bon essai philosophique sur la soumission féminine, au-delà de l'essentialisme (les femmes seraient naturellement soumises) et du tabou que représente la soumission volontaire (difficile à accepter pour les féministes par exemple).

C'est le 1er essai de l'autrice, on sent que c'est une thèse réadaptée. La première partie est longue, elle décortique les concepts et surtout justifie son sujet... il faut atteindre la moitié du bouquin pour entrer vraiment dans la thèse du livre. Mais quand on atteint cette deuxième partie, on se dit ENFIN. Et ça devient vraiment GÉNIAL.

L'essai montre toute la pertinence et l'actualité du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, qui donne une analyse existentialiste de la condition des femmes. Pour elle, le déterminisme biologique est à rejeter. Mais certaines données biologiques persistent.
Il n'y a pas d'essence féminine, mais la soumission est un destin féminin, une prescription sociale avant que l'être femelle puisse advenir comme sujet. L'individu voit dans le comportement des autres une norme pour son action. le corps femelle, quoi que asservi à l'espèce (menstruations, grossesse, allaitement...), est le support de significations sociales. Et le corps de la femme est toujours un objet pour l'autre (commentaires sur le physique, harcèlement de rue, violences...). L'esthétisation de ce corps est de mise. "Même si elle y prend du plaisir, elle se nie au moment où elle croit s'affirmer." (P. 193)

La supériorité musculaire du mâle ne serait pas source de pouvoir si les normes sociales imposaient le respect des femmes.

En passant par Sartre puis Heidegger, Simone de Beauvoir prend le concept de "situation" pour historiciser la condition des femmes. L'oppression s'est mise en place, donc une émancipation est possible au futur. Voilà un peu d'optimisme...

La soumission est un destin féminin et tout les pousse à se soumettre. La tentation du pouvoir érotique, de l'amour-abdication, de la validation masculine (la reconnaissance de la part de ceux qui ont le pouvoir)... incitent à cette soumission. Oui, Manon Garcia l'affirme après une longue démonstration, les femmes peuvent, dans un calcul coûts/bénéfices, consentir à la soumission. Il est tellement coûteux de devenir sujet, de refuser activement la soumission ! le consentement n'est pas un choix actif de soumission, c'est une passivité qui est la norme, le cadre donné aux femmes.

Vraiment un essai éclairant !
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critiques presse (2)
LaViedesIdees
28 février 2019
Comment expliquer en féministe que certaines femmes acceptent la domination masculine ? Ce n’est pas un choix, mais un « consentement actif », selon Manon Garcia qui se place dans la lignée de Simone de Beauvoir.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Liberation
18 octobre 2018
La philosophe française s’intéresse à la notion de soumission féminine telle que vécue de l’intérieur et démontre qu’en dehors de toute violence, elle peut aussi résulter d’un consentement assumé qui n’entérine pas pour autant le discours machiste dominant.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Les hommes ne sont pas ( tous ) coupables
Dire que la soumission est le fruit de la situation n'est pas seulement émancipeur en ce qu'on comprend ainsi qu'en changeant la situation on pourra espérer échapper à la soumission, mais parce que cela permet de clarifier les responsabilités des individus. Par le concept de situation, Beauvoir montre que les femmes ne sont absolument pas responsables lorsqu'elles consentent à se soumettre, mais elle montre aussi que les hommes, en tant qu'individus, ne sont pas non plus complètement responsables de cette soumission. Les hommes particuliers ne font rien pour soumettre les femmes; comme les femmes, ils sont jetés dans un monde dans lequel des significations, des normes sociales sont toujours déjà là. À ce titre, Beauvoir n'assigne pas de responsabilité individuelle aux hommes. Elle se contente de souligner qu'ils bénéficient, du privilège du dominant, qui consiste à voir sa perspective comme la perspective neutre, objective et donc vraie, et à neutraliser l'altérité des autres.
Si les femmes, sont contraintes par leur situation, les hommes le sont aussi.
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Comme tout livre de philosophie, [celui-ci] ne cherche pas à donner des réponses toutes faites, mais à montrer la complexité du monde et des expériences vécues. Il ne s'agit pas de décider, une bonne fois pour toutes, si les femmes sont des victimes ou des résistantes, si tous les hommes sont fautifs ou non, si ce qui compte est l'individu ou la structure sociale.
Au contraire, examiner la soumission des femmes aux hommes, c'est étudier la façon dont les hiérarchies de genre dans la société façonnent les expériences des femmes.

(Introduction)
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Dans les représentations comme dans la culture classique, cette soumission ne vient pas aux femmes tout à fait naturellement : les dizaines de milliers de pages que la théologie, la philosophie morale, la littérature consacrent à prescrire aux femmes la soumission et à indiquer aux hommes comment l’obtenir laissent penser que la soumission est bien une conduite que les hommes considèrent comme typiquement féminine, ou comme nécessaire à la vertu des femmes, plutôt que comme une attitude qui leur serait naturelle.
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La soumission des femmes est donc très difficile à analyser philosophiquement : dans la mesure où elle renvoie à une expérience quotidienne, elle échappe sans cesse à l’analyse ; en tant qu’elle nécessite un renversement de la perspective sur le pouvoir, elle semble impossible puisque, d’un côté, elle ne peut être faite que par les opprimé-e-s et, de l’autre côté, elle est hors de leur portée puisque l’oppression consiste précisément à les empêcher de parler de leurs expériences et de les analyser.
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Etre une femme, ce n'est pas seulement avoir le corps d'une femme et vivre dans un corps. C'est aussi avoir un corps social qui est objectifié. Les corps masculin et féminin peuvent être objectifiés dans les relations interpersonnelles, mais cette objectification est accidentelle. En revanche, la structure sociale de l'inégalité de genre donne un tel pouvoir aux hommes que cette objectification accidentelle devient structurelle et chronologiquement première : alors que les hommes sont d'abord des sujets et, à travers le regard d'autrui, peuvent se découvrir objets, les femmes sont d'abord des objets. Par conséquent, les corps des femmes sont objectifiés avant même qu'elles puissent en faire l'expérience comme corps propre/vécu.
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Les essais présélectionnés : Apprendre à voir d'Estelle Zhong Mengual (Actes Sud) Avoir le temps de Pascal Chabot (Puf) L'animal et la mort de Charles Stépanoff (La Découverte) La conversation des sexes de Manon Garcia (Flammarion) Les filles du coin de Yaëlle Amsellem-Mainguy (Presses de Sciences Po) Réveiller les esprits de la terre de Barbara Glowczewsky (Ed. du Dehors)
Remise du prix par Sandrine Treiner, directrice de France Culture, et Boris Razon, directeur éditorial d'ARTE France
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