D'une série de photographies,
Valentine Goby a tissé cette jolie histoire. Celle d'une révolte sourde : Dora est enfermée chez elle depuis le 29 juin, on ne sait ce qu'il s'est passé à cette date, on envisage le pire. Chaque jour, elle s'habille, comme elle l'entend, minijupe, ballerines, cheveux relevés, et reste enfermée chez elle, dans sa cité, bâtiment D, avec vue sur le ciel et sur le bitume. Un sentiment de liberté la domine alors. Elle est une fille qui refuse de se soumettre, la révolte est intérieure, mentale. On comprend alors au fur et à mesure que l'exposition de son corps en minijupe a provoqué colère et choc dans la cité. le corps féminin - beauté sensuelle - est au centre de cette révolte, une des grandes problématiques du récit, comme souvent chez
Valentine Goby. Et puis la narration nous expose une autre révolte : celui d'un garçon, et lui c'est "à l'intérieur qu'[il] étouffe". Il est jardinier, au grand dam de son père, pour qui un mec n'a pas à admirer la fragilité des fleurs et à respirer l'odeur de la terre, associant ce métier à celui d'une "pédale". Alors ce garçon, Charlie, pour éviter les insultes et les coups de son paternel, s'échappe le soir. Sa liberté à lui, il la trouve dans la pénombre du quartier, dans l'air vif de la nuit, en attendant que son père s'endorme, pour pouvoir doucement, à pas de loup, réintégrer l'appartement familial, au bâtiment E. Les deux révoltés sont voisins et un soir, la rencontre va se faire, par le biais d'une canette de soda, nonchalamment jetée par Charlie et aperçue par Dora, depuis sa fenêtre. Entre celle qui s'enferme dedans et celui qui s'enferme dehors, le dialogue va débuter grâce à un trou dans le mur - référence à la très belle photo de couverture, et même plus... - un morceau de liberté se conquérant alors par le biais de l'autre.
Une jolie histoire sur les préjugés, sur la jeunesse qui tente de les vaincre. Les photographies d'
Hortense Vinet m'ont conquises,
Valentine Goby les exploite habilement. La naissance de l'amour y est très finement observée, les métaphores qu'emploient Charlie pour évoquer Dora - "Bizarrement, je l'associe à ces fleurs épanouies le soir, fermées le jour" - sont tendres et vraies. Armés de leur amour et d'une boîte de peinture rouge vif, Dora et Charlie vont repeindre le monde, selon leurs envies, leurs désirs et surtout essayant d'affirmer leur liberté. Une porte rouge pour dire la vie, pour clamer l'envie d'écraser les diktats.
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