le titre, déjà, est une énigme, qui sera levé au deux tiers du roman : comment une arme, telle un animal, peut-elle être domestique ? Dans cette Afrique du Sud qui sort tout juste de l'Apartheid (nous sommes en 1996), la violence est omniprésente, pas un jour sans qu'un ou plusieurs meurtres ne soient annoncé à la radio. Les deux personnages principaux, Harald et Claudia sont cepandant bien à l'abri de cette violence, dans la résidence ultra-sécurisée dans laquelle leur réussite sociale (il est arrivé à un échelon élevé dans une compagnie d'assurance, elle est médecin) leur a permis de déménager. Sauf que l'impensable se produit : leur fils unique Duncan est arrêté pour meurtre.
L'intrigue qui suit est épurée à l'extrême. Pas de rebondissements tortueux : Duncan reconnaît avoir tué son ami, qui avait une liaison avec sa petite amie, il est emprisonné et attend son jugement, qui aura lieu dans la deuxième partie du roman.
Nadine Gordimer se concentre alors sur Harald et Claudia. Ils ne sont plus des conjoints, ils sont un père, une mère dont le fils a ôté la vie à un homme en dépit de l'éducation qu'il a reçue. Leur vie quotidienne devient transparente, pour ne plus se concentrer que sur les visites au parloir et les rendez-vous avec l'avocat.
Harald, fervent croyant, et Claudia, athée, ne vont cesser de s'interroger et d'être interrogés. La situation met cruellement en lumière ce qui les unit toujours et des différences qui ont, pensent-ils un temps, créer des failles dans l'éducation de leur fils, comme si s'attribuer une partie de la culpabilité pouvait le sauver.
Nadine Gordimer refuse les clichés : s'ils vivent leur douleur à leur manière, chacun de leur côté, ils ne se déchirent pas. ne se séparent pas, leur attachement sincère et leur années de vie commune leur permettent de comprendre que, si leurs réactions sont différentes, ils n'en regardent pas moins dans la même direction.
Surtout, ils ouvrent les yeux sur leur choix, dans un pays où certains ont pris des risques pour leurs opinions. Oui, ils étaient contre l'Apartheid - en principe, tout bas - mais ils ont appliqué les règles. Ils n'ont pas combattu pour que les inégalités cessent, en dépit de leur foi (Harald) ou de leur certitude sur l'égalité entre les blancs et les noirs (Claudia) mais l'évolution de la société permettra peut-être de sauver leur fils.
Cette évolution passe par un débat contre la peine de mort - Harald analyse avec une lucidité rare le pourquoi de son soudain intérêt pour la question, puisque cette violence faite sur l'homme par l'Etat menace directement leur fils. Elle passe aussi par la découverte que l'homme qu'a tué Duncan était son ancien amant, renforçant ainsi leur sentiment qu'ils ne connaissaient que peu de choses sur la vie de leur fils unique. Elle passe encore par le fait que le meilleur défenseur est un avocat noir, doué, très doué, comme il le démontrera dans son habileté à mener interrogatoires et contre-interrogatoires, comme dans son acharnement à mener à bien sa tâche auprès des parents. Surpris d'abord par certaines stratégies, force leur est de se ranger à son avis.
La seconde partie prend une forme plus classique, si j'ose dire, elle est presque un roman de procès plutôt qu'un procès inclus dans un roman. Duncan a peu la parole, car il n'est pas véritablement le centre du combat. le centre, c'est plutôt Nathalie, la jeune femme qui a tout déclanché, et qui elle non plus n'est pas un personnage conventionnel. Elle aurait pu être entourée d'un aura romanesque (Duncan lui a sauvé la vie), elle est un être bien réel, dont chacun des actes est une protestation contre ce retour forcée à la vie. Elle reprend son destin en main, d'une manière qui pourrait choquer, pourtant je ne peux que ressentir de l'empathie pour cette jeune femme, non parce qu'elle a été en détesse, à un moment antérieur au récit, mais parce qu'elle n'a que faire de se comporter comme on s'attendrait à ce qu'elle se comporte, non par esprit de contradiction, mais parce que ses actes sont en accord avec ce qu'elle ressent.
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