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EAN : 9782253138341
248 pages
Le Livre de Poche (01/10/1995)
3.76/5   56 notes
Résumé :
Qui n'a rêvé d'échapper à un " moi " trop connu, et le plus souvent inconfortable, pour entrer dans la peau d'un autre, qu'on s'imagine forcément plus fort et plus heureux ? Ce pouvoir est donné à Fabien. Nouveau Protée, il peut devenir qui lui plaît, corps et âme. Alors commence le grand voyage de la connaissance, car pouvoir être un autre, c'est avoir à sa disposition tous les êtres. Fabien découvre la beauté, l'intelligence, la richesse. Il peut devenir à son gr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Et, si j'étais vous ?

S'il suffisait de vous murmurer une obscure formule dans le creux de l'oreille pour m'introduire dans votre corps, prendre mes quartiers dans votre esprit. Selon votre composition je m'y sentirais plus ou moins bien, je finirai peut-être même par m'oublier moi-même…

L'auteur fait de la tentation le thème de cet ouvrage. le surnaturel vient du religieux, de l'adjuvance du malin. La façon dont se manifeste l'occupation du corps d'autrui, à la fois pour l'hôte et son parasite est plutôt originale.

Le style est soigné et classique, sans toutefois être d'une déroutante originalité. Green laisse davantage son emprunte dans l'ambiance qu'il donne au roman. D'emblée nous comprenons que derrière le désir de soutane et la piété appuyée se dessinent mille sensualités dans l'esprit des personnages. Et parce qu'elles ne sont pas explicitées, celles-ci paraissent sans doute pour le lecteur probablement plus coupables qu'elles ne sont, à la manière des ombres chinoises sur le mur de la chambre.

Le thème de la lutte entre le désir et la chasteté chrétienne, souvent jusqu'à l‘hypocrisie, peut nous sembler dépassé tant la littérature s'est affranchie de l'étau censeur du catholicisme. le lecteur curieux d'aujourd'hui peut apprécier la façon dont on écrivait autrefois et la façon dont l'auteur, malgré la sacristie littéraire, sème des indices plus ou moins charnels.

Evidemment, le contexte récent de la parution du Journal intégral de l'académicien homosexuel éclaire davantage une oeuvre dont les tourments et les pensées érogènes éveillaient déjà quelques soupçons. Ainsi, désormais plus aucun doute sur le fait que la domination des passions n'est que l'apanage des avatars littéraires de Green, à l'instar de Fabien, Elise ou Fruges dans le roman.
L'auteur franco-américain, si l'on en croit les bonnes feuilles parues dans la presse (voir le long article de Frédéric Martel sur le site de France Culture), apparaitrait désormais comme un hédoniste vorace et maudit, esclave impuissant des désirs égotiques, infinis et péremptoires de sa chair.

Mais, et c'est peut-être aussi lié à la biographie de l'auteur qui n'a pas seulement lutté contre l'acte mais aussi contre le principe de son homosexualité, “Si j'étais vous” se lit aussi comme “si je n'étais pas moi”. Fabien ne voulait-il pas ne plus être lui avant que d'être véritablement quelqu'un d'autre ?

Mais revenons-en au livre, et jugeons le pour ce qu'il est, indépendamment de Julien Green, qui signe un court roman fantastique où se mêlent désirs frustrés, piété sociale et envie d'échapper à soi. Seulement, tout pacte avec le diable a ses conséquences. Moralité : ne mieux vaut-il pas encore essayer de vivre avec soi-même ?

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Avec Si j'étais vous… ,Julien Green choisit de s'attaquer à un fantasme sans doute universellement partagé, à un moment ou à un autre de la vie de tout homme : la possibilité de devenir quelqu'un d'autre au gré de ses envies, et de changer de corps à chaque fois que le désir s'en fait sentir.

Fabien est un jeune homme esseulé qui se morfond dans une vie trop étroite à la fois matériellement –car il manque d'argent- mais aussi spirituellement –car il n'est constitué que d'une religion qui a cessé de lui suffire mais qui le cadenasse encore dans des schémas de pensée limitants. Avant de se vouer une haine trop intense, il rêve de pouvoir devenir un autre, comme si un seul changement d'identité sociale pouvait suffire à lui apporter le bonheur.

Un soir, lors d'une de ses nombreuses sorties nocturnes, il croise la route d'un vieil homme qui se présente à lui sous le nom de M. Brittomart. Celui-ci devient sa clé d'accès à d'autres corps, d'autres âmes : d'autres identités. Il suffit à présent d'une formule magique pour que Fabien échange sa place avec celle de n'importe qui d'autre. Il n'hésite pas longtemps et son choix se porte sur celui qui représente pour lui la réussite matérielle : le vieux M. Poujars, son employeur de bureau. Mais la détention d'une fortune suffit-elle à compenser les maux de la vieillesse et les tourments d'une âme veule ? Autant jouir de la force physique et de la beauté animale… de Poujars, Fabien passe à Paul Esménard mais manque de se perdre dans son esprit limité dont les schémas de fonctionnement finissent par le conduire au meurtre. Brittomart intervient avant que Fabien ne commette d'autres catastrophes et lui propose d'investir le corps d'Emmanuel Fruges, un esprit brillant. Peut-être trop ? Son intelligence le mène souvent à l'auto-flagellation. Mais au moins, Fabien ne risque pas d'oublier d'où il vient…

En effet, Julien Green introduit une condition intéressante qui corse les échanges d'identité : Fabien, en passant d'homme en homme, adopte les traits de caractère de son occupant d'origine, et ses souvenirs s'effacent au profit de ceux de sa proie. Mais alors, qui est donc vraiment Fabien, si ni ses caractéristiques, ni ses souvenirs se s'avèrent pérennes dans ce processus d'échange ? La première partie du livre développe essentiellement ces réflexions. le ton, qui était plutôt badin dans les premières pages, surprend alors par sa tournure plus grave. Julien Green nous amène à réfléchir sur les conditions de l'identité bien au-delà de ce qu'une simple histoire d'échanges de corps aurait pu nous porter à imaginer.

Malheureusement, il accole à cette première partie une seconde partie beaucoup moins stimulante. Les conditions étant posées, l'auteur cherche à appliquer le processus d'échange au sein d'une trame dramatique classique à base d'intrigues amoureuses. On change de point de vue : que se passe-t-il lorsque l'amante secrète se trouve confrontée à l'objet de sa passion –investi par l'âme d'un autre ? Après nous avoir poussés à nous interroger sur notre connaissance de nous-même, Julien Green nous interroge sur ce que nous pensons savoir des autres. Malgré des perspectives stimulantes, ce changement de point de vue n'offre rien d'intéressant au lecteur. La réflexion est limitée par les contraintes liées à l'enjeu dramatique : prouver au lecteur que la pauvre Elise, éloignée de force de son amant Camille, le connaît pourtant bien mieux que son épouse légitime Stéphanie. Ceci ayant été démontré, et Julien Green se trouvant satisfait d'avoir pu prouver par la même occasion que la société bourgeoise est remplie de dogmes absurdes, il est temps pour Fabien de retrouver son corps d'origine. La fin relève d'un manque d'imagination aussi décevant que le manque de prise de risques qui caractérise la seconde partie.

Si j'étais vous, Julien Green, je recommencerais cette seconde partie… mais le transfert marche-t-il avec l'identité d'un défunt ?

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Roman admirable dont les mots, habilement disposés au sein de la phrase, sonnent toujours juste. C'est d'une beauté ... ! Julien Green, oublié un temps, doit être relu. Je vous le conseille vivement car outre son style impeccable, cette histoire en particulier est un "page turner".
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Ce livre est paru en 1947 et il s'agit d'un écrivain fle je crois. Il y a effectivement des tournures particulières. Au niveau de l'histoire, l'idée est sympa: suite à un pacte, Fabien peut changer de personne, c'est à dire sauter dans le corps d'une autre personne. On fait donc une série de rencontres, de différents types, mais sans tourner en rond, car un problème se pose vite, je ne dis pas lequel.
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Si j'étais vous...un être se transpose dans la situation des autres, suivant ses illusions sur ce dont il n'a pas l'expérience et suivant ses désirs qui le poussent sans cesse à la recherche d'autres choses. La poésie amoureuse est également riche de ses désirs de métamorphoses pour plaire à l'être aimé. La métamorphose est un symbole d'identification, chez une personnalité en voie d'individualisation, qui n'a pas encore assumé la totalité de son moi, ni actualisé tous ses pouvoirs.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
- Cette nuit, par une faveur insigne, vous recevrez le don de changer votre personnalité contre celle qu’il vous plaira d’élire : vous deviendrez qui vous voudrez. Toute l’expérience humaine, éparse autour de vous, vous est offerte. D’un être à l’autre, selon le caprice de votre curiosité, vous voyagerez comme le voyageur qui s’arrête dans une ville le temps qu’il faut pour en épuiser les plaisirs ou satisfaire son goût de savoir. Vous ne connaîtrez de la souffrance que ce que vous en voudrez apprendre, et vous jouirez de tous les bonheurs possibles. L’humanité deviendra la bouche par laquelle vous assouvirez vos faims ; ses doigts, son corps, serviront à la dilatation énorme de vos appétits. Fabien, je vous donne le monde.
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[…] il comprit que ce n’est pas en pressant un livre sur son cœur qu’on s’instruit, mais secrètement il regretta d’en savoir déjà si long, car il lui semblait qu’en apprenant une chose il en désapprenait une autre, et plus belle. Pourtant le goût du savoir lui vint avec les années, mais ce qu’il acquérait en étudiant se payait toujours d’un prix qu’il ne soupçonnait pas et ses maîtres le privaient peu à peu de toutes les ressources que contient ce que nous appelons l’ignorance. A présent il s’entendait à combiner des mots de manière à leur faire dire à peu près tout ce qu’il voulait, mais il ne savait plus parler au vent, ni à la pluie, ni à la lumière que le soleil versait à ses pieds comme avec un seau. Entre lui et tout ce qui ne parle pas le langage humain un grand fossé se creusa.
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- […] Vous savez comme moi qu’une des causes majeures de l’ennui est l’étroitesse de notre destinée. Nous nous éveillons chaque matin les mêmes, et c’est en vain que les rêveurs de l’Antiquité ont soutenu que jamais la même personne ne passe deux fois par la même porte. La vérité est que chaque homme est condamné à vivre dans le même corps, à voir par les mêmes yeux, à comprendre et à méditer jusqu’à la mort par le secours du même cerveau. L’ingénieux supplice de l’identité crée un enfer beaucoup plus subtil que le lieu torride inventé par la superstition. Etre éternellement le même n’est pas supportable aux esprits affinés par la réflexion.
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Entre toutes les souffrances qu'avait connues le monde et dont la somme avait chargé l'âme du Sauveur, il y avait cette souffrance particulière qui était la souffrance d'une jeune fille isolée et perdue au fond d'une grande ville. Du haut de sa croix lointaine, il avait peut-être vu la petite Française agenouillée au pied d'un lit. Entre elle et lui, ce lien existait. Dans ses mains à elle, il n'y avait pas ces clous pareils à d'épouvantables pistils de fer au milieu de fleurs blanches, mais elle avait comme lui une plaie qui se ne voyait pas, dans la poitrine.
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Il aimait vraiment l’enfance ; c’était même ce qu’il y avait en lui de moins atteint, de moins suspect. Les dimanches de communion, les bons jours, comme on disait encore dans sa famille, alors qu’il s’agenouillait à la sainte table, il cherchait à se placer tout près d’un enfant, s’il y en avait un, afin de lui voler un peu de cet amour surnaturel dont il sentait que le petit être était l’objet inconscient ; et, ce soir, il surveillait du coin de l’œil le garçonnet qui chantonnait tout seul et dont il admirait l’innocence comme un spécialiste reconnaît et apprécie le spécimen parfaitement venu d’une espèce rare.
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Videos de Julien Green (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julien Green
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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