AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Léo Lack (Autre)
EAN : 9782070774364
574 pages
Gallimard (26/05/2005)
4/5   83 notes
Résumé :
"On la jugeait singulière, ce qui, dans ce milieu, équivalait à une réprobation. Troublée, malheureuse, comme un tout petit enfant, cette large créature musclée se sentait seule, elle n'avait pas encore appris cette dure leçon : elle n'avait pas encore appris que la place la plus solitaire en ce monde est réservée aux sans-patrie du sexe." Le puits de solitude fit scandale lors de sa parution à Londres en 1928, où il fut interdit et les exemplaires imprimés jetés au... >Voir plus
Que lire après Le puits de solitudeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
ce roman de 1928 fit à l'époque scandale en Grande Bretagne (et obtint un joli succès au Etats-Unis) à cause de son sujet. Radclyffe Hall (1880-1943) était une romancière anglaise née dans une famille aisée, vivant en couple avec des femmes et portant des habits masculins, tout comme- sans trop en dévoiler- son héroïne de roman

Curiosité, odeur de soufre, oui sans doute, mais il fallait tout de même que ce roman ait (à mes yeux du moins) une certaine qualité littéraire. Quelques pages ont suffi pour m'en convaincre.

Un peu de l'histoire:
Dans leur belle propriété de la campagne anglaise, Sir Philip et Lady Anna Gordon s'aiment toujours passionnément lorsqu'après dix ans de mariage est annoncé un héritier, qu'il est prévu de prénommer Stephen. Une fille naît, qui sera Stephen quand même. Ses premières années se passent merveilleusement bien, avec une nanny puis une gouvernante. Elle aime se déguiser en Nelson, insiste pour monter à califourchon, va à la chasse au renard et fait l'admiration de son père pour ses talents de cavalière. Seules ombres au tableau, la retenue gardée par sa mère à son égard, le peu de goût pour les jeux de filles et la disparition d'une femme de chambre aimée sans trop de retenue. Son père, lecteur de Karl Heinrich Ulrichs et de Krafft-Ebing, pressent quelques vérités et n'en aime que plus sa fille, la chérissant et la protégeant.

"Mais Sir Philip posa de nouveau son regard sur elle, et il y avait de l'amour dans ses yeux, de l'amour et quelque chose qui ressemblait à de la compassion.(...) 'Vous êtes tout le fils que j'aie, dit-il. Vous êtes courageuse et saine, mais je désire que vous soyez sage... je désire que vous soyez sage dans votre propre intérêt, Stephen, car même en mettant les choses au mieux, la vie demande une grande sagesse. Je désire que vous appreniez à vous faire des amis de vos livres; vous pourriez en avoir un jour besoin, parce que...' il hésita, 'parce que vous pourriez ne pas toujours trouver la vie facile (...) et que les livres sont de si bons amis.
Un père extraordinaire, permettant à sa fille escrime et gymnastique, et insistant pour qu'elle développe aussi son esprit.

Vivant à l'écart dans la propriété où sa famille a ses racines, Stephen donne une impression d'innocence voire de naïveté, mais elle sent les choses.
"Les yeux des jeunes gens ne laissent pas d'être observateurs. La jeunesse a ses instants d'intuition aiguë, même la jeunesse normale, mais l'intuition de ces êtres qui se tiennent entre les deux sexes est si impitoyable, si poignante, si précise, si implacable qu'on dirait que cela constitue un châtiment supplémentaire."

Là c'est Radcliffe qui parle, car il faut encore des pages pour qu'après avoir cru à une belle amitié masculine (le jeune homme avait d'autres objectifs!) elle réfléchisse. "Mais qu'était-elle? Ses pensées remontaient à son enfance et elle trouvait dans son passé des faits qui la laissaient perplexe. Elle n'avait jamais été tout à fait semblable aux autres enfants, elle avait toujours été seule et insatisfaite, elle avait toujours essayé d'être quelqu'un d'autre. (...) Seule... il était terrible de se sentir si seule... de se sentir différente des autres."

Hélas son père, le seul qui pourrait l'aider en lui disant la vérité, n'ose pas, par amour. Quand il disparaît, elle s'amourache de l'épouse d'un voisin, puis se voit contrainte de partir à Londres. Son premier roman paraît. Puis sur le front lors de la première guerre mondiale elle conduira une ambulance et connaîtra le Paris des années 20, fréquentant surtout ce qu'on appelait des invertis (Radcliffe utilise ce mot, ainsi que 'normal' et même le n-word). Mais je ne veux pas tout raconter, je passe une grande partie, triste et belle, de ce roman.

Impressions
Ce roman étant sans doute grandement inspiré du vécu de l'auteur, ce n'est pas toujours bien joyeux... Mais elle a su rendre son héroïne attachante dans son ignorance et son désarroi initiaux, puis sa révolte à se voir refuser une vie comme celle des autres, devant se cacher ou mentir.
Les passages sur le front de guerre et la vie mondaine dans certains milieux parisiens est passionnante. D'ailleurs tout le roman est intéressant, j'ai bien sûr aimé la finesse des ressentis de Stephen, et la façon dont la nature est décrite, c'est original et plein de fraîcheur (non, pas de longueurs)

Donnons la parole à Violet, une voisine de ses parents
"C'est une vraie pitié que vous vous habilliez ainsi, ma chère, une jeune fille est tellement plus attrayante quand elle est féminine.... ne pensez-vous pas que vous pourriez féminiser un peu vos vêtements? Je suppose que vous désirez vous marier, n'est-ce pas? Aucune femme n'est complète tant qu'elle n'est pas mariée. Après tout, aucune femme ne peut réellement rester seule, elle a toujours besoin d'un homme pour la protéger."

Finalement, ce roman, même s'il est très soft, demeure bien clair et défend les 'invertis', réclamant le droit de fréquenter qui ils veulent. de vivre avec qui ils veulent. Stephen regarde avec envie la liberté des couples mariés et avec enfants...

Les seuls trucs un peu datés que je relève (mais je suis espiègle) ce sont des remarques sur, par exemple, la 'vaillance celtique' ou 'nul homme n'est un plus fidèle amant des arbres qu'un Allemand.'
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
Commenter  J’apprécie          103
Dernière lecture de 2020 et pas des moindres : un roman familier des bûchers anglais car "scandaleux", "obscène ", "immoral" et autres adjectifs rétrogrades des pères-la-morale de l'après guerre.

Je l'ai bouclé il y a quelques jours mais je me sens encore "à chaud". Peut-être trop pour bien le chroniquer. Mais voilà, les ondes de Radclyffe Hall interfèrent avec mes écrits et s'imposent au 1er plan de mes réflexions depuis que je l'ai refermé.
Impossible de penser à autre chose...
Impossible d'écrire autre chose ...
Impossible de lire autre chose ...
J'ai été remuée. Je le suis encore, comme une caisse de résonance à un siècle d'écart de sa source émettrice.

Primo, ce roman est précieux. Très précieux. Car il n'a pas de prédécesseur. Radclyffe Hall l'a écrit dans le noir, sans modèle ni repères (voir dernière image). Et quand la référence, c'est soi-même, la valeur littéraire compte triple à mes yeux. Créer dans les sentiers battus est déjà difficile. Créer en dépit du monde et de l'interdiction, c'est difficile ET dangereux.
Radclyffe Hall a été la première à fendre explicitement (et j'insiste sur le caractère explicite) le moule de la littérature hétéro-normée, la première à briser le silence des foules sur la persécution et l'invisibilisation des inverti.e.s (alias homosexuel.le.s en français 2.0).
Explicite ici ne veut pas dire scènes de sexe. En fait, il n'y en a aucune (obscène qu'ils disaient !). Par explicite, je veux dire que Radclyffe Hall a fait de l'inversion son thème principal, son noeud d'intrigue et son protagonisme, alors que les plus courageuses y faisaient seulement allusion de manière espiègle et joueuse (Virginia Woolf dans Orlando par exemple).
D'ailleurs, la frilosité littéraire n'est pas révolue en la matière. Même dans la littérature très officiellement contemporaine, Sapho est encore rare. Et là où elle survit, elle n'est souvent que suggérée ...
Secundo, ce roman est une prouesse littéraire. L'interdiction le rend attrayant, oui, mais même sans cela, il pèse lourd. Tout est écrit et décrit en finesse et en profondeur, des ressentis de l'héroïne à ceux de son cheval, des virées en forêt aux salons littéraires du Paris des 20's, de la métamorphose du paysage à celle des alliances et des amours transis.
La première partie est si immersive (pour un roman à la 3eme personne en plus!) qu'on y entre très, voire trop facilement.

Et sinon, de quoi ça parle ?
On est à la fin du 19ème dans les collines de Malvern, en plein coeur de la campagne anglaise, dans ces grands espaces verts si beaux dans la littérature victorienne.
Stephen Gordon, fille unique de parents qui désiraient tant un fils, mène une enfance heureuse et insouciante dans sa riche demeure de Morton.
Enfant, Stephen porte des pantalons, monte à cheval "avec une jambe de chaque côté", se déguise en Nelson, casse le nez à Roger, fait de l'escrime, chasse avec les hommes, salue avec une poigne d'acier et range ses haltères près de ses livres.
Elle grandit en garçon manqué en dépit du monde en général et de sa mère en particulier, une femme ignorante et taiseuse qui n'éprouve que répulsion et désamour à son égard.
Si Stephen pousse librement (et naïvement), c'est parce qu'elle est sous la protection aimante et bienveillante de son père. Ami, confident, guide, défenseur, mère, frère, soeur, bouclier ... Il est tout pour elle. Mais il n'est pas éternel ...
S'ensuit l'itinéraire douloureux et courageux de Stephen de Morton à Londres puis à Paris en passant par la première guerre mondiale et les folles soirées parisiennes des 20's. Une décennie que le club des littéraires de la trempe de Stephen passe dans le salon de Valérie Seymour, qui ressemble beaucoup à Natalie Clifford Barney, écrivaine américaine ouvertement lesbienne et célèbre pour les salons littéraires qu'elle organisait chez elle à Paris à cette même époque.
Ça sent le vécu. À plein nez. Stephen Gordon est Radclyffe Hall. Radclyffe Hall est Stephen Gordon. J'ai été ébranlée par sa sincérité, son sens du sacrifie et du souvenir, son hypersensibilité et sa ténacité envers et contre tout.

Pièce unique sur mon podium 2020. Bien au dessus de toutes mes autres lectures.
Et maintenant, je me demande quel livre est de taille à être lu après ça sans me décevoir...

Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          50
Stephen est née au sein d'une famille anglaise aisée. Ses parents espéraient un garçon, alors lorsqu'une fille pointe finalement le bout de son nez, ils décident de lui donner le prénom peu commun de Stephen.

Mais la petite fille se révèle être différente, elle ne veut pas jouer à la poupée et préfère escalader les arbres et se déguiser en homme.

Stephen comprend qu'elle est différente des autres enfants du voisinage, mais ne sait pas mettre les mots sur ce qui la distingue.

Sa mère ne l'aime pas, culpabilise, mais ne peut qu'être rebutée par Stephen. le père lui, comprend que son enfant est différente mais par pitié, préfère ne pas lui révéler ce qu'il a compris de sa nature profonde.

Car Stephen aime les femmes et si l'homophobie est encore un fléau, en cette Angleterre d'avant la Première guerre mondiale, c'est encore pire. Stephen va devoir grandir et apprendre à subir ce puits de solitude qui l'entoure chaque jour un peu plus….

Ce roman est un excellent récit. Il dépeint la difficulté d'être homosexuel dans une société qui tait cette préférence sexuelle. On comprend le désarroi de la jeune Stephen, incapable de comprendre ce qu'elle ressent, qui elle est, à cause du silence qui l'entoure et de l'absence de modèle.

L'analyse psychologique de la protagoniste principale est d'ailleurs d'une grande finesse, donnant ainsi une véritable profondeur au roman mais lui conférant, aussi, des longueurs.

L'autrice nous montre quelle pouvait être la vie des homosexuels de l'époque. Elle montre à quel point l'ostracisme condamne à l'entre-soi, à l'exclusion et à la dévalorisation.

Elle dénonce aussi l'hypocrisie de la société prompte à condamner l'homosexualité mais qui reste silencieuse face à des conduites immorales.

Que reste-t-il comme solution ? S'enfermer ? Se moquer de l'avis des autres ? Se battre pour plus de reconnaissance ?

Impose de rester insensible à la lecture de ces pages qui, bien qu'écrites en 1928, restent encore d'une intolérable actualité.
Commenter  J’apprécie          10
Beaucoup aimé le puits de solitude de Marguerite Radclyffe Hall qui relate l'histoire d'amour entre 2 femmes au XXe. Parfois quelque peu daté sur le sujet (et pour cause, il date de 1928) mais récit éminemment courageux (je répète : 1928) et terriblement précieux.
Selon votre sensibilité, vous pourrez trouver son style boursouflé ou vibrant. Personnellement je me suis laissée emporter par sa verve romanesque et je ne suis pas prête d'oublier les 2 dernières pages qui m'ont arraché quelques larmes.
Commenter  J’apprécie          80
La vie de l'héroïne du roman le plus célèbre de Marguerite Radclyffe Hall est marquée du sceau de la différence. Issue d'un milieu aristocratique, Stephen Gordon est l'enfant unique de parents qui attendaient un garçon. Une fille leur vint, ils la baptiisèrent du prénom masculin qu'ils avaient déjà choisi. Dotée d'un physique singulier, elle déteste les robes et n'a d'inclination que pour les activités viriles. Suivent les tenues masculines et la coupe garçonne. Ainsi Stephen découvre et cultive cette différence dont le corolaire est une extrême solitude, comme un gouffre qui s'ouvre sous ses pas, à mesure que ce fait jour son orientation sexuelle et la réprobation du milieu conservateur dont elle est issue.

Le Puits de solitude défraya la chronique à sa parution à Londres en 1928. Il fit l'objet d'un procès en obscénité au Royaume-Uni, et on organisa un immense autodafé des exemplaires imprimés. Près d'un siècle plus tard, difficile d'y voir quoi que ce soit d'indécent dans ce désormais classique de la littérature saphique : de simples baisers de collégiennes et des doigts qui se nouent. Bien plus qu'un roman sur l'homosexualité, et comme l'annonce avec éloquence son titre, le présent roman est un roman sur la solitude térébrante qui accompagne le rejet de la foule pour ceux qui sont par nature, et sans s'en cacher, marqués par la différence. Classée septième sur la liste des cents meilleurs romans lesbiens et homosexuels compilés par Publishing Triangle en 1999, cette oeuvre est empreinte - pardonnez la formule, d'un style "féminin et bourgeois d'outre-Manche" assez désuet et parfois irritant.
Commenter  J’apprécie          20


critiques presse (1)
LesInrocks
02 août 2022
J’imaginais un roman sentimental et désuet, d’un intérêt vaguement historique. Bonne leçon pour moi. Car tout lesbien qu’il soit, et il l’est magnifiquement, Le Puits de solitude est un grand livre tout court.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Stephen était devenue très grave et distante, trop réservée, trop assurée, pensaient ses voisins. Ils supposaient que le succès lui avait tourné la tête, car elle n’admettait pas que quiconque pût entrevoir la terrible timidité qui lui faisait un tourment de tout commerce social. La vie avait déjà enseigné une chose à Stephen : ne jamais permettre aux hommes de soupçonner qu’une créature les craint. La crainte d’un seul est un aiguillon pour la masse, car le primitif instinct du chasseur est difficile à détruire ; il vaut mieux faire face à un monde hostile que de tourner le dos un seul moment.
Commenter  J’apprécie          00
Oh, quelle femme dure et sans pitié devait être cette mère malgré sa douce beauté, cette femme qui, effrontément, était honteuse de son fruit. « Je préférerais vous voir morte à mes pieds... » trop tard, trop tard, votre amour m’a donné la vie. Je suis la créature que votre amour a faite ; par votre passion, vous avez créé la chose que je suis. Qui êtes-vous pour dénier mon droit à l’amour ? Sans vous je n’aurais jamais connu l’existence.
Commenter  J’apprécie          00
Le découragement commun à tous les écrivains était en elle ; elle détestait ce qu’elle écrivait. Le travail de la nuit précédente lui semblait insuffisant, sans valeur ; elle décida de le barrer au crayon bleu et de réécrire le chapitre du commencement à la fin. Elle se laissa aller à une espèce de panique ; son nouveau livre serait une faillite grotesque, elle le sentait, elle n’écrirait plus jamais de roman de la valeur du Sillon.
Commenter  J’apprécie          00
Et il sentait qu’il savait, qu’il ne savait que trop bien ce que la vie ferait de Mary Llewellyn, ce qu’elle en avait fait déjà, car n’avait-il pas vu l’amertume qu’il y avait en elle, le ressentiment qui ne pouvait mener qu’au désespoir, le défi qui ne pouvait mener qu’au désastre ? Elle opposait au monde entier sa faiblesse et, lentement mais sûrement, le monde se refermerait sur elle jusqu’à ce qu’il la broyât enfin.
Commenter  J’apprécie          00
Elle ne pouvait davantage trouver de consolation en écrivant, car le chagrin, souvent, produit l’une de ces deux choses, soit qu’il élargisse les sources d’inspiration, soit qu’il les dessèche complètement et, dans le cas de Stephen, c’est la dernière qui était survenue. Elle soupirait après la réconfortante et libre émission des mots, mais les mots, à présent, la fuyaient.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : homosexualitéVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (315) Voir plus



Quiz Voir plus

Londres et la littérature

Dans quelle rue de Londres vit Sherlock Holmes, le célèbre détective ?

Oxford Street
Baker Street
Margaret Street
Glasshouse Street

10 questions
1048 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature anglaise , londresCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..