Le plaisir suprême du lecteur est de pouvoir lire une oeuvre sur le lieu même où se déroule l'action.
Je n'ai pas eu la chance de monter à bord de l'Abeille Flandre mais j'ai eu le privilège de découvrir ce récit palpitant d'
Hervé Hamon dans un hameau de la côte sud de l'Ile d'Ouessant, face au Fromveur et au Phare de Kéréon.
Avant la traversée depuis Brest, j'ai eu l'occasion d'admirer au port l'Abeille Bourbon, remorqueur majestueux de force et de taille, imaginant les aventures et les expériences de sauvetage en mer qu'il a dû engranger au fil des ans.
Et puis, en l'observant, tant d'interrogations se pressent dans ma tête : Combien de marins sont nécessaires au bon fonctionnement du bateau ? Quels types de bateaux peuvent être secourus par l'Abeille ? Sur quel territoire ?
Et voilà qu'
Hervé Hamon, avec ce récit
L'Abeille d'Ouessant vient au devant de toutes mes questions en donnant la parole à ce remorqueur extraordinaire, à ses équipiers-marins tout aussi extraordinaires, aux multiples acteurs des sauvetages en mer, aux Ouessantins, aux femmes et aux amis restés à terre.
Il n'en fallait pas plus. Je suis captivée.
Durant plus d'un an l'auteur a partagé la vie des marins de Abeille Flandre, au tempérament hors du commun, a affronté les vagues les plus hautes sorties tout droit des enfers, a expérimenté les émotions les plus belles, les plus fortes et les plus intimes dans un corps à corps avec les éléments pour nous offrir ce livre à couper le souffle.
Hier je marchais au pied de la tour du CROSS-Corsen me remémorant les échanges anxieux d'un fameux soir de tempête entre Carlos, le commandant de l'Abeille et les aiguilleurs.
Ce soir, ce sera une visite nocturne au Phare de Crea'ch et au loin, le fantôme de l'Olympic Bravery qui s'est enfoncé dans les eaux tumultueuses au Corn Héré.
Et puis je regarderai avec effroi le Capraia s'approcher dangereusement de l'île Keller et de ses nombreux rochers.
J'ai l'impression de vivre la visite guidée la plus passionnante, la séance de cinéma en 3D la plus captivante de toute ma vie.
J'ai l'impression d'y être. Simplement.
Par ses mots, avec beaucoup d'humour et de poésie,
Hervé Hamon m'a permis de vivre de l'intérieur cette vie de marin-sauveteur qui est si opposée à celle de la fille des Alpes que je suis.
Et puis, dans une semaine, je reprendrai la Penn Ar Bed pour regagner le continent. J'espère une traversée tranquille contrairement aux vacanciers qui ont vu leur séjour sur l'île prolongé de 5 jours pour cause de tempête.
À Brest, je n'hésiterai pas à m'arrêter à nouveau longuement devant l'Abeille Bourbon, en souvenir de toutes les émotions vécues à la découverte des aventures de sa soeur l'Abeille Flandre à travers ce livre.
Et puis, je tenterai d'apercevoir Carlos,
Jean-Paul ou Lionel sur le pont. Ou leurs successeurs. Peut-être auront-ils envie de partager, à travers un simple regard, l'immensité de l'océan, la passion de leur métier ou la force de leur engagement.
L'Abeille d'Ouessant est un très grand coup de coeur. Ce livre, comme cette île du bout du monde, vont laisser des empreintes indélébiles dans ma vie. Pour mon plus grand plaisir.
« C'est une mer qui rassemble toutes les autres, abrupte et hachée, pendulaire et rageuse, elle peut être énorme à toucher les cailloux. le Cap Horn subit des tempêtes effroyables, mais la roche y est clairsemée et le trafic plus encore. Ici, nous avons tout, les dents de la mer, les dents de la terre, et la folie des hommes, folie qui va grandissant avec le nombre. »