Écrit à l'attention de son épouse, ce court texte au charme suranné, à mi-chemin entre la chronique et le journal intime, est un bijou de tendresse, d'humour et de réflexions sur le quotidien d'un homme qui s'occupe seul de son petit garçon.
De manière objective,
Nathaniel Hawthorne, relate les événements, les faits, et les observations qui se passent tout au long de ces journées somme toute assez monotones.
Pour avoir visité le Berkshire et marché dans les traces de
Hawthorne, Melville et Édith Wharton, je peux témoigner que les descriptions qu'il fait des paysages du Berkshire sont magnifiques. Et ce, malgré la détestation qu'il éprouve pour ce coin de pays. « Quel climat horrible, horrible, horrible s'il en est! Il est impossible de savoir pendant dix minutes d'affilées si on se gèle ou si on a trop chaud, mais on se sent toujours l'un ou l'autre et le résultat constant est que notre système en pâtit. »
Il est aussi plaisant de l'entendre raconter ses rencontres avec
Herman Melville et ses voisins. En ce qui concerne Julian, sans nécessairement toujours exprimer ses propres émotions, la manière qu'il emploie pour le raconter dénote une profonde curiosité, un amour - tinté de quelques moments d'irritation – un respect, une douceur et une grande patience pour « le petit homme » ou « le vieux garçon » comme il se plaît à le désigner.
Au milieu de cette chronique,
Nathaniel Hawthorne va exprimer aussi des pensées plus intimes et des émotions qui rapprochent ce récit du journal intime.
Sa réflexion sur l'attitude de Mme Tappan face au moyen de se débarrasser du lapin est savoureuse de justesse : « Il y a, dans cette proposition, quelque chose de caractéristique qui témoigne d'une sensibilité au regard de laquelle la souffrance et le malheur d'autrui sont désagréables, comme le serait une mauvaise odeur, mais qui se sent parfaitement à l'aise dès que l'objet en question ne fait plus partie de sa sphère. Je suppose que cette personne n'aurait pour rien au monde tué Bunny, bien qu'elle l'eût exposé à la certitude de mourir lentement de faim, sans éprouver ni scrupules ni remords. »
À un autre moment, Julian ayant fait pipi au lit,
Nathaniel Hawthorne écrit, avec pudeur : « il s'était produit un déluge dans son lit et nulle part ailleurs ». le choix des mots est hilarant.
Aussi, lorsqu'avec Julian, Melville et ses amis, il visite le village Shaker de Hancock, il se laisse aller à son mépris pour cette secte et va même jusqu'à écrire : « Cela montre combien toutes leurs prétentions à la pureté et à la propreté sont totalement superficielles et que les shakers sont et ne peuvent qu'être des gens sales. Et puis ce manque total et systématique de la moindre intimité (…) est à la fois détestable et répugnant rien que d'y penser. »
En résumé, ce fût une lecture très agréable, instructive et qui me donne envie de lire (relire)
Hawthorne, ses livres, mais aussi et surtout ses Carnets Américains..
Et, en refermant le livre, on ne peut que souscrire à ce que
Paul Auster dit en conclusion de sa préface : « Un siècle et demi plus tard, nous essayons toujours de découvrir nos enfants, mais aujourd'hui nous le faisons en prenant des photographies et en les pourchassant avec une caméra vidéo. Mais les mots sont préférables, à mon avis, ne fût-ce que parce qu'ils ne se fanent pas avec le temps. Il faut plus d'efforts pour écrire une phrase véridique que pour régler un objectif ou appuyer sur un bouton, c'est certain, mais les mots vont plus profond que les images (…) À sa façon modeste et pince-sans-rire,
Hawthorne parvient à accomplir ce que tout parent rêve de faire : maintenir son enfant en vie à jamais»