Ce n'est pas particulièrement accrocheur. Les histoires paraissent toujours un peu vides, il manque la verve de Conan, les combats épiques, l'univers riche et l'imagination débridée que permettait l'Âge Hyboréen. Ça reste Howard, et il y a fondamentalement un talent et une bonne plume, mais c'est moindre, je ne crois pas que ce soit Howard à son meilleur.
Tout comme le personnage, ses histoires semblent avoir une sorte de crise existentielle. Je lis et j'aime Conan pour l'action et la barbarie; Kull pour les concepts étranges et l'aspect surréel;
Bran Mak Morn pour les grosses batailles et la tragédie de Bran qui ne pourra jamais sauver son peuple. Mais
Solomon Kane? Je ne suis pas entièrement sûr. Les histoires ne sont pas mauvaises, mais on dirait qu'il manque quelque chose à chacune. L'idée du personnage est bonne, mais j'ai l'impression que même le talent de Howard ne donne pas de réelle raison aux récits. Il manque l'éclair, la foudre unique qui donne leur saveur aux autres héros de Howard, et je dirais aussi qu'il manque de matériel, il manque d'histoires plus longues et plus importantes pour vraiment étoffer le personnage.
LE LIVRE :
Très beau, mais puisque c'est Bragelonne, je crois que ça va sans dire. Reliure banale mais élégante, couverture plaisante au toucher qui avec un tantinet de soin ne reste pas trop pliée ou grafignée. Ce livre faisant partie de la collection del Rey que Bragelonne a « importé », nous avons donc droit aux textes originaux et à des illustrations.
Gary Gianni fournit les illustrations, et comme dans Conan et Bran, il est excellent et élève vraiment les idées et scènes de Howard.
Patrice Louinet offre une excellente genèse à la fin, qui vaut la peine de lire, comme les autres.
LE TEXTE :
Ombres Rouges :
Pas exactement ce dont à quoi je m'attendais, mais pas une mauvaise surprise non plus. le début m'apparait un peu trop rapide, ça manque un petit quelque chose, mais dès que Kane se rend en Afrique, les descriptions s'étoffent et les conflits montent. Il y a un très bon flair poétique à cette nouvelle, plus que pour Conan, qui m'a d'ailleurs rappelé les meilleurs moments de Kull, notamment quand il marche dans les rues de Valusie, la nuit.
Le combat contre le Loup était plutôt bien fait, mais il manquait la verve et l'électricité des combats de Conan, et j'aurais préféré une fin plus claire et explicite pour le Loup, au lieu de simplement impliquer qu'il est mort et tombé par terre. J'aurais aussi aimé que Howard montre la poursuite de Kane à travers les pays (ce qui aurait été une opportunité pour plus d'introspection et de résolution, et de péripéties juteuses, peut-être), car les longs dialogues qui résument tout m'apparaissaient un peu forcés.
Sinon, c'est une bonne nouvelle. Bien ficelée, bien écrite, elle met le ton pour ce qui est à suivre, je crois.
Des crânes dans les étoiles :
Une nouvelle courte mais fort plaisante. Les descriptions sont bonnes et atmosphériques à souhait. Mais je trouve qu'elle manque de substance. Elle est courte et a l'avantage d'être concise, mais j'aurais aimé plus de cet endroit et de ce contexte. Je n'ai pas grand-chose d'autre à dire, autrement qu'elle était bien bonne et montre aussi le conflit interne de Kane vers la fin.
La main droite du destin :
Très courte, Kane n'y a quasiment rien à faire. Pas que c'est une mauvaise nouvelle, mais disons qu'elle manque un peu de viande sur l'os. Un tel manque qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à dire dessus, c'était juste adéquat, avec une bonne dose de sorcellerie bien appréciée.
Les bruits d'os :
Similaire à la précédente, en termes de taille et de qualité. Celle-là, par contre, m'apparait plus simple, moins peaufinée, plus rudimentaire. Pas mauvaise, mais j'ai de la misère à voir le but de cette nouvelle, la raison et la motivation de Howard pour l'écrire en premier lieu et la terminer.
La Colline des Morts:
Pas mauvaise du tout, mais comme les nouvelles, ça ne m'a pas émoustillé non plus comme la plupart des nouvelles de Conan le font. Il y a une bonne dose d'action vers la fin, et la mythologie est intéressante et N'Longa est bien sympathique, mais il n'y a rien de remarquable à la nouvelle. Elle est juste adéquate.
La Lune des Crânes :
C'est une vieille idée cousue et recouse, la mystérieuse cité antique perdue au milieu de nulle part, que Howard semble obsédé avec, puisque quasiment chaque personnage iconique qu'il a créé en rencontre au moins une dans ses aventures (surtout Conan, bon dieu). Mais je dois dire que Negari est plutôt bien réalisée, en particulier sur sa riche histoire. Mais la nouvelle demeure très basique, très linéaire, on sait où ça s'en va et comment les choses vont se dérouler. Plaisante, mais rien d'extraordinaire.
La Flamme Bleue de la Vengeance :
Encore une fois, une nouvelle bien adéquate, plutôt linéaire et concise. Deux bonnes scènes de combat, mais il manque un je ne sais quoi pour élever l'histoire.
Les Ailes dans la Nuit :
J'adore l'idée de base pour les akaanas et leur mythologie, et en lisant, j'ai eu l'impression que toute la nouvelle existe seulement pour que Howard puisse nous montrer ces créatures. Elles sont vraiment le point central de l'histoire, et il s'agit sans doute de ma nouvelle préférée du recueil, aussi car elle parait plus complète et étoffée que les autres, proche du calibre des histoires de Conan en terme de qualité.
Des Bruits de Pas à l'Intérieur :
Très courte, très simple, sans grande saveur mais avec, au moins, une bonne scène à la fin, dosée de paranormal et d'une créature assez unique. C'est pas mal tout.
Les fragments et brouillons :
Ils n'en valent pas vraiment la peine. J'ai aimé l'idée de base dans Asshur, mais le reste est assez plat et sans saveur.
PLAISIR DE LECTURE :
Solomon Kane n'est pas aussi étoffé que je l'aurais espéré. L'idée de base est bonne, un puritain à moitié fou qui erre et agit en justicier furieux pour la moindre injustice. Mais il manque de substance, on voit rarement ses conflits intérieurs (alors qu'il y a tant de potentiel), les nouvelles sont souvent trop courtes, trop linéaires ou trop basiques pour vraiment s'élever et fonctionner comme les aventures de Conan ou Kull. Ça vaut la peine d'un détour pour tout fan de Howard, mais on dirait qu'il manque un tout petit quelque chose pour que ça fonctionne aussi bien que ça devrait. La magie et la verve de l'auteur ne sont pas toujours au rendez-vous. Ça reste plaisant à lire, et bien construit, Howard étant un excellent raconteur, mais je le recommande vraiment qu'aux fans déjà mordus.