Chaque parti politique se targue de nos jours de nous proposer des programmes de plus en plus sécuritaires, de protéger les citoyens contre les malheurs, les traumatismes psychiques et les nuisances. Un véritable consensus existe à droite aussi bien qu'à gauche sur le fait que l'État doit veiller sur nos souffrances psychiques, que les menaces viennent de nos collègues de travail, des atteintes sexuelles, des injures de toute sorte, des images pornographiques ou violentes, des manipulations sectaires, voire même des charlatans autoproclamés psychothérapeutes.
En amour, il n'y a pas de bons et de méchants. L'individu le plus honnête peut se transformer en le plus ignominieux des bourreaux. C'est bien pour quelque chose que Mère Teresa a fait vœu de chasteté. Les saints, les êtres touchés par la Grâce ne rentrent pas de nos jours en Amour, du moins pas au sens de l'eros. C'est pourquoi le maintien du célibat des prêtres, sur lequel l'Église catholique ne veut pas revenir, est l'expression d'une sagesse profonde, et non point d'un conservatisme aveugle comme on le prétend d'habitude.
Chaque fois que deux personnes sont amoureuses, il y en a une qui aime davantage. Cela par un fait bien simple : le degré d'attachement identique est impossible, de même qu'il n'y a pas deux pierres ou deux yeux, si semblables soient-ils, qui ne présentent une petite différence de taille. Cela est immédiatement perceptible par les deux individus engagés dans cet amour. Chacun sait le degré de terreur que produit sur l'autre la possibilité d'une rupture. Celui qui aime le moins sait que l'autre craint beaucoup plus que lui cette rupture car son attachement est tel qu'il ne supporte même pas que cette possibilité s'accomplisse ne serait-ce que dans les idées ou dans le langage.
Parfois l'on devient pervers, l'on prend goût à la destruction d'autrui d'une manière occasionnelle, car la situation se présente. Convenons d'appeler ce groupe de pervers récidivistes ou occasionnels les « maltraitants » et leurs victimes, les « proies ».
Nos sociétés de jadis avaient de solides garde-fous pour contenir, voire empêcher ce type de comportement. À une époque que certains verront comme arriérée, le divorce était rare, les couples s'unissaient pour la vie et les pervers devaient se contenter d'aventures marginales. Leur capacité de nuire était ainsi sévèrement cantonnée. Qui plus est, les tribunaux étaient très indulgents à l'égard du crime passionnel, ce qui pouvait leur faire craindre le feu d'une vengeance irrémédiable. Une maille bien plus forte encore, celle de la morale, faisait que ce type de personne ne trouvait pas l'approbation, voire l'indifférence souveraine qu'elle suscite aujourd'hui.
Le cinéma et surtout la télévision, à une plus grande échelle, sont les outils de propagande les plus efficaces pour nous convaincre et nous faire croire. On pourrait même penser que c'est dans le langage cinématographique que l'on apprend aux gens à vivre leurs expériences amoureuses. Et tout cela pour mieux vendre leurs produits mais surtout pour créer l'obéissance et la foi avec lesquelles on achètera tous les autres. Car la publicité est elle-même un énorme champ qui exploite aussi bien l'amour que la préparation à l'amour. On nous vend des voitures en nous faisant croire que nous pourrons par ce biais séduire une femme unique, qu'en achetant tel mascara nous serons en mesure de capturer comme dans une toile d'araignée l'homme auquel on rêve.