Livret intéressant sans doute plus pour les parents et adolescents eux-mêmes que pour les professionnels de la profession. Peut-être intéressant aussi pour les professionnels encadrant mais non-"psy".
Je ne sais pas trop. Je n'ai pas appris grand chose, mais je trouve que c'est assez bien dit, écrit.
Les paradoxes de l'humain qui se déploient à la puberté et cette adolescence si complexe qui a du mal à se bien finir dans nos sociétés explosées... Oui, de vrais vastes sujets impliquants, qui sont ici évoqués, et qui sont à approfondir pour ceux qui le veulent.
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Il est comme un bateau au milieu de courants divergents et peut même se sentir comme une girouette soumise au caprice de vents changeants sur lesquels il se sent sans prise. C'est cela la crise de l'adolescence. Il sait qu'il ne peut plus rester ancré à l'abri du port de son enfance mais il ne sait pas vers où il doit se diriger ou, pire encore, il désire aller vers des directions opposées si ce n'est même vers toutes les directions. Comment choisir ? En fonction de quels critères ? Peut-on seulement choisir ? Et surtout a-t-on les moyens de ses choix ? De quelles ressources dispose-t-on pour entamer ce voyage ? D'où les inévitables questionnements : Qu'est-ce que j'ai dans la tête ? Qu'est-ce que j'ai dans le ventre ? De quoi suis-je capable ? Quelle est ma valeur ? Avec en corollaire :; Est -ce que je compte pour quelqu'un ? Suis-je aimable c'est-à-dire puis-je être aimé ? Compter pour quelqu'un ? Mes parents ? Et les autres ? Quels autres ? Des questions par milliers. Aucune réponse certaine.
La destruction, c'est la créativité du pauvre. Pauvre, non pas au sens économique, mais du Moi, qui se sent dans la situation de ne pouvoir rien faire et de passivité totale. Avant de disparaître il reste toujours quelque chose de possible, détruire, et à la dernière limite si on ne peut plus détruire les autres, se détruire soi-même.
Les adultes ont des exigences qui apportent aux adolescents les limites dont ils ont besoin et qui les rassurent. La formulation de ces exigences permet en outre l'expression d'une conflictualité qu'il faut rendre tolérable, offre la possibilité à l'adolescent de prendre sa mesure dans l'affrontement, mais surtout contribue à protéger l'adolescent d'une prise de conscience trop brutale de ses besoins et de sa passivité.
Changer, voilà ce qui est en fait le plus attendu et le plus redouté. Il est plus facile de revendiquer voire d'exiger que cela change, que de se donner les moyens pour qu'un changement puisse advenir, il faudrait que le changement s'opère comme par magie, ou que les autres changent et la tentation est grande de penser le changement impossible du fait des autres qui ne font pas ce qu'il faudrait, qui ne comprennent pas. C'est de leur faute si on est ce qu'on est et qu'on ne change pas. Ce n'est pas nécessairement faux mais c'est occulter le fait qu'on donne ainsi à ces "autres" un pouvoir de nous changer qu'on refuse par ailleurs car ce serait reconnaître nos attentes et notre dépendance à leur égard. On est en plein paradoxe mais on ne le sait pas.
La contradiction telle qu'elle est vécue par l'adolescent pourrait se formuler ainsi : "ce dont j'ai besoin pour pouvoir être autonome, cette force qui me manque, parce que j'en ai besoin , à la mesure de ce besoin qui me pousse à aller la chercher auprès des adultes supposés l'avoir, c'est ce qui menace mon autonomie". En résumé : "ce dont j'ai besoin est ce qui me menace".
Philippe Jeammet - Quand nos émotions nous rendent fous